Mémoire 12

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Les bois de l'impossible

Environ une heure plus tard, je n'étais désormais entouré que de forêts et de collines boisées. De cette atmosphère tranquille émanait simplement les bruits des feuilles dans la brise et le chant mélodieux des oiseaux.

Ce niveau de sérénité n'avait pas d'égale à ma connaissance. Eulia ne me mentait pas une seconde. Même dans les bois du Mont-Laurios et la cathédrale sur ses flans au centre de l'île constituant la capitale ne parvenait pas à ressentir une telle détente. Mon état d'esprit reflétait curieusement cette ambiance, contrastant avec mes pensées tumultueuses des derniers jours.

L'impression d'être dans l'œil d'un cyclone se faisait un peu sentir en moi. C'était le calme avant la tempête. Cependant rien ne semblait pouvoir perturber cette étrange et nouvelle paix que j'avais déniché sur cette route de terre sinuant entre les arbres.

Je n'allais pas me plaindre d'une pause. Enfin, mes inquiétudes ne me tourmentaient plus du tout. Ainsi, je n'y réfléchis pas davantage préférant me concentrer sur mes pas et ma respiration.

Je méditais presque en parcourant les sentiers.

Les plantes étaient resplendissantes et épanouies. Je les admirais d'un œil attentif lorsque je m'arrêtais quelques minutes. Les fleurs avaient des couleurs variées et vibrantes, surtout celles bayant sous les rayons du soleil dans les petites clairières. Les zones plus ombragées étaient tapissées de Quatre-temps. Je les reconnaissais des livres de botanique que j'avais lu dans ma jeune adolescence et parce qu'un vieil ami de l'armée, aujourd'hui disparut et sûrement mort, en gardait un dans sa collection de fleurs séchées. Ils poussaient dans des endroits humides et sombres. Ce n'était donc pas étonnant d'en trouver là. J'en voyais pour la première fois naturellement et, les ayant enfin sous les yeux, je m'étonnai à les aimer encore plus qu'auparavant.

Peut-être devais-je faire de cette plante l'emblème de la garde princière impériale. Un dernier honneur pour la mort de ce soldat possédant mon amitié et qui devenait, le mois suivant, le capitaine principal en charge de ma protection.

Sur une autre note, la présence des Quatre-temps indiquait aussi qu'un point d'eau quelconque ne se trouvait pas être loin. C'était toujours bon à savoir.

Je poursuivis mon chemin paisiblement. Aucun évènement particulier attira mon attention pendant plusieurs minutes. Mais soudainement, une odeur étrange se fraya dans la forêt jusqu'à mes narines, l'odeur du feu, de la fumée.

Je fronçai des sourcils. Il ne faisait pas assez chaud pour un feu de brousse spontané sans intervention humaine. Y avait-il un marcheur faisant cuire son repas? Cela était pourtant peu probable, puisque les habitants de Ortansius me disaient n'avoir vu personne prendre la route depuis une semaine.

Le hasard pouvait parfois créer des situations improbables, alors je n'écartai pas entièrement cette possibilité. En revanche une seconde information que j'avais recueilli dans le village me revint en tête, une drôle de rumeur.

Selon ce potin, quelqu'un vivait peut-être dans ces bois, loin de tous. Une personne mystérieuse et insaisissable qui passait apparemment parfois incognito au marché. Son apparence n'était pas connue, car elle changeait toujours un peu à chaque fois. En résumé, un cas bien curieux.

Y avait-il donc de la vérité à ces ragots?

Je ne possédais qu'un seul moyen de savoir de quoi il en retournait, me rendre sur place. Je devais d'abord m'assurer que ce n'était pas un feu de forêt dangereux en train de s'amorcer. Ensuite, j'allais pouvoir conduire ma petite enquête sur les rumeurs locales. J'étais capable d'éteindre facilement des flammes avec ma magie, alors courir vers ce danger ne me faisait pas peur.

Mémoires d'un reflet sur les flotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant