Chapitre 6

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La vie en rouge : Harktur et Matrinia

Matrinia montait tranquillement les escaliers menant vers les chambres, serrant sa main sur la rambarde, ses canines commencèrent à la piquer, elle pouvait sentir son cœur battre bien trop vite, elle en avait presque mal, ses jambes tremblaient tandis qu'elle atteignait le palier. Elle fit quelques pas vers la porte, tendant une main secouée de tremblements vers la poignée. Elle toquait légèrement, puis ouvrait la porte doucement, jetant un coup d'œil à l'intérieur. Harktur était devant le miroir, dans un noir presque complet. Son bras était en sang, et plein de ce dernier dégoulinait de ses lèvres. Il se retournait en entendant les pas feutrés de la jeune femme, l'observa un instant, se demandant pourquoi elle était montée le voir, mais heureux de ceci. Elle ne bougeait pas, la main posée contre l'encadrement de la porte, observant Harktur presque couvert de sang. Matrinia fit quelques pas, s'approchant de lui, les mots fusants dans sa tête, n'arrivant pas à les dire. Il s'avançait légèrement à son tour, ouvrant ses bras. La jeune femme glissa vers lui, attrapant son visage dans ses mains, luttant pour ne pas le mordre, étalant un peu plus le sang qui coulait sur son menton. Il la regardait dans les yeux, constatant ses pupilles agrandies, le gris brillant de larmes. Il attrapait sa taille, montait ses mains dans son dos puis dans ses cheveux, les agrippant, se penchant pour l'embrasser. Matrinia se sentait tomber, elle ne savait même pas si elle aurait besoin de lui dire ou non. Peut-être qu'il l'avait compris, depuis tout ce temps. Depuis toutes ces années. Elle entourait son cou de ses bras, fermant les yeux, caressant ses cheveux noirs. Elle avait presque du mal à comprendre ce qui se passait en elle, c'était ça les papillons dans le ventre ? Harktur l'embrassait un peu plus, l'embrassant pour la première fois avec amour. La jeune vampire arrivait à le sentir, elle arrivait à sentir tous les sentiments qu'il essayait de faire passer par un baiser, les sourcils froncés, les bras serrés autour d'elle, il ne voulait pas qu'elle parte, il ne voulait pas la voir plonger dans des eaux sombres; encore une fois. Ils revenaient à la normale. Ils s'embrassaient, presque comme avant. Matrinia avait le dos collé contre le mur, les griffures d'Harktur étant déjà parties grâce au kit de guérisseur. Le jeune homme la pressait, faisant glisser ses canines dans son cou, comme pour la menacer, il voulait la menacer. Elle s'accrochait, voulant terriblement sentir les canines du vampire dans son cou. Joanka et Ilynia étaient à la porte, écoutant avec deux bouteilles de vin, mais n'ayant toujours pas entendu les confessions romantiques qu'elles étaient venues chercher. Finalement, quelques murmures s'élevaient de l'autre côté des murs. Elles écoutaient, percevant la presque totalité des phrases.

— Harktur...soufflait la jeune femme alors que ce dernier glissait une main dans son dos. J'avais... Quelque chose à te dire.
— Dis-moi... murmurait-il à son tour, se penchant légèrement pour mieux entendre.
— Je... commençait-elle, trouvant cette tâche beaucoup trop dure. Je t'aime.
— Tu... vraiment ? demandait Harktur bêtement, causant le rire de la jeune femme, qui hocha la tête.
— Est-ce que c'est- commençait elle, coupée par le jeune homme.
— Oui c'est réciproque... dit-il, affichant avec un sourire toutes ses dents avant de l'embrasser.
— Une vraie fanfiction, je te jure ! chuchotait Joanka à sa chérie alors qu'elle entendait la conversation.

