Aristide avait rencontré Humbert Frei le jour des résultats de l’examen d’entrée dans la police, puis ils avaient partagé la même chambre durant l’année d’entraînement qui avait suivi leur admission. Sans n’avoir jamais vraiment sympathisé, ils avaient appris à se connaître et à se tolérer. Humbert, qui avait suivi des études de médecine, aimait faire la fête et ramener des conquêtes dans leur modeste trois-pièces. Cela agaçait Aristide, bien qu’il reconnût le bon fond de son colocataire assez respectueux de sa vie privée. De plus, tous deux partageaient la même passion pour l’investigation et la technologie, ce qui avait meublé leurs longues soirées d’étude.
Et puis Humbert avait intégré la police scientifique où il avait très rapidement atteint le grade d’inspecteur et leurs chemins s’étaient séparés. Dans le cadre d’une enquête sur des fuites d’informations, il rejoignit l’équipe de recherche du CERN qu’il finit par rallier définitivement quelques années plus tard. Hormis les traditionnelles cartes de vœux à l’occasion des fêtes, il n’avait plus donné de nouvelles à son ancien colocataire et le lien qui les avait unis s’était étiolé avec le temps.
Ils s’étaient dévisagés longuement devant les grilles du Centre de recherches avant qu’Aristide ne fasse un pas en avant pour serrer la main d’Humbert. Aristide avait récupérer son badge de visiteur, puis Humbert l’avait invité à prendre un café. Ils étaient tous deux assis à la terrasse du bar, se remémorant leurs souvenirs communs, quand un silence s’installa.
« Chatagny, j’imagine que tu n’es pas là pour discuter du passé. Qu’est-ce qui t’amène ? Commença Humbert.
— Comme tu le sais, je suis à mon compte maintenant et je travaille sur une affaire que nos amis de la police ont décidé de classer un peu trop rapidement à mon sens.
— Quel lien avec moi ?
— J’y viens. J’enquête sur le rapt d’une gamine et j’ai trouvé ça sur les lieux de sa disparition… Je me suis dit que tu pourrais peut-être m’en apprendre plus. »
Joignant le geste à la parole, Aristide sortit le sachet contenant le petit tube noir de sa mallette et le posa sur la table. Les yeux d’Humbert faillirent sauter hors de leurs orbites et il s’en saisit avant de l’examiner sous tous les angles
« Où as-tu trouvé ça ? Sais-tu seulement de quoi il s’agit ?
— Je n’en ai aucune idée, lui répondit Aristide cachant son jeu, mais j’ai cru reconnaître la signature du CERN sur la tranche. Cette série de traits blancs qui… »
Humbert le coupa sèchement.
« Aristide, je préfère t’arrêter tout de suite. Je ne suis au courant de rien concernant cet objet. »
Son attitude cassante prouvait le contraire, mais bien qu’Aristide comprît l’avertissement, il décida de passer outre.« Tu ne veux rien me dire ?
— Je ne PEUX rien te dire. Quand bien même j’aurais des informations à te transmettre, j’ai signé une clause de confidentialité et cela mettrait en péril mon emploi.
— Ton emploi ? L’interrogea Aristide sur un ton mi-sérieux, mi-amusé. Si je me souviens bien, tu ne travaillerais pas ici sans mon aide.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler !
— Alors, laisse-moi te rafraîchir la mémoire. Si tu ne m’avais pas copié dessus pendant le concours d’admission, tu ne serais jamais entré dans la scientifique. J’aurai pu plaider ma cause devant la commission qui m’a accusé de tricherie à ta place, mais je me suis tût par amitié. Trois ans de circulation, ça vaut bien une petite information, tu ne penses pas ? »
Humbert ravala sa salive et resta silencieux quelques instants, pesant le pour et le contre.
« Tu as raison, mais ce que je vais te dire doit rester entre nous. Mon nom ne devra apparaître nulle part et en cas de procès, je refuserai de témoigner. »Humbert rapprocha sa chaise de celle d’Aristide avant de continuer à voix basse.
« Il s’agit d’un prototype militaire d’une technologie que nous avons développée il y a quelques années.— De quoi s’agit-il ?
— Tout simplement d’une pile nucléaire miniaturisée. Nous venons juste de révéler son existence au public, mais le prototype en ta possession est légèrement différent. L’objet en lui-même n’est pas très important, c’est l’instrument qu’il alimente qui devrait t’intéresser. »
Les mots de Mme Huelva résonnèrent à l’oreille d’Aristide. Elle n’avait tourné la tête que l’espace d’une seconde et Concepcion avait disparu en un battement de cil.
« Une machine capable d’effacer la mémoire ? Ou bien d’arrêter le temps ? »
Humbert ne répondit pas, mais son regard en disait long. Aristide avait vu juste. Alors qu’il allait poser une autre question à son ami, celui-ci le coupa en se levant promptement.
« Je ne peux rien te dire de plus et je dois te prier de partir. J’ai du travail.
— Je comprends Humbert. Je ne te dérangerai pas plus longtemps. Merci pour ton aide. »
Humbert s’éloigna rapidement sans un regard, après lui avoir serré la main. Le détective resta pensif quelques instants avant de se lever et de se diriger vers le parking.
VOUS LISEZ
Sang Neuf
VampireQuel lien y a t'il entre Joe et Nessa, un couple de stars accros aux transfusions sanguines et Aristide Chatagny un obscur détective privé suisse qui enquête sur la disparition d'une petite fille? A vous de le découvrir dans cette palpitante course...