Chapitre 4

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Naît-on deux fois? Oui. La première fois, le jour où l'on naît à la vie; la seconde fois, le jour où l'on naît à l'amour.

-Victor Hugo

Juin 1939

Paris, France

Il était 14h05. J'étais déjà en retard et maman avait entrepris de coiffer.

-Si tu vendais l'hôtel tu aurais plus de temps pour sortir.

Elle accrochait des mèches de ma chevelure contre mon crâne avec des pinces à cheveux.

-C'est l'hôtel de papa

Assise devant la coiffeuse de ma chambre, je voyais le reflet de maman dans le miroir. Son expression était douce mais je savais très bien qu'elle voulait me convaincre. Cela faisait des mois qu'elle me parlait de cette vente.

-Ce n'est qu'un bâtiment ma chérie. Le souvenir de ton père va rester pour toujours dans ton cœur.

-Ce n'est pas ce qu'il aurait voulu

Elle s'arrêta. Ses doigts restaient suspendus au-dessus de ma tête et son regard croisa le mien dans le miroir.

-Je veux que tu réussisses dans la vie Laure. L'hôtel te demande beaucoup de temps, cela a déjà retarder ton entrée à la Sorbonne. Tu ne sors presque plus depuis deux ans. Ton père aurait voulu que tu obtiennes ton diplôme et surtout que tu sois heureuse.

-Je vais obtenir ce diplôme maman

Elle soupira et attrapa une nouvelle pince à cheveux.

-C'est ton héritage, c'est toi qui décides après tout.

Maman termina la coiffure en souriant. La majorité des boucles sculptées au bigoudi était retenues en un élégant chignon et quelques mèches retombaient dans mon cou. J'avais choisi une robe simple mais qui avait un joli col officier avec deux rangés de bouton aux fins détails.

-Merci maman.

J'attrapa mon sac et descendit les marches jusqu'au hall d'entrée. Émile m'attendait adossé contre le foyer de la cheminé. Il sourit en me voyant approcher. Je regrettai tout de suite ma coiffure. J'aurais mieux fait de ne pas porter autant d'attention à mon apparence puisque j'avais tant repoussé cette offre de rendez-vous.

-Si j'avais su que les Parisiennes étaient aussi jolies je serais arrivé ici bien avant.

J'avais haussé les sourcils en souriant.

-Vous les hommes de la campagne utilisez toujours les mêmes phrases pour séduire les femmes.

Le sourire dans ses yeux s'était allumé.

-Et est-ce que ses phrases fonctionnent habituellement?

-À vous de me répondre. Vous semblez avoir bien plus d'expérience en la matière que moi.

Ses dents blanches et bien alignées étaient toujours visibles. Il prit ma main et m'entraina à l'extérieur. Devant l'hôtel était garée une motocyclette. Émile attrapa un casque qui était accroché à l'une des poignées et s'approcha de moi. Il déposa délicatement le casque sur ma tête et enfourcha le véhicule. Il me fit signe de m'installer derrière lui. J'enjamba le siège et ma robe remonta indécemment sur mes cuisses. Je regrettai de ne pas avoir de pantalon. Le véhicule gronda puis, d'un coup de pied, Émile désenclencha la petite barre qui tenait la moto stable contre le pavé.

-Si vous voulez qu'on démarre il va falloir que vous vous accrochiez à moi.

Hésitante, je passai mes bras contre son torse. J'étais si collé contre lui qu'il devait sentir mon cœur battre la chamade. Le véhicule avança et pris de la vitesse. Émile zigzaguait dans le labyrinthe des rues parisienne avec une habileté déconcertante. Il emprunta le pont de la concorde pour traverser la seine. Le paysage défilait devant moi et en voyant les routes qu'il empruntait je ne réussis pas à deviner où il m'emmenait. Au bout d'une heure, après quelques points de contrôle, il immobilisa sa moto dans un hangar de l'aéroport du Bourget. Il coupa le moteur et se tourna vers moi.

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