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Dans la nouvelle demeure de son père, Hazel ne reconnait rien, ni les pièces qui la composent ni même la personne qui l'a achetée, cette foutue maison

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Dans la nouvelle demeure de son père, Hazel ne reconnait rien, ni les pièces qui la composent ni même la personne qui l'a achetée, cette foutue maison. A savoir son père. Elle ne comprend même pas la raison de son déménagement pour la capitale alors qu'il vivait de la pêche en Vénétie dans ses souvenirs d'adolescente.

Ses tempes grisonnent et une petite bedaine a fait son apparition sous son torse avec les années. Des pattes d'oie ont investi son visage. C'est bien lui en plus vieux et malgré ça, elle ne le connait plus, ne le reconnait plus non plus.

Les bras de l'homme se posent au hasard autour d'elle et ne savent pas vraiment où se placer pour la réconforter, lui dire qu'il aimerait se faire pardonner. Il peine. Leurs corps veulent s'éloigner l'un de l'autre pour ne pas avoir à gérer les émotions qu'ils pourraient tirer de ce léger rapprochement. Il tente, rien ne se passe. Elle reste froide à son contact, imperceptible.

Hazel n'éprouve rien. Pourtant, elle sanglote contre lui, mouillant son t-shirt de larmes qui viennent tâcher le tissu et révéler au grand jour sa détresse. Avec maladresse, il embrasse son front.

— T'aurais dû venir plus tôt, souffle-t-il. On aurait pu trouver une solution, ensemble. Avant qu'il ne soit trop tard.

Elle décoche un petit rire rauque.

— C'est toujours à moi de faire le premier pas, affirme-t-elle en suédois. Tu veux jamais prendre de risque. C'est frustrant.
— Et toi, t'en prends trop. Sinon tu serais pas là.

Il marque un point. Ses yeux l'inspectent et, sur ses traits, elle voit la déception qui se dessine. Sans trop savoir pourquoi, ça la blesse. Elle a toujours eu des exigences incroyables vis à vis de lui.

— Dean n'est pas le père, papa. confie-t-elle à demi-mot. C'est un musicien, Italien comme toi. Il joue de la batterie dans un groupe de rock et est doué... Il me traite avec respect aussi.

Tu en jouais aussi avant, tu t'en souviens? elle meurt d'envie de lui dire mais le tout reste coincé au fond de sa gorge.

L'homme devine de qui il s'agit pour l'avoir vu à la télé, sur des affiches, partout ces derniers temps dans la presse locale et même ailleurs. Absolument partout dans la région. Et il ne comprend pas trop ni où, ni comment cette rencontre a eu lieu. Ne se doutait pas qu'elle puisse fréquenter des personnes aussi connues un jour, elle qu'on surnommait 'la petite fille du Lac' des années auparavant. Mais la fillette a grandi et se montre visiblement prête à quelques excès pour pimenter sa vie.

Il prend note de toutes les informations qu'elle lui donne. Ça n'arrive pas souvent, bien qu'il se fiche un peu de celui pour qui elle écarte les cuisses et donne son corps tard le soir. Depuis qu'elle a décidé de s'exposer en petite tenue sur des podiums et même plus encore. En tant que mannequin.

Hazel baisse la tête.

Elle en oublie qu'ils se tiennent dans l'entrée, aux yeux et à la vue de tous. Ici, elle n'apparait dans aucune pub et on ne lui demande jamais de photos même si on la reconnait. Ici, elle passerait totalement incognito si ses iris bicolores ne lui valait pas quelques coups d'oeil intrigués. En revanche, on ne comprend pas cette langue qu'elle parle et la confond avec une touriste. C'est l'avantage.

— C'est un gamin lui-même, répond le père, une moue indescriptible sur le visage. Tout comme toi, d'ailleurs. Tu vas lui gâcher la vie, Hazel. Tu le sais au moins ?

Il soupire, hanté par la vision indécente de sa fille avec ce jeune et la guide finalement à l'intérieur en précisant qu'Ama dort déjà depuis deux bonnes heures et que le diner est froid. Il commence à se faire tard. Hazel n'a pas faim mais, par politesse, avale un bol de soupe silencieusement avant de rejoindre le lit de sa fille.

