Chapitre 2

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Jouvence : Le sang des enfants

Matrinia avait vendu tout son sang humain en stock. C'était le vendredi soir, elle avait gardé deux cents euros chez elle et avait pris les six cents autre avec elle dans une banane portée sous sa veste. Elle avait pris sa moto et roulait rapidement entre les voitures, se fichant du risque d'avoir un accident. Elle accélérait alors qu'elle sortait de la ville et commençait à emprunter de petites routes de campagne. Elle apercevait le manoir de loin, des nuages noirs avaient commencés à envahir le ciel et la grande bâtisse se détachait presque par sa luminosité. Elle ralentissait aux abords de l'entrée et s'arrêtait finalement devant la grille. Il n'y avait pas de sonnette, mais elle vit une grande silhouette s'approcher d'elle, une femme en belle robe bleue découvrant des épaules fines. Elle avait une apparence jeune, mais le teint pâle et les yeux gris des vampires. Elle lui sourit, ses canines pointues se détachaient et lui lançaient une menace invisible. Elle avait un trousseau de clés à la main et ouvrit le cadenas pour laisser la jeune femme rentrer. Matrinia faisait avancer sa moto et s'arrêtait quelques mètres après tandis que la femme commença à marcher à sa hauteur.

— Matrinia, c'est ça ? Viktoria m'a dit vrai, vous êtes charmante, dit-elle.
— En effet... répondit la jeune femme, surprise d'un tel compliment, on lui disait habituellement qu'elle était banale. Et vous êtes ?
— Hanzel Foster, fière mariée de Viktoria depuis plus de neuf cents ans, dit-elle. J'étais son otage, à l'époque, ajouta-t-elle avec un air nostalgique.
— Surprenant, remarqua la jeune femme. Mais toutes mes félicitations, ajouta-t-elle sans une once de sympathie dans la voix.
— Viktoria vous a-t-elle prévenu que vous dîniez ici ? Elle est assez tête en l'air, pour une chef d'entreprise multi millionnaire, rigola-t-elle, indiquant le chemin à Matrinia.
— Je ne suis pas au courant, non, mais j'accepte volontiers, mentit-elle, elle avait prévu de passer la soirée chez Harktur.
— Je m'en doutais, dit une femme, debout sur le perron de la grande porte du manoir. Il me semblait bien que j'eusse oublié quelque chose.
— Viktoria ! dit Hanzel. Ce n'est pas possible, tu m'avais dit que tu me ferais la surprise avec ta nouvelle robe...
— Surprise ! dit Viktoria, se moquant de sa femme avec sa voix douce habituelle. Matrinia, quel plaisir de vous revoir, ajouta-t-elle.
— Moi de même, madame Foster, dit la jeune vampire sans montrer de ravissement.
— Suivez nous donc à l'intérieur, Matrinia. Mais attention, j'espère que vous n'avez aucun problème avec la viande humaine.
— Au contraire, dit la jeune femme, affichant un sourire en coin.

Les trois silhouettes rentraient dans le grand hall, laissant l'extérieur de nouveau dans la pénombre de la nuit tombante. Les Foster la firent voyager dans le manoir pour lui faire visiter, fières de leur construction alambiquée qu'elles avaient conçue ensemble il y avait cinq cents ans. Au premier étage étaient les salons, tous différents les uns des autres, et qu'elles choisissaient en fonction de ce qu'elles voulaient faire et de quelle humeur elles étaient. Le second était consacré aux bains, avec piscine privée donnant, par une grande baie vitrée, sur un merveilleux parc. Troisième étage : les chambres, une demi-douzaine, encore une fois toutes différentes, comme les salons. Les lits étaient immenses, la plupart pouvait faire dormir cinq ou six personnes. Le dernier étage était un ''petit secret'' disaient les deux femmes, qui ne voulurent pas lui montrer. Elles redescendaient, le hall vu du haut semblait encore plus grand. Au rez de chaussée, dans une immense salle à manger, une longue table entourée de quatre chaises et couverte de plats introuvables autre part. Bras, jambes, cous. Elles prenaient place, et une quatrième femme arrivait. Elle aussi était grande, habillée de blanc, aux cheveux noir lâchés sur ses épaules parfaites. Elle se présentait rapidement, elle était la petite sœur de Viktoria, elle n'avait que cent ans, et s'appelait Élisabeth. Élisabeth prenait donc place à table à son tour, ramenant sa robe correctement. Matrinia était perturbée, toutes les trois étaient bien habillées mais pas elle. Hanzel la rassurait et lui proposait de passer à l'entrée, des oreilles et du jus de tomates mélangé à du sang de vampire de deux mille ans. La jeune femme goûtait, c'était meilleur qu'elle ne le pensait. Trouver de la bonne chair humaine sur le marché était dur, trop de charlatans peuplaient ce milieu, elle n'avait donc pas l'occasion d'en manger, et savourait chaque bouchée chez les Foster. Elle n'avait vu aucun homme, à l'exception des deux vampires jumeaux du soir de la réunion, et se posait des questions. Quitte à paraître froide ou trop ''séductrice'' comme lui avait dit Harktur, elle voulait des réponses à ses questions. Le repas se passait bien, et Matrinia se sentait bien en compagnie de ces vampires pourtant bien plus vieilles qu'elle. Viktoria lui jetait des regards à faire froid dans le dos, malgré ses paroles mesurées au millimètre et sa voix calme, douce, d'un timbre parfait. En plat, bras et mollets, tous crus et entourés de petites salades et de pommes de terre sautées. Elle aperçut les jumeaux de la dernière fois dans un coin de la pièce en train de les observer manger, se mordant la lèvre de leurs canines. Soudain, celles de Matrinia commencèrent à lui faire mal. Elle avait de nouveau envie de mordre, de sucer du sang de la peau de n'importe qui. Elle se mordit la langue, mais sentit le regard insistant de Viktoria. Elle se souvenait de ses paroles de la dernière fois et arrêta, se contenant de manger avec le plus de violence possible les jambes et les bras. Le pire, c'était qu'elle était la seule à manger ainsi. Elle se dit qu'en campagne, il devait être facile pour ces trois femmes de chasser dans la forêt comme dans les petits villages. Matrinia était presque jalouse, pensant à s'installer ici également. Le dessert arrivait, de la mousse de sang humain dans de beaux petits pots noirs.

CENT POUR SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant