Au Delà de la Tour

CHAPITRE 22 - Troublée

Je me réveille de la même manière que je me suis endormie : dans les bras de Luka. Lorsque je le regarde, son regard trouve le mien. Cette fois c'est lui qui m'observait. Je lui souris timidement. Je sens qu'une gêne s'installe.

— Bien dormi ? oses-je alors pour tenter de la détourner.

Il se contente de sourire, tout apaisé.

— Et toi ?

Le rouge me monte aux joues.

— Oui, réponds-je d'un timide sourire.

Il élargit alors son sourire avant de retirer son étreinte et de s'étirer. Puis il se lève. Un bref sentiment de déception me parcourt, puis je me reprends. Je remarque qu'il a retiré son t-shirt pendant la nuit au moment où il en enfile un autre. Mon cœur s'emballe et je crois que je me mords machinalement les lèvres.

— Je te prépare un ptit déj' ?

Luka me sort de ma contemplation.

— Hum ?

Il rigole.

— Tu veux un ptit déj' ?

Je mime un oui de la tête, devenant sûrement encore plus rouge, et priant pour qu'il ne m'ait pas pris sur le fait... J'attends qu'il sorte de la chambre pour me cacher sous la couette. Quelle imbécile !

Je sors à mon tour, après avoir attendu que mon cœur se taise et avoir retrouvé mes esprits. Je suis soulagée de voir que ma mère est déjà partie au boulot. Je ne me serais pas vu expliquer pourquoi Luka et moi avons dormis ensemble...

Je profite du petit déjeuner préparé avec soins par Luka, puis me prépare pour aller à la fac. Je vais avoir deux jours pour réfléchir à la nuit que je viens de passer, et tenter de savoir ce que j'en pense... car pour le moment, je suis complètement perdue.

Je dis au revoir à Luka, avec la même gêne qu'au réveil, et pars en direction du train.

A dans deux jours, cher Luka...

***

8h45, j'arrive à la fac. J'envoie rapidement un message à Alek avant d'aller en cours. Je lui explique qu'il faut que je lui parle de quelque chose et lui propose que l'on mange ensemble ce midi.

La matinée est horriblement longue. Il m'est impossible de me concentrer sur le cours de civilisation qui se déroule sous mes yeux. Heureusement, c'est un cours magistral dans un amphi bondé d'étudiants, le professeur n'en remarquera rien. Je serai bien embêtée s'il me demandait de répéter ce qu'il venait de dire, comme ils le font généralement en TD. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ? Que je ne sais pas ce qui s'est passé ce matin ? Que je pensais dormir avec Luka pour le réconforter mais qu'en réalité je voulais le sentir près de moi ? Que j'aurai aimé que le réveil ne soit pas aussi rapide ? Que j'aurai voulu ressentir ses doigts caresser ma peau ?

Je secoue la tête pour moi-même. Je divague encore... C'est ton frère Laura, tu ne peux pas penser à ces choses ! Pourtant j'en ai tellement envie... Voilà que je me mets à discuter avec ma conscience... C'est définitif, Luka me fera perdre la tête.

Une sonnerie retentit et un sentiment de bonheur m'envahit. Enfin !

12h30, je rejoins Alek à la cafétéria presqu'en courant. Je n'en plus de garder pour moi tout cela. Il faut que j'en parle à quelqu'un. Mettre des mots dessus m'aidera peut-être à y voir plus clair. Et ma conscience ne suffit plus. J'ai l'impression que je vais imploser.

— Tout va bien beauté ? – me demande Alek alors que je m'installe.

— Je n'en sais fichtre rien.

Alek se contente d'arquer un sourcil pour montrer son incompréhension.

— T'as déjà éprouvé du désir pour quelqu'un qui t'étais défendu ?

Il sourit avant de répondre. Est-ce qu'il a deviné de qui je parle ?

— Ton frère te fait de l'effet ?

Bien sur qu'il a deviné. Mon silence lui offre la réponse à sa question et il sourit de plus belle.

— Je te comprends, il est très beau.

— Il n'est pas seulement très beau, il est gentil, réconfortant, il...

— Ah ouais, t'es mordu... - me coupe-t-il.

— Non... il ne faut pas. Ce n'est pas possible, c'est interdit.

Il pose alors ses mains sur les miens et insiste pour que je l'écoute avec intention.

— Et qui l'interdit ?

— C'est de l'inceste...

— Bien sûr que non. Vous êtes majeurs tous les deux, et vous venez seulement de vous rencontrer, c'est normal que vous soyez attirés l'un par l'autre si vous vous entendez bien. La relation frère et sœur se développe tout au long d'une vie, en grandissant ensemble.

— Je ne suis pas sûre que la loi le voie de cet œil.

— Tu ne crois pas que tu ne vas pas un peu vite en besogne ?

Je souris.

— C'est possible... C'est vrai qu'avant la loi, il y a nos mères...

Un silence s'installe et chacun de nous réfléchissons à la situation.

— Et toi, reprends-je, ça ne te choque pas que je sois perturbée pas mon frère ?

— Bien sûr que non, je te connais. Je l'ai su dès que tu m'as montré sa photo au squat. Cheveux courts, bruns, tatoué, virils comme tu les aimes... j'attendais seulement le moment où tu aurais le courage de m'en parler. La seule différence avec tes ex, c'est qu'il est ton frère...

Mon regard dévie vers le sol, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire...

— Et lui ? Tu sais s'il est intéressé par toi ? Si tu le perturbes aussi ?

— Je n'en suis pas sûre... Une fois, il m'a confié qu'il m'observait au club, et j'ai compris qu'il était déçu d'être devenu mon demi-frère. Mais ça n'est que mon interprétation, et sur le coup, je me suis braquée et n'ai pas pu en savoir plus.

Il secoue la tête de désespoir.

— Ah... du Laura dans toute sa splendeur. Dès que tu es perdue, tu t'isole.

— Sauf avec toi – réponds-je avec mon plus beau sourire.

— Encore heureux !

Je lui souris avant de reprendre.

— Nous avons dormi ensemble cette nuit.

Il avale son verre de jus multifruit de travers et se mets à tousser.

— QUOI ?

Je me sens rougir et me retrouve incapable d'en dire plus. Mon esprit s'évade et je repense à cette nuit, blottie dans ses bras. Son corps contre le mien, son souffle chaud sur ma nuque et son sourire apaisé...

— Laura !

Alek me sort de mes pensées, dommages...

— Toi, t'es dans la merde ! – dit-il en secouant la tête d'un coté et de l'autre.

Je pose ma tête sur la table et rabat mes bras dessus.

— Je sais...

Alek s'autorise un rire franc.

— Avec tous les mecs qui existent et qui s'intéressent à toi, il a fallu que tu tombes amoureuse de ton frère !

Je me relève d'un sursaut.

— Là c'est toi qui vas un peu vite en besogne ! On n'en est pas encore là.

Une sonnerie retentit. Alek se lève, débarrasse son plateau et reviens vers moi. Il me dépose un baiser sur ma joue et me répond.

— Si tu le dis.

Puis il s'en va, me laissant avec mes doutes et mes... fantasmes.