La blondinette gémit doucement dès qu'elle caresse son front. Puis, elle reconnait la délicatesse des doigts de sa mère qui effleurent ses joues, son nez. Elle ressemble à son père, à Dean, en mieux. Terriblement mieux.

Soudain, ses grands yeux verts fixent la jeune femme, pétillants dans l'obscurité ambiante. Surexcités aussi.

— Est-ce qu'il y a vraiment un autre bébé dans ton ventre, maman?

***

Ethan se propose d'aider sa mère en cuisine pour le dîner. Il n'est clairement pas très doué et la motivation pas forcément visible au premier abord. Pourtant la femme accepte volontiers de lui confier quelques tâches simples, satisfaite rien qu'à l'idée de partager un moment avec lui et un repas en famille. C'est devenu tellement rare qu'il passe à l'improviste leur rendre visite.

Le jeune homme se concentre. Il coupe les herbes aromatiques qu'il verse dans le saladier rempli de viande hachée. La femme s'attelle à la confection de petites boulettes. Ethan met de l'eau à chauffer pour les pâtes et détaille quelques tomates. Jusque-là, tout va bien. Il maitrise.

Ça fait sourire sa mère qui l'observe du coin de l'oeil.

— Vous êtes allés vous baigner en plein automne? l'interroge-t-elle en remarquant ses cheveux humides

Ethan acquiesce.

— Une idée de Damiano, répond-t-il simplement en lui rendant son sourire.

Parfois, il la surprend et aujourd'hui fait parti de ces moments où elle se demande le pourquoi du comment sans oser entrer dans son intimité de jeune adulte. Le questionne sur chacun de ses amis en exigeant quelques nouvelles qu'il renseigne avec bonne humeur cependant. Ils papotent un peu de musique et elle s'assure une nouvelle fois qu'il va bien, qu'il ne se tue pas à la tâche non plus. Il la rassure avec ses mots, ça fait son effet.

Puis, spatule en mains, il l'écoute raconter les dernières anecdotes sur une partie de la fratrie. Lucrezia et Eleonora, les jumelles, ouvrent leur propre studio photo, ce qui est génial. Plus âgé qu'elles, Manu se lance dans la création d'un nouveau restaurant en Finlande avec l'ainé parce que tous les deux adorent les challenges. Le petit dernier vient d'entamer sa rentrée à l'école maternelle, c'est le plus turbulent de tous mais il semble s'y faire.

C'est réconfortant d'entendre de la bouche de sa mère que ses frères et soeurs se débrouillent tout autant que lui, si ce n'est mieux. Du moins, sur le moment, ça le réconforte.

En remuant les pâtes, il repense à Hazel et à la situation. A ce qu'elle lui a dit et ce qu'elle a omis de dire par honte ou par pudeur. Il repense à cette annonce bouleversante qu'elle a fait et aux conséquences que tout cela risque d'avoir. A leur relation aussi. Sont-ils amis? Sexfriends? Un peu d'entre deux? Un couple un peu spécial? Il n'en sait trop rien mais décide de mettre ça de côté pour l'instant.

Vic avait raison, l'air marin lui a fait un peu de bien. Dans l'eau glacée, avec ses amis et complètement nu, il n'a pensé à rien du tout.

— Maman?

Au ton qu'Ethan emploie, sa mère sait que quelque chose cloche. Qu'il veut ou va lui faire une annonce. Elle espère juste que ce n'est pas trop grave.

— Oui, chéri? murmure-t-elle
— Est-ce que tu penses que je pourrais inviter quelqu'un ici à mon retour des US?

Les traits de la femme se détendent aussitôt pour laisser place à un sourire malicieux. Elle devine aisément l'identité de la personne.

— Est-ce que ce quelqu'un porte le prénom d'une noisette et a fait du mannequinat?
— Peut-être bien, oui... Peut-être. Qui sait ?

En croisant son regard, le brun devine sa fierté. Il applique les valeurs que ses parents lui ont inculqué. Il semblerait même qu'il ait déjà vu ce regard quand une de ses grandes soeurs a présenté à la famille entière son petit-ami de l'époque.

Elle donne son accord et ils échangent un sourire complice.

2) Assumer entièrement ses responsabilités

HAZEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant