Chapitre 2.2 - Le jardin du Luxembourg

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Depuis mon départ en solitaire du Bal Bullier je n'avais pas revu Claudine. Elle m'avait appelé le lendemain sur le téléphone de l'hôtel voulant savoir pourquoi j'avais quitté la soirée avant la fin et sans notre petite troupe. J'avais prétexté une migraine dû à l'abus de punch aux pêches puis elle m'avait sermonné en disant que j'aurais pu me faire attaquer à marcher seule dans la rue en pleine nuit. S'en était suivi un monologue sur les talents de danseurs d'Émile, sur son sourire amoureux et sa galanterie si approprié. Je feignis d'être heureuse pour elle puis raccrocha après quelques minutes interminables.

J'avais déposé le combiné un peu trop fort sur son socle et maman qui était avec moi derrière le comptoir m'avait fait de gros yeux en attendant le claquement que je produisis. Mes muscles étaient tout tendu et ma mâchoire crispée. Maman m'avait demandé si ma soirée c'était mal terminé et je lui avais dit que tout c'était bien passé. Elle m'avait répondu que je mentais très mal. Je compris alors pourquoi j'étais si frustré. Ma colère envers Claudine m'avait incité à repousser un garçon qui me plaisait bien. Je me doutais qu'une véritable amie ne m'aurait pas fait sentir de la sorte mais je n'arrivais pas à me détacher de cette fille. C'était elle qui m'avait défendu alors que je manquais de confiance et qui était resté auprès de moi alors que tous les enfants me rejetaient. J'avais honte des sentiments qu'elle m'inspirait maintenant. Cette journée là j'avais décidé que je devais voir Claudine moins souvent. J'avais un objectif, un projet de vie important qui nécessitait un investissement de temps et d'énergie.

Une semaine plus tard, comme si j'étais Jean Valjean voulant échapper à son pire ennemi et elle Javert, le poursuivant inépuisable, Claudine apparut devant le comptoir de l'hôtel me demandant pourquoi je n'avais retourné aucun de ses appels. Elle n'était pas seule. Il y avait derrière elle Sarah, Gilles et Maude. Émile Dupuis. Je fis semblant de ne pas le voir.

-J'ai été débordé Claudine.

Elle soupira. Ses lèvres pleines arboraient une moue contrite et ses yeux était parcouru d'une étrange lueur.

-Tu dois venir avec nous Laure. C'est une magnifique journée et tu ne peux pas encore rester enfermé.

Je devais être la seule à trouver qu'elle n'était pas authentique.

-C'est vrai Laure, tu devrais aller t'amuser.

Je me retournai vers la voix mélodieuse de maman qui arrivait du couloir et lui adressa un regard suppliant. Elle n'en fit rien.

-Tous tes amis sont là. Sort profiter de ta jeunesse ma fille.

Elle prit ma place à la réception et me tendis la pochette en cuir qui ne me quittait jamais. Lorsqu'elle me poussa gentiment vers l'extrémité du comptoir je n'eus d'autre choix que de rejoindre le petit groupe. Claudine pris la tête et poussa la porte pour sortir sur la rue Madame si ensoleillé en ce début d'après-midi que je dû plisser des yeux pour m'adapter au rayon du soleil. Claudine, qui avait laissé les autres passer devant elle, glissa son bras sous le mien comme elle le faisait toujours avec les garçons puis me souffla à l'oreille :

-Émile est si beau aujourd'hui tu ne trouves pas?

Elle tourna son regard vers l'avant. Émile marchait au côté de Gilles et Maude. Il avait revêtu une chemise blanche à manche courte et portait sa casquette gavroche. Sa démarche droite mais pleine d'énergie me troubla.

-Il est si attentionnée. Il a insisté pour que nous passions voir si tu voulais venir.

Je regrettai aussitôt la tenue que j'avais choisi ce matin-là, jupe droite et une simple blouse blanche à volant. Sans réellement le vouloir je ralentis le pas.

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