Chapitre 7.1 - Le fils perdu

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Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l'action

Les Misérables

Avril 1941, Monts

Après notre visite au village, sur le chemin du retour, j'avais questionné Maryse concernant Agathe. Ma tante ne vivant à Monts que depuis son mariage elle ne la connaissait pas beaucoup mais c'était elle qui l'avait aidé lors de son accouchement difficile. Apparemment, c'était une femme sans malice qui aidait son mari à assumer ses fonctions de maire et de médecin. Comme je n'allais pas souvent à Monts et Adèle jamais je ne devais pas me faire plus de souci qu'il n'en fallait avec la femme du maire.

Une fois revenu à la ferme, Maryse alla reconduire Hitler et la charrette dans la grange tandis que je me dirigeais directement à la chartreuse. En cet fin d'après-midi l'air c'était un peu réchauffé mais les fenêtre restait embuée tant la température de l'intérieur faisait contraste avec celle de l'extérieur. Je croisai Marius, le plus jeunes des réfugiés, qui pompait au puit pour remplir d'eau une grosse chaudière. Il se tourna vers moi tout en continuant d'actionner le levier de la pompe.

-Vous devriez pt'être allez voir la vielle. Quelqu'un est passé pis depuis ça pas l'air d'aller.

Je traversais le reste de la cour beaucoup plus vite et poussait la porte. J'arrivais devant les escaliers et entra dans la pièce de droite. Adèle n'était pas dans le séjour.

-Adèle, nous sommes revenues!

Je n'entendis pas un bruit outre le feu qui crépitait dans l'âtre. Je retournai dans le couloir pour me rendre dans la salle à manger qui était de l'autre côté des escaliers. Elle n'y était pas. Je contournai la grosse table pour entrer dans la cuisine adjacente. Je vis la vielle femme assise sur l'une des chaises fixant le mur de la réserve.

-Adèle tout va bien?

Elle ne cilla pas. Jamais je ne l'avais vu si stoïque. Son visage affichait toujours un ressenti. Souvent de la désapprobation ou de l'exaspération mais jamais son expression était vide. Cela faisait assez longtemps que je vivais avec elle pour savoir comment agir en sa présence. Ce qu'il fallait dire et ce qu'il fallait taire. Je décidai donc de faire comme si tout était normal. Jamais je ne pourrais la forcer à quoi que ce soit. Je déposai Louis dans sa chaise haute et entrepris de lui faire cuire une bouillie avec de la farine. Comme la ferme produisait moins l'hiver, je n'avais pas grand-chose à y ajouter outre une minuscule pincée de cannelle que nous avions soigneusement économiser depuis le début de l'occupation. Lorsque je déposai le bol devant mon garçon il s'agitait d'envie. Le lait maternel que je lui donnais ne suffisait plus à son âge pour le soutenir complétement. Je m'assis devant lui et porta une cuillère de bouillie à ses lèvres qu'il attrapa goulument. De temps à autre je me détournai de Louis pour regarder Adèle mais elle ne bougeait toujours pas. Lorsque j'eu terminé de nourrir mon bébé je me levai pour tout nettoyer. Maryse arriva dans la pièce le regard inquiet. Elle avait dû croiser Marius elle aussi. Je lui fis signe de rester calme. Elle vint m'aider à ranger la cuisine qui avait été aussi utilisé par Adèle. Louis commençait à protester d'être trop longtemps retenu dans sa chaise-haute. Il était le seul d'entre nous à oser émettre le moindre son.

-Sois patient Louis. Maman aura bientôt terminé.

Mais il continua à babiller et crier.

-Vient me voir mon petiot.

Je me retournai vers la voix d'Adèle. Elle s'était levée et tirait Louis de sa prison. Lorsqu'elle se rassit ses yeux était toujours hagard mais elle serait son petit-fils dans ses bras. Depuis que Louis était né son attitude et ses paroles envers moi s'étaient adoucit. Je n'étais plus seulement la fille de Pauline j'étais aussi la mère de son arrière-petit-fils. Du moins c'est ce que je supposai car elle ne fit plus allusion à sa fille fugitive en ma présence. Elle était là avec Maryse lors de mon accouchement qui s'était déroulé en pleine nuit et m'avait même un court instant tenu la main. Si on la regardait agir avec Louis l'on aurait pu croire à une grand-mère aimante et dévouée sauf qu'elle n'était pas ainsi avec moi. Ma présence lui restait imposée et elle n'était pas certaine que je fusse mariée. Elle n'en parlait pas mais je pouvais le lire dans son regard lorsque j'évoquais un fait de mon passé devant elle. Lorsque j'eu terminé de nettoyer la vaisselle et les ustensiles je me tournai vers Adèle.

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