Les jours qui suivirent la rentrée passèrent à une vitesse inouïe. Je n'avais pas revu l'empereur. Il n'était pas présent aux annonces du matin ou aux repas dans la salle commune. Nous avions cours avec lui seulement une après-midi par semaine.
Je ne parlais pas à mes camarades de classe. J'avais le droit à quelques moqueries de temps en temps. Mais elles ne me touchaient pas car ils ne connaissaient rien de ma personne, j'entretenais une aura de mystère. Ils spéculaient sur ma vertu, sur mon intelligence, sur ma pauvreté, j'avais même entendu dire que j'étais une espionne. Cela m'amusait.
Une fois j'eus le droit à une remarque de Grégoire, fils du conseiller de l'empereur
-Comment une fille du peuple peut posséder un pendentif en argent ?
Mon poing s'était serré sur ce pendentif, seul lien existant entre moi et mes parents inconnus. Sont-ils morts pendant la guerre ? Pourquoi m'ont-ils abandonné il y a 18 ans ?
Aujourd'hui, j'allais avoir de nouveau cours avec l'empereur. Il était apparu dans la salle commune durant le petit-déjeuner, il avait rejoint l'estrade et s'était assis au banquet des professeurs. Il était relativement jeune, une trentaine d'années. Il était arrivé au pouvoir à mon âge, il était connu pour être un surdoué, d'où son manque d'empathie, enfin, c'était ma supposition.
La cloche sonna. Nous partîmes en cours.
- Ouvrez vos cahiers, nous allons étudier ma plus grande conquête, la prise de la demeure constitutionnelle, la prise du palais d'Aménia. Dit l'empereur.
Lisa répondit en minaudant.
- Oh, j'ai étudié en détail ce plan de bataille, vous êtes un vrai génie. Il l'ignora.
- Pour aujourd'hui, je veux que vous me proposiez la meilleure stratégie d'attaque; celle qui m'aurait permis d'épargner la vie du maximum de mes soldats. Vous avez une heure. Ceux qui le souhaitent peuvent travailler en groupe.
Tous choisirent de travailler en groupe. Moi non. J'avais déjà étudié cette bataille, avec le vieux moine qui m'instruisait. Il m'avait déjà posé cette question, j'avais répondu
- Ah quoi bon refaire le passé ? Ce fut sanglant, on ne peut rien y faire !
Il m'avait dit
- Justement, vous devez l'étudier pour que jamais les erreurs du passé ne se reproduisent.
Comme si j'avais une quelconque influence sur le cours des évènements, c'était grotesque...
L'heure passa. Il interrogea les groupes volontaires. Tous participèrent sauf moi. Quand tous les groupes furent passé il déclara:
- Aucun de vous n'aurez pu mener cette bataille, chacune de vos stratégies sont prédictibles.
Il nous donna sa solution :
- La meilleure stratégie est de laisser un passage d'échappatoire à l'ennemi. Un ennemi pris au piège se battra avec ferveur pour sa vie. Un ennemi qui a le choix de fuir, ne pourra avoir la même ténacité. Les batailles ne sont pas juste stratégiques, mais également émotionnelles. Arrivé à l'antichambre, j'aurais dispersé mes troupes en quatre groupes, j'aurais attaqué à gauche à côté de la Chapelle, à droite par le salon, et par derrière afin d'enfermer le roi usurpateur et sa famille. Les gardes auraient pu fuir par la porte principale ou par la Chapelle.
Il s'arrêta.
- C'est ça, ce que j'aurais dû faire.
Soupira-t-il.
Je répondis:
- Je pense que ça n'était pas la meilleure solution...
Il me coupa la parole
- Comment osez-vous remettre en cause ma parole ? Après le cours, vous resterez me voir.
La classe ébahi se mit à me regarder. Moi, j'étais tétanisée par ses mots "vous resterez me voir".
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L'empereur
RomanceDurant deux siècles, une guerre civile a plongé l'Europe dans le chaos. L'ordre est revenu grâce au régime dictatorial de l'Empereur Lothaire. Lily, jeune orpheline lettrée, intègre la classe d'élite de l'université impériale. Elle y rencontre cet ê...