Chapitre 9

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L'or : On oublie trop vite les beaux jours

Matrinia arrivait presque à oublier les Foster et ce qu'elles lui avaient fait, son corps perdait presque les marques de leurs supplices. L'été, un soleil ravissant et la présence de ceux qu'elle aimait, tout était là pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule et qu'elle était forte. Se libérer était pour elle la clé de son bonheur, et elle n'arrivait pas à enfin retirer les chaines attachées à ses chevilles, il ne lui manquait que quelques efforts. Harktur ne pouvait jamais la quitter du regard, il adorait regarder ses fines mains entourer ses verres de vin ou de sang, ses ongles s'enfoncer dans sa peau quand elle était énervée, ou son sang glisser le long de son dos quand il la mordait. Il continuait de voir Valentin, tandis que la jeune femme continuait de voir Juliette. Sa jalousie s'était petit à petit estompée, il en avait presque oublié la sensation. Ils étaient, un après-midi de la mi-juillet, confortablement installé contre les parois de la piscine à ne rien faire, le soleil tapant sur leur dos. Matrinia s'ennuyait presque dans sa petite vie de campagne, mais ne voulait pas se risquer à finir en prison. Elle avait trop souvent goûté aux risques de son identité. Même si son quotidien lui paraissait trop calme, elle essayait de se conforter dedans et de s'y faire. Parfois, elle partait à la chasse pour attraper un ou deux humains, qu'elle ramenait ensuite pour partager avec Harktur.

Un soir en semaine, ils décidaient d'aller sur la plage et de voir s'ils ne pouvaient pas en ramener un. Le soleil était loin d'être couché, mais l'air était déjà rafraîchi par son départ imminent. Du monde était amassé autour du bar, près des façades de rochers, et on entendait chantonner joyeusement. Une odeur agréable leur parvenait, certains commençaient déjà à se réchauffer. Tandis qu'ils s'installaient non loin de l'attroupement sur des chaises longues, le soleil s'abaissait petit à petit. L'atmosphère près du bar s'allégeait encore un peu, chacun buvant encore plus. Matrinia laissait ses yeux glisser d'un humain à l'autre, cherchant la proie idéale. Harktur avait l'œil fin, ayant la capacité de déchiffrer le corps de ses victimes. Musclés, avec peu de graisse, peu robuste, à la peau dure... Un cocktail dans la main, une jeune femme s'approchait d'eux, leur proposant de la rejoindre pour la soirée, qu'elle se sentait seule... La proie parfaite. La vampire adressait un regard au jeune homme et répondit à l'inconnue qu'ils réfléchiraient. C'était un peu comme un cadeau du ciel... Une superbe offrande. Elle était en bonne forme physique, les deux vampires n'avaient aucun doute concernant sa vigueur et son goût. Elle n'essaierait probablement pas de se débattre, ce qui rendait l'assassinat moins amusant, mais elle serait délicieuse. Ils acceptaient et s'approchaient de nouveau du bar pour lui parler et la rassurer, au cas où elle aurait quelque appréhension. Harktur trainait beaucoup en dehors, sur les marchés et autres, bien plus que la jeune femme en tout cas. Il savait à propos des rumeurs. Les gens savaient que des vampires étaient installés en ville, et qu'ils n'hésitaient pas à tuer. De plus, leurs petites histoires à Nantes avaient fait le tour de la France, et on savait que la ville avait été animée par de nombreux crimes. Alors qu'ils s'apprêtaient à repérer encore une ou deux autres proies, deux coups de feu retentirent sur toute la longueur de la plage. Plus loin, au niveau de l'entrée du port, cinq policiers accompagnés de trois chasseurs de vampires, comme toujours vêtus de costumes blanc immaculé, venaient de tirer sur une personne. Matrinia se tournait vers l'autre vampire, tout le monde autour d'eux s'agitait et commençait à partir, en essayant de ne pas avoir l'air trop suspect. Ils prirent évidemment leurs jambes à leur cou, mais les chasseurs les avaient déjà repérés et s'élançaient à leur poursuite. Les policiers peinaient à suivre, essayant de tirer dans le dos de la jeune femme qui prenait une direction différente. Il valait mieux se séparer, de toute façon il était probablement trop tard pour se cacher. Le soleil était presque complètement couché, la pénombre arrivait et il ne restait que quelques enseignes ouvertes dans les rues du village. Harktur avait continué le long de la plage, deux policiers et un chasseur l'ayant suivi... Cela voulait dire que Matrinia avait trois policiers et deux chasseurs derrière elle. Il se répétait dans sa tête qu'elle irait bien, mais ne pouvait s'empêcher de penser le contraire, pour quelque raison que ce soit. Une mauvaise intuition, surement. Courir commençait à l'épuiser, ses foulées se faisaient de plus en plus grandes et de plus en plus légères. Il serrait les dents, le vent de la nuit fraiche lui fouettant le visage. Des balles atterrissaient dans le sable non loin devant lui, il se forçait à courir en slaloms pour confondre les policiers. Le chasseur arrivait de plus en plus près, il sentait sa présence dans son dos. Se jeter dans la mer ? Non... On le rattraperait, et il ne pourrait pas nager à l'infini, déjà épuisé. Matrinia, elle, ne savait même pas où elle allait, mais continuait de prendre les petites rues pour perdre les policiers et chasseurs qui la poursuivaient. Elle se sentait presque voler, battant probablement ses records personnels de vitesse. Etonnement, elle prenait plaisir à de nouveau être en pleine course contre ceux qui voulaient la tuer. Quelques heures plus tôt, elle se plaignait de la plénitude inhabituelle de sa vie ici, et maintenant elle pouvait de nouveau savourer le risque. Elle entendait des balles filer tout près d'elle, s'écraser dans les pavés. Ne regarde pas en arrière, se répétait-elle, sachant pertinemment qu'un seul coup d'œil dans son dos pourrait lui faire perdre quelques mètres, ce qui était déjà trop. Il n'y avait presque plus de maisons au fur et à mesure qu'ils couraient...

CENT POUR SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant