L'empereur

Chapitre 14 - Le bal

La semaine passa au rythme des remontrances de Giovanni, concernant une grâce dénouée de toute légèreté pour invoquer mon style de danse. Bien sûr j'eus le droit à l'histoire de tous ses exploits, aussi rocambolesque les uns que les autres.

Le bal était pour ce soir. Je n'avais pas revu l'empereur depuis notre altercation. Je me vêtis de la robe que l'on m'avait préparée, je remarquai qu'elle était noire, couleur habituellement revêtue par l'empereur lui-même. J'étais en train d'effectuer les derniers préparatifs de ma toilette dans une salle privée adjacente à la grande salle. Je me regardais dans le miroir et mettais les somptueuses boucles d'oreilles fines, longues, incrustées de diamant. Soudain, dans le miroir je vis l'empereur arriver. Il était d'une élégance sans nom. Son costume revêtait une sorte de cape longue noire brodée à la main avec des motifs en fil d'or représentant l'emblème de son blason. Il s'approcha de moi alors que je regardais toujours le miroir. Il mit ses mains sur mes hanches et embrassa mon cou. Mon corps frissonna et je me cambra instantanément. Il me susurra alors à l'oreille.

- Tu es magnifique.

Je rougis.

- Concernant notre dernière entrevue. Dis-je avec tourment.

Il me coupa.

- Pas maintenant, le bal va commencer.

Giovanni entra excité au même moment dans la pièce.

- C'est à vous ! Vite, vite. Tout va être parfait votre majesté impérial.

Il ne lui répondit pas. Nous sortîmes de la pièce afin de nous diriger vers la grande porte de la salle de réception. Il me serra la main et avec solennité me dit :

- Nous serons observés par des millions de personnes aux quatres coins de l'Europe, à partir d'aujourd'hui tu es la personne la plus précieuse du royaume, de mon royaume.

Et nous entrâmes. Tout se passait à une vitesse folle. En musique, nous remontions vers l'estrade principale sous une haie d'honneur. Les innombrables invités applaudissaient en criant "vive l'empereur !". Il y avait des buffets remplis de mets aussi succulents qu'exotiques, des fontaines de champagne, des danseurs de toute part. Le plus impressionnant étaient les feux jaillissants de grands tubes au milieu même de la salle, quelle prouesse alchimique !

Arrivés sur l'estrade, la musique s'arrêta. Et nous valsâmes, ce fut la danse la plus mémorable de ma vie. J'oubliai tout, les conseillers, mon statut, les rebelles, l'empereur, j'étais au bras d'un homme que j'aimais, nous nous regardions avec une extrême intensité. Nos âmes valsaient autant que nos corps, ce moment de grâce me paraissait mystique. Chaque parcelle de mon être réagissait au sien. Dans notre monde, nous nous perdîmes délicieusement et il déposa doucement un baiser passionné sur mes douces lèvres. La musique prit fin. Le peuple applaudit. En une fraction de seconde, je vis la peur dans ses yeux. Il se tourna face à la salle et annonça l'ouverture officielle du bal.

Qu'avions nous fait. Notre amour secret ne l'était plus, et tout le peuple de l'Europe le savait.