Chapitre 1

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Matrinia : la violence dans les dents

Matrinia Velkovf sortait de son immeuble du centre-ville de Nantes. Un trait d'eye liner fin dessiné sur la paupière, son rouge à lèvre bordeaux soulignant la forme parfaite de ses lèvres, ses cils peints en noir lui donnaient un air sévère. Son haut à manches longues et col roulé taillait son buste, et une jupe crayon en cuir noir épousait la forme de ses hanches. Ses bottines à talon et son sac à main, tous deux en cuir noir verni, affinaient et élançaient sa silhouette déjà svelte. Pour finir, ce que tout le monde remarquait chez Matrinia : ses yeux gris clair mais profonds et perçants à la fois. Un détail subsistait, les gens ne le voyait presque jamais. Matrinia avait de petites canines pointues, juste assez pointues pour percer les peaux avec violence. Matrinia était une jeune femme de vingt ans étudiants en lettres, mais elle était avant tout un vampire.

Elle marchait le long du cour des cinquante otages, le tram passait à côté d'elle, sonnant. Puis un bus, puant de gaz d'échappement, chargé de monde. Il y avait bien trop de personnes en ville à son goût, et malgré le ciel plein de nuages, les humains voulaient faire les soldes. Autant que d'humains il y avait de peau nue, Matrinia avait envie de leur sauter dessus, elle voulait trop du sang cet après-midi. En marchant, ses cheveux noirs flottaient dans son dos d'une manière presque irréelle. Elle accélérait le pas, l'heure de son rendez-vous se rapprochant. Ses cheveux sombres et son teint pâle lui avaient valu plusieurs fois le surnom de Blanche Neige. Elle était répugnée par cette princesse, alors elle avait toujours très mal pris cette appellation. Elle arrivait devant cette petite porte au creux d'un mur d'une rue jouxtant le cour et toqua, composant le mot Toxii en morse. On lui ouvrit la porte, elle souriait pour montrer ses canines, puis elle rentrait. Le bar pour vampires nantais, le Toxii, était caché entre une banque et une petite boutique de vêtements, mais était surtout secret. Matrinia s'assit à une petite table pour deux, à l'écart des autres, dans un coin de la salle. De la vieille musique passait, l'éclairage était rouge, de la fumée de cigarette embaumait l'air. Elle scrutait la salle, alerte, la porte s'ouvrit et c'est son ami Harktur qui entrait. Il avait les mêmes cheveux noirs, les mêmes yeux gris que Matrinia. Il s'approchait d'elle, cette dernière se levant pour lui faire la bise, la main posée sur sa veste en cuir. Elle renifla l'odeur dans son cou et recula.

— Juliette, hier soir ? demanda-t-elle.
— Exact, dit-il. C'était vachement bien, mais je commence à la connaître, la minette.
— Je vois. En tout cas demain, je peux t'assurer que tu porteras mon odeur... dit Matrinia, lançant un regard séducteur à son ami avant de s'asseoir et de commander un café.
— Comme tu le souhaites, répondit Harktur, prenant place à son tour et commandant la même chose.
— Alors, de quoi voulais-tu me parler ? demandait la jeune femme.
— Tu vois la riche famille de vampires qui vit dans le vignoble ? demanda-t-il, poursuivant quand son amie hochait la tête. Ils ont des stocks énormes de sang humain, ils veulent le vendre, alors ils ont contacté quelques personnes.
— Dont toi, et tu veux que je t'aide à vendre, je me trompe ? demandait Matrinia, le regard hautain.
— Exactement. Ils disaient trente pour cent pour les vendeurs... Ça te convient ? demandait-il.
— Ça m'a l'air convenable, oui, mais il faut voir le prix du sang qu'ils veulent vendre, ajoute-t-elle.
— Justement, il y a une réunion d'organisée chez eux, demain à dix-sept heures.
— J'y serais, dit-elle. Je ne vais pas manquer une occasion de me faire de l'argent facile.

Les cafés arrivaient, les deux amis discutèrent de leurs vies respectives. Harktur n'arrivait pas à se mettre dans une relation stable et ses copines le quittait après deux semaines. De son côté, Matrinia vivait sa vie de célibataire et disait vider un humain de son sang au moins une fois par semaine. Harktur était jaloux, il n'arrivait à boire qu'un litre d'affilée, et il conservait du sang en bouteille dans sa cave. Matrinia et lui se connaissaient depuis leur enfance, ils avaient fait toutes leurs premières fois ensemble, notamment leur premier meurtre. La jeune femme passait ses journées chez lui, enfant, et s'était vite montrée plus rapide que lui pour la morsure.

CENT POUR SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant