CHAPITRE 28 - Foutus Partiels

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Lundi 22, 8h10. Je sors du tram qui m'emmène jusqu'à la FAC. Retour à la réalité. Partiels... Stress... Et tout ce qui va avec. L'envie de tout sauf d'être ici. L'impossibilité de me concentrer tant je pense à lui. La peur qui revient.

La peur de lui, Yves... La peur qu'il nous tombe dessus sans prévenir. Ce rapprochement avec Luka m'a permis de l'oublier presque complètement. C'était comme si nous n'étions plus menacés. Comme si nous n'étions plus frère et sœur.

C'est facile d'oublier que nous sommes de la même famille lorsque nous sommes tous les deux. Mais quand je suis seule, je réfléchis beaucoup trop. J'imagine tout ce qui peut se passer, de bien ou de mauvais. Je n'oublie pas que du jour au lendemain, je peux tout perdre. Au contraire même, ce sentiment ne cesse de croitre à mesure que je me rapproche de Luka. J'ai toujours en tête mon accident de moto, l'influence qu'Yves a pu avoir. Et si, du jour au lendemain, en rentrant de la FAC par exemple, je découvrais l'appartement vide ? Plus personne à l'intérieur. Aucun mot nulle part. Impossible de les joindre. Tout peut arriver avec cet enfoiré...

— Salut Beauté.

Alek me sort à peine de mes pensées.

— Alek, il faut vraiment que l'on se débarrasse d'Yves.

Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir qu'il fronce les sourcils. Il fait toujours ça lorsque je dis quelque chose à laquelle il ne s'attend pas. Pas de panique, pas de cris, seulement un froncement de sourcils.

— Ecoutes-moi. – dit-il en me regardant droit dans les yeux, les mains sur ma nuque. Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête, ce à quoi tu réfléchis, ou quelles manigances tu mijotes contre lui, mais la seule chose sur laquelle tu dois te concentrer, là, tout de suite, c'est tes partiels. D'accord ? Je t'interdis de laisser cet enfoiré te troubler aujourd'hui. Tu as le droit à tes jours de faiblesse et de doute. Mais aujourd'hui, tu es forte. La seule façon de penser à Yves aujourd'hui, c'est en lui assénant un premier coup de massue. Défonces tout. Réussi tes partiels, et tu auras gagné un premier combat lui. Je te promets que ça ne sera que le début.

Il me donne ensuite un baiser sur le front avant de me prendre dans ses bras.

— D'accord Beauté ?

Aujourd'hui, je serai forte. Et ce sera grâce à lui.

Je me libère de son étreinte pour lui répondre en le regardant droit dans les yeux.

— T'es le meilleur.

Il affiche alors un sourire satisfait.

— Oui, je sais. Je me le dis souvent aussi.

Je lui donne une tape amicale sur l'épaule avant de reprendre la route vers les amphis, tout en changeant de sujet. Il a raison. Ce n'est pas le jour.

— Alors, tu as partiel de quoi toi ce matin ?

— J'en n'ai aucun.

— Quoi ?

— On passait les options aujourd'hui.

— D'accord je vois. En fait c'est pas qu't'en a pas. C'est que tu n'iras pas.

Il fait une moue qui me confirme que j'ai raison. Evidemment.

— Pourquoi tu continues à prendre cette option, si tu ne passes jamais le partiel ?

— C'est une façon pour moi de ne pas abandonner, sans pour autant pratiquer.

— Comment tu fais en cours ?

— Playback ma belle.

Je plisse les yeux, pleine de doutes.

— Bon d'accord. Quand elle nous fait chanter en groupe, je fais du playback. Quand elle essaie de me faire chanter solo, j'ai soudainement mal à gorge. Si tu vois ce que je veux dire. Il y a aussi certains cours que je sèche.

— Et ta prof ? Et la faculté ? Ils te laissent faire ?

— J'ai toujours réussi à négocier avec la faculté. Quant à la prof, je pense qu'elle comprends ma position, aussi chelou soit elle.

— Il n'y a rien de chelou Alek. Chacun gère ses choses comme il le peut et veut. Tant que ça ne nui pas à tes études, j'ai aucun souci avec ça.

Il me jette un coup d'œil de sa hauteur et sourit, avant de passer son bras par-dessus mes épaules.

— T'inquiètes pas. Mes notes sont assez élevées pour que je puisse me permettre de foirer ce partiel, et j'ai tout juste assez de taux de présence pour que mon trimestre soit quand même validé. Tu vois ? – ajoute-t-il avec un baiser sur ma tempe – Je fais les choses bien. Et maintenant, c'est à toi de briller.

Alek me laisse devant la porte de l'amphi de mon premier partiel.

C'est parti...

***

11h55.

— C'est terminé, posez les stylos.

Enfin. Je n'en pouvais plus. Je m'étire à ma place, dans le peu d'espace que j'ai avant de jeter un dernier coup d'œil à ma copie. C'est le début de la fin pour toi Yves. Me voilà, j'arrive. Avec ce premier partiel, que j'ai déchiré, je vais accéder à ma liberté professionnelle. Je ne te devrai plus rien.

Lorsque je rends ma copie. C'est un tout autre sentiment que ce matin qui m'anime. J'ai retrouvé la rage de vaincre. Je sors telle une Queen de l'amphi, le casque sur la tête et le son Warrior (Stand Up), de Hidden Citizens et Rayelle. La tête haute, la démarche assurée, et le regard déterminé, je rejoins mon meilleur ami comme si j'entrais sur le champ de bataille, prête à détrôner le roi. Et lorsqu'il me voit, c'est un sourire satisfait qu'il affiche sur son visage.

— Je préfère ça. – dit-il une fois que j'ai enlevé le casque.

Je m'assoit face à lui et lui sourit à mon tour.

— Moi aussi.

Au Delà de la TourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant