C’était un soir de décembre, l’air était frais et la nuit était déjà tombée. Je rentrais de mon footing habituel, la respiration saccadée et le corps courbaturé. Je passais le pas de la porte avec discrétion afin de ne pas me faire remarquer, je filais vers la salle de bain et me rafraîchis. Bien que Tante Jeanne soit à l’encontre de mes escapades tardives, elle me permettent de m’évader de la dure réalité de ma vie. En effet, après l’accident de mes parents biologiques à l'âge de 3 ans, je fus placé directement chez la sœur de mon défunt père avec pour seul souvenir un pendentif avec au cœur une pierre de lune éreintée avec le temps. Je ne m’en sépare jamais, c’est comme si je gardais un morceau d’eux avec moi, il me porte chance.
Soudain, une voix stridente me sortit de mes pensées.
- “ Maeve, as-tu cru que la table allait se mettre toute seule, idiote ! Que je ne me répète pas une seconde fois, descends tout de suite et appelle ton cousin quand tout sera prêt.
- J’arrive dans une seconde Tante!
Je me pressais de me rhabiller dans une tenue décente et descendais les escaliers. Sous mes pas les marches grinçaient bruyamment, la maison tombait en ruine mais nous ne pouvions guère espérer mieux avec le maigre revenu de mon travail de serveuse et celui de Jeanne en tant que caissière à la petite épicerie du coin.
Après avoir mis la table et passé le reste de la soirée à m’occuper seule des tâches ménagères. Je montais enfin rendre visite à la seule personne qui me portait un peu d'attention,c'est-à-dire ma très chère grand-mère. Hélas, sa santé ne cessait de s’aggraver ces derniers temps, elle ne pouvait plus descendre manger avec nous. De ce point de vue là, je ne pouvais point la plaindre, l’ambiance joyeuse et conviviale n’était jamais au rendez-vous, bien au contraire il y régnait une atmosphère glaciale et oppressante.
Je poussais la clanche de la porte d’une main en tenant le plat réchauffé au préalable (#mercipicard) et me faufilais dans sa chambre. Elle avait le teint pâle et toussais fortement.
J'aperçu par la même occasion les mouchoirs ensanglantés qu’elle tentait de me dissimuler en vain. Seulement, je n’étais point stupide je savais qu’elle allait bientôt mourir.
- “ Approche mon enfant, pourquoi restes-tu à l’entrée, tu n'es pourtant pas du genre à te cacher de moi.
- Bien sûr, j’arrive GrandMa, ton repas est prêt, je m’en suis personnellement occupé.
- Ta gentillesse et ton obéissance te feront un jour défaut mon très chère enfant.”
Je levais les yeux au ciel face à sa remarque, elle savait que cela n’était qu’une façade et que derrière tout cela se cachait une rancœur amère qui me dévorait de jour en jour notamment envers ma tante, emblême de l’hypocrisie et de l’avarice et mon cousin, le cliché du macho imbus de lui-même et qui ne cessait de me rabesser.
- Et encore tu ne connais pas la meilleure, tante ma degoté un énième prétendant dans l’optique d’élèver ma dote. Tu verrais, je crois n’avoir rien vu d’aussi épouvantable de ma vie. Les boutons fleurissent plus sur son visage que dans le champ d’à côté, son ventre est plus imposant que celui d’une femme enceinte de triplet et je ne te parle pas encore de son style vestimentaire. Toute personne encore saine d’esprit ferait une syncope rien qu’en apercevant sa garde-robe. Le pompon, Grandma, c’est qu’il s’appelle Grégoire De Ste Marie Céleste? Grégoire De Ste Marie Céleste, tu m’entends ??
- Ma petite chérie, je t’ai déjà dit que je n’aimais pas lorsque tu jugeais les gens au premier regard, son âme est peut être magnifique. Et n' hausse pas le ton avec moi.
- Son âme ? Mais qui accepterait d'épouser une jeune fille d’à peine dix-huit ans en échange d’argent hormis un homme de nature malsaine et aux intentions plus que douteuses. lui répondis-je scandalisée.
