La première leçon
Je passai trois jours supplémentaires à Émerios. Toujours hébergé au palais du duc, rien de très intéressant ne se produisit entre ces murs de pierre et de marbre.
L'absence de personnelle et d'action quelconque rendait la demeure horriblement froide et sans vie. Même si les propos du duc ne me plaisaient pas à entendre par leur nature élitiste et parasite, je devais lui donner raison sur ce fait. Depuis les réformes aux institutions par mon père, il ne se passait plus rien en province et particulièrement ici.
Ce château, qui était autrefois le centre de l'administration seigneuriale de la région, n'était plus le cœur battant du duché d'autrefois. L'abolition de l'ancien système de taxe au seigneur avait fait des ravages visibles.
En revanche, je savais que cette mort lente n'était pas entièrement due aux circonstances. L'avantage de la centralisation menée par l'empereur qui me sert de parent se trouvait à être la convergence de l'information administrative vers la capitale. Ainsi, j'avais conscience de ce que les autres membres de la noblesse en général faisaient pour se débrouiller face à cette « grande » épreuve. Émile ne souhaitait tout simplement pas se réinventer et enviait avec nostalgie ce que ses ancêtres et lui furent par le passé.
Je ne possédais donc presque aucune sympathie à son égard.
Sa fille, en revanche, montrait beaucoup plus de volonté. Le duc ne sortant plus beaucoup de sa demeure à cause de son âge, elle m'accompagnait pour les sorties publiques la plupart du temps. Thomas était là aussi bien sûr. Des personnes de notre rang n'évitaient pas la présence de garde lorsqu'elles prenaient un bain de foule. Et les habitants de la cité formaient une véritable masse humaine. Tout le monde nous connaissait et souhaitait nous approcher, alors un soldat pour maintenir la distance était essentiel.
Grâce, ou plutôt, dû à tout cela, j'avais eu la chance de plus discuter avec ces deux-là que n'importe qui d'autre.
Ils possédaient une certaine complicité que je remarquai rapidement en les côtoyant. Thomas était le plus jeune de quelques années, ce qui les séparaient légèrement, mais les deux se connaissaient depuis très longtemps. Le garde aillant apprit son métier depuis ses 13 ans au château avec son père, le duo se croisait souvent durant leur adolescence. Emma étant l'unique héritière, elle reçut l'éducation pour devenir régente en attendant la majorité de son futur et hypothétique fils. Cela l'avait amené à développer ce caractère plus direct et fort. Le militaire, quant à lui, se chargeait des tâches ménagères pour son père depuis la mort de sa mère. Une maladie incurable que les pouvoirs de l'eau et de la nature n'avaient pas pu guérir. Parfois, même la magie n'y pouvait rien. Ainsi, ce fait expliquait sa familiarité avec des activités que même les meilleures recrues de l'armée impériale n'étaient pas capables de compléter avec succès.
Emma et Thomas admiraient chez chacun ces traits que le hasard leur avait donné. Ils faisaient souvent l'éloge, sans s'en rendre compte, de l'autre avec une passion indéniable et spéciale. Si bien que je le sentais clairement dans leur ton et dans leurs mots.
À ce moment, je ne voulais pas avancer mes suppositions, alors je m'étais tu. Je n'étais pas du genre à fabuler sur la vie privée des autres et surtout sur leur intimité et sentiments profonds. Les risques d'une curiosité trop intrusive ne m'étaient que trop familiers. Mais aujourd'hui, avec le recul et en y réfléchissant, je peux affirmer qu'ils avaient sans doute une attirance l'un pour l'autre. Cependant aucun ne semblaient le réaliser et les deux agissaient comme des jeunes amoureux se tournant autour sans se dire quoique ce soit.
Ce qui, je dois l'avouer, était amusant à regarder.
Parfois, je devais me retenir de rire tellement leurs interactions, lorsqu'ils perdaient leur sérieux, étaient rigolotes.
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Mémoires d'un reflet sur les flots
FantasiJ'avais entrepris ce voyage immergé dans l'abysse de la résignation et de la rancœur. J'étais le prince de l'empire le plus puissant de notre monde, mais je n'étais pas la personne parfaite pour ce rôle. Le peuple me croyait parfait, alors que derri...