Chapitre 3

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La guerre, c'est la guerre des hommes; la paix, c'est la guerre des idées.
-Fragments

Monts, juin 1940

La charrette oscillait sur un chemin plat qui serpentait des prés bordés de boisées et des champs de culture. Des petites maisons éparses étaient plantées derrière les lopins de terre vide prêt à être irrigués.

Assise à l'arrière de la charrette, les pieds pendant dans le vide, j'observais le paysage vaste et épuré de cette région agricole qui, trop secoué par les événements que je venais de vivre, m'avait échappé lors de mon premier passage. Le soleil plombait sur ma robe bleue et caressait mes bras. Mon chapeau de paille couvrait la peau pâle et fragile de mon visage. Cette journée-là, pour la première fois depuis mon départ de Paris, j'avais arrangé mon apparence avec soin. C'était ma première sortie au village, et malgré les cernes sous mes yeux, je n'aurais pas supporté d'apparaitre en public avec l'apparence d'une morte vivante. En deux semaines ma vie avait complétement changé. En apparence, je n'étais plus la petite bourgeoise de Paris. J'avais dû abandonner sur les routes ma valise avec mes jolies robes et tous les vêtements cousus de mes mains. Il me restait de ma vie d'avant la robe élargit au niveau du ventre que je portais, mon chapeau et quelques objets que j'avais pu transporter dans mon sac de toile dont un petit bonnet pour le bébé tricoté par maman.

À l'avant Maryse dirigeait l'âne parfois soumis parfois désobéissant. Avant son départ pour la guerre, mon oncle Pierre, avait offert l'animal à sa femme et à sa mère pour les aider durant son absence. Adèle l'avait nommé Hitler.

-Si c'te bougre d'âne coopère, nous' serons à Monts dans moins d'une heure.

La ferme était isolée et ce chemin peu fréquenté. Maryse m'expliqua que nous vivions en fait plus près d'un autre village; Thilouze. Mais Monts étant près de la ville de Tours, c'était plus avantageux d'y faire du commerce et nous y retrouvions plus de boutique et produits diverses. Avec les billets que maman m'avait faits cacher dans mon bustier je pourrais m'y procurer des articles pour nourrisson et acheter du tissu pour me faire une ou deux robes à ma taille.

-Vl'a la ferme des Lemieux. Nous viendrons chercher le coq et les lapins en repassant.

Je me tournai vers une rangée d'arbre droit et élancé au bout desquelles une cour s'ouvrait. Plusieurs bâtiments y était éparpillé. Je devinais la silhouette d'enfants courant autour ce qui semblait être un enclos à porc. À côté de moi des petites cages à bestiaux attendaient sautant sous les soubresauts de la charrette. Maryse, soucieuse de mon état, avait insisté pour que je m'y installe.

Au deux semaines Maryse se rendait au village pour chercher les victuailles que la ferme ne pouvait pas produire. Malgré les protestations d'Adèle j'avais insisté pour l'accompagner. Il me fallait coudre une layette pour bébé avant son arrivé et j'avais besoin de tétine. Il y avait une autre raison aussi. Adèle n'autorisait aucune radio dans sa maison. Ce sont les ondes du diable disait -elle. Il y a quelques jours, alors que j'étais dehors avec Maryse, des avions allemands avaient passé au-dessus de nous mais n'avait pas tiré. Le soir même elle avait alors sorti d'un placard un poste émetteur et nous avions écouté en cachette. À tous les soirs nous nous asseyons sur son grand lit, elle tournait le gros bouton de la radio en bois et une voix crépitait. Les nouvelles n'étaient jamais rassurantes. Il y a cinq jours Paris avait été déclaré ville ouverte. Les Allemands y était entré sans résistance le lendemain après qu'un cessez-le-feu eu été signé. Leur armé avait descendu les champs Élysée et issés leur drapeau à croix gammée au sommet de la Tour Eiffel. La défaite française semblait maintenant inéluctable mais une lueur d'espoir flambait en nous et refusait de s'éteindre. Nous ne pouvions nous résoudre à penser que nous laisserions l'armée nazie vaincre en quelques jours seulement. Il devait bien y avoir des soldats qui continuait à lutter pour que la France reste une nation libre.

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