Ma grand-mère n’eut pas le temps de me répondre qu’elle fut prise d’une violente douleur au cœur. Son corps commença à se convulser et du sang rouge écarlate sortit de ses narines ainsi que de ses tympans. Je posais rapidement ce qui encombrait mes mains et me jetais sur elle afin de l’aider.
- Grand mère ? Grand mère calme toi s’il te plait ! A l’aide ! je vous en supplie, venez m’aider, criais-je à plein poumons. les larmes me montèrent instantanément aux yeux et la douleur de mon cœur affolé m'assaillit. Soudain, son corps se calma, ses yeux s’ouvrirent faiblement et elle essaya à plusieurs reprises de prendre la parole.
- Maeve…ma chérie, il est grand tant pour toi de savoir la vérité à propos de la mort de tes parents, rien ne semble être ce qui est, méfie toi de ta tante maintenant que je ne serai plus là pour veiller sur toi. Elle t’a menti à propos de ton père..
- Hein? Mais qu’est ce que tu racontes lui dis-je, mon cœur battant à mille à l’heure, mon cerveau en trans.
- Ton, ton père est.. vivant…, dit-elle. Ses yeux se convulsèrent, puis rien, son corps se stoppa net. C’était comme si le temps s'arrêtait autour de moi. J’observais la scène, impuissante, je n’arrivais pas à bouger ni à émettre un son, comme si j’étais paralysée.
Ce fut seulement à l'arrivée de mon cousin Guillaume que je réalisais ce qui se déroulait devant mes yeux.
- Maman, cria la voix rauque de mon cousin, on s'est enfin débarrassé de la vieille bique.
Ma tante sortie en vitesse de la salle de bain pour vérifier les dires de mon très cher cousin de son propre chef. Elle s'arrêta brusquement sur le pas de la porte et émit un soupir de soulagement et un sourire satisfait. Mes yeux s'agrandirent d'effroi et mes lèvres s'ouvrirent de dégoût devant leur cruauté. Comment pouvaient-ils ne rien ressentir face à la mort d’un proche, une personne qui n’avait que des bonnes intentions envers les gens. J'éprouvais tellement de haine et tellement de déception, j’avais au fond de moi espérer que ma tante cachais seulement bien ses sentiments mais qu’au fond elle était capable d’aimer. Hélas, tout ce que je voyais dans son regard, c’était à quel point la perte de sa mère la réjouissait, comme si elle avait été un fardeau qu’elle avait dû supporter depuis trop longtemps.
Je me relevais et sortis tremblante de la pièce sous les reproches de Jeanne. Mais celles-ci n’étaient plus que le dernier de mes soucis. Je devais à tout prix partir loin, la douleur me déchirait et les larmes coulaient à flot, si je continuais comme ça j’allais faire une crise de panique. Guillaume tenta de me retenir avec force par le bras mais me laissa partir lorsque je l’assassina du regard.
J’attendis dans l’obscurité de ma chambre que ma tante et mon cousin aillent enfin se coucher, je mis rapidement les quelques affaires que je possédais dans un sac puis jetais un coup d’oeil sur ma table de chevet ou reposais mon unique et préféré roman : Madame Bovary. Je tendis les bras et le glissa dans mon bagage.
Une fois que le silence totale s’installa,
je partis en coup de vent de la maison, prenant au passage ma veste et mes tennis, sans savoir où aller et laissant derrière moi la vie que j’avais vécu depuis maintenant 15 ans. Je venais de perdre le seul être qui m’était encore cher, la seule raison pour laquelle je me levais encore le matin et faisait face au calvaire répétitif de ma vie, sans m'effondrer. Il ne me restait plus personne, plus rien.
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Falling into your darkness
AksiyonMaeva a seulement 18 ans lorsqu'elle quitte précipitamment la maison dans laquelle elle a vecu presque toute sa vie après le soudain décès de sa grand mère. La jeune femme, à peine majeure fait une découverte qui risque de boulverser sa vie à jamais...