Au dîner. Ils n'eurent même pas besoin de leur dire qu'ils étaient "en couple", car depuis longtemps les deux vampires l'avait attendu. Matrinia s'était illuminée, et même si elle gardait son petit air hautain, elle se sentait bien plus forte maintenant, bien plus puissante, et elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Harktur avait l'impression d'être relâché, comme s'il avait porté le poids de l'avoir rejeté pendant six ans. Les plats étaient servis, un léger vent rentrait par les fenêtres ouvertes, chacun mangeait morceau de viande sur morceau de viande, discutant comme si rien des derniers mois ne s'était passé. Rien à partir de février n'avait existé. Le relâchement se ressentait dans le groupe d'amis, qui décidèrent de ne pas, surtout pas, contrôler leur consommation d'alcool pour le premier soir de leurs vacances. Matrinia, aux alentours de vingt-trois heures, retirait la belle robe qu'elle avait amené et se laissait tomber dans la piscine, saoule mais pas hors de contrôle, pour une fois, se disait Harktur. Elle flottait à la surface de l'eau, regardant le ciel, les quelques étoiles qu'on pouvait encore y voir. Elle se mordait légèrement la joue, se rendant compte qu'elle avait un peu envie de sang, et fermait les yeux. Cette journée était trop longue, elle avait envie de dormir maintenant. Mais elle ne pouvait pas s'endormir dans la piscine. Harktur la regardait voyager à la surface de la piscine, la rejoignant après quelques minutes pour se laisser flotter lui aussi, lui tenant la main faiblement. Sa main, elle était froide et frêle, il avait l'impression de la casser alors qu'il ne la serrait qu'à peine. Matrinia le rendait triste. Il voulait retrouver la Matrinia d'avant. Tout le monde voulait retrouver la Matrinia d'avant. Elle, était triste de ne pas pouvoir réellement revenir en arrière. Elle ne pourrait pas oublier, oublier la sensation de noyade, oublier son ventre transpercé par une voiture, les horreurs faites par les Foster. Elle ne pourrait pas, elle n'en serait pas capable. Elle avait un peu envie de pleurer, et elle ouvrait les yeux pour se rendre compte que Harktur lui tenait la main. Il la lui tenait depuis déjà longtemps, mais elle ne l'avait pas sentie. Elle apercevait la lumière de la chambre des deux jeunes femmes s'allumer, lui faisant penser qu'ils seraient peut-être mieux dans un lit. Elle sortit de l'eau sans rien dire, enfilant son peignoir qu'elle avait laissé au bord, ne faisant pas attention à sa robe. Elle remontait dans la maison, sans même se sécher. Ses yeux se mouillaient de fatigue et d'émotion mélangées, elle ne voulait presque pas croire qu'elle avait maintenant une relation avec le jeune homme. Ils s'étaient rapidement mis d'accord, tous les deux auraient droit d'aller voir ailleurs. Harktur savait qu'il ne suffirait pas à Matrinia, qu'elle aurait besoin d'aller voir d'autres, surtout des femmes. Elle se demandait si c'était correct de faire cela. Mais elle avait même du mal à se dire que maintenant Harktur était son copain. Elle n'aimait pas tellement ce mot. Elle regardait par la fenêtre Harktur sortir de la piscine et récupérer la robe qu'elle avait laissé en bas. Quelques secondes après, il remontait, Matrinia assise sur le bord de leur lit, plongée dans ses pensées. Est-ce qu'elle aussi était anarel ? Est-ce qu'elle avait du mal avec ces appellations parce qu'elle était comme Ilynia ? Elle se posait trop de questions. Le jeune homme rangeait sa robe et vint s'asseoir à côté d'elle. Elle avait retrouvé sa vigueur, et voilà qu'elle s'isolait de nouveau pour il ne savait quoi de sûrement pas si grave. Matrinia tournait sa tête vers lui, un grand sourire sur les lèvres, et le poussa pour s'asseoir sur lui. Elle le regardait. Elle voulait pleurer.

CENT POUR SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant