CHAPITRE 16 - Là où ses pieds me mènent

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Mardi, 22h07, je tire ma première latte, puis une deuxième. D'un coup, je respire beaucoup mieux qu'il y a quelques instants. Luka sourit en me regardant faire puis il reprend son air sérieux.

— Alors, on parle ou on marche ?

— On marche.

Luka sourit de nouveau, comme s'il savait ce que j'allais répondre. Ce qui n'est pas réellement étonnant... Il acquiesce et ne cherche pas plus loin, alors je le suis en silence, je l'écoute me guider dans son village, je l'écoute me raconter ses souvenirs, je l'écoute sourire.

— Honnêtement, on aura vite fait le tour. J'ai vécu beaucoup plus de trucs dans ton département que dans celui-ci.

— Et dans lequel te sens-tu le mieux ?

— J'sais pas trop.

— Hein ? Pourtant, si j'ai bien suivi, t'es mieux ici non ?

Il hausse les épaules.

— J'suis pas chez moi ici, et j'ai toujours le sentiment que ton père va nous tomber dessus alors...

— Je vois.

— Tu sais, dans l'autre département, j'ai aussi beaucoup de choses positives, j'ai vécu et découvert plus de choses là-bas, surtout que je taf encore là-bas aussi. La plus grande part de négativité dans tout ça, c'est Yves. Alors que je sois là-bas ou ici, ça revient au même.

J'aurai aimé le prendre dans mes bras à ce moment-là... mais j'en suis restée incapable.

— En parlant de mon père... quelque chose cloche.

Luka fronce les sourcils avant de me demander de quoi je parle.

— Je suis partie de la maison, ma mère aussi. On a fait ce qu'on n'a jamais osé faire ces dernières années par peur de ce qu'il pourrait faire, et là, rien. Mon père n'a tout simplement rien fait, à part quelques textos menaçants.

— Je vois, peut-être qu'il nous voit trop nombreux ? Il est tout seul maintenant...

— J'ai ce sentiment qu'il va juste se pointer d'un coup et faire très mal... Et j'ai pas envie d'attendre qu'il nous tombe dessus. La machine semble être lancée, mais ça ne me convient pas. Ce n'est pas comme ça que j'imaginais le combat contre mon père. Je... j'ai juste l'impression de fuir.

Luka me prend alors par les épaules et tente de me réconforter.

— Laura... écoutes moi. Ton père, si c'est ce que tu veux, on va lui en faire baver ! Mais là, c'est trop tôt. J'te propose qu'on attende que tu finisses tranquillement ton année, ok ? Faut aussi que tu te concentres sur toi et sur ton avenir. Si tu te bats contre ton père et que tu finis mal ton année, ça ne pourra que le satisfaire !

— Donc on attend qu'il nous tombe dessus ?

— Disons que... l'on reste sur nos gardes ?

— C'est la même chose ! Mais t'a su trouvé un bon argument. Mes études avant mon père. Par contre, t'a pas intérêt à te défiler le moment venu !

— Ouais t'inquiète.

Il ne s'étale pas plus, mais je lis dans ses yeux qu'il en a plus à dire. Il laisse quelques minutes de marche silencieuses avant de poser une nouvelle question.

— Pourquoi t'a honte de montrer tes bleus ?

— Waouh... Je ne m'y attendais pas à celle-là.

— Pourtant c'était évident qu'on en parle. C'est pour ça que t'es partie et c'est sur ça que je t'ai proposé de discuter autour d'une clope.

Au Delà de la TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant