C'est mon dessert.

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C'est assis au près de Yanis que je regarde le paysage de notre ville défiler à travers la vitre de ce bus. En quelques minutes, l'ambiance extérieure a quelque peu changée. Des enseignes illuminant chaque ruelle qu'on longe, accompagnées des lampadaires éclairant les pavés au sol, posés à une distance égale les uns des autres. Des gens qui rentrent du travail marchent sur les trottoirs, des groupes d'anciens, ou de jeunes qui s'attellent à leurs diverses envies. En parlant d'envie, la mienne est si proche de moi. Sérieux...

Mes yeux jonglent entre le bronzé et ce qu'il regardera. Son coude est posé contre le rebord de cette fenêtre, le menton creusant la paume de sa main. Il me montre inconsciemment son profil, enfin, les mèches de ses cheveux qui retombent sur le devant de son regard ne me permettant pas de voir l'intégralité de son faciès. Le bus s'arrête à des arrêts que je n'ai pas vraiment l'habitude de prendre. Nous voilà au centre-ville et ni lui, ni moi n'a aucune idée de là où descendre. Je pense qu'au prochain.

Mon coude entrechoque le sien sans faire exprès, ce qui le fait se retourner vers moi. Mon phone entre les mains, mon pouce venant dérouler un menu d'une cinquantaines de playlists dont certaines datent vraiment. Ouais, ce soir c'est moi qui met la musique. Et les miennes semblent lui plaire au final, je n'ai pas besoin de le questionner sur ce genre de sujet parce qu'en fait, j'en sais assez et plus que les autres. Je crois que c'est devenu une habitude entre nous d'écouter de la musique ensemble, tous les matins par exemple. Une habitude dont je n'aimerais pas m'en détacher. Je ne sais pas pourquoi j'apprécie autant. C'est comme si ma journée démarrait mieux si elle commençait de cette façon.

— Ah, viens.

Le silence est le maître mot, il faut dire qu'il ne reste plus grand monde et que plus de la moitié des personnes sont descendues. Et maintenant, c'est notre tour. Je m'incruste dans le couloir et laisse Yanis passer devant moi, le suivant jusqu'à poser pied à terre, l'air frais du soir traversant les mailles de ma veste ouverte. Nous voilà déposé près d'un abri de bus, là où attendent un petit groupe de gens. L'ambiance en ville est plus rythmée qu'autour de notre lycée, il faut dire qu'on est plus détendu ici que là-bas. En y pensant, on se retrouve proche du lycée des potes à Yanis, enfin, ça ne me donne pas envie de les croiser bizarrement. Ce soir, j'aimerais bien qu'on soit encore que tous les deux.

— Hmm, du coup, tes plans ?

La voix du garçon à côté de moi me tire de mes pensées. Il passe légèrement ses doigts dans ses boucles fines, un sourire ornant le coin de sa bouche. Elle me tente.

— Tu as faim ? je propose alors.

Son hochement assez vif me fait rire légèrement, ses yeux ne quittant en aucun cas l'expression que renvoie mon visage. Ouais... Yanis prend un air un peu timide et j'ai limite envie de me pincer à défaut de ne pas pincer sa joue. C'est vraiment quelque chose. Après quelques secondes de silence, on se met à marcher en direction inconnue, là où on pourrait trouver un endroit tranquille où bouffer. J'avoue que ce qu'il y avait aujourd'hui à la cantine n'a pas su régaler mon petit estomac, alors je compte bien remédier à ça.

— C'est quoi cette tête ?
— Quoi ? J'ai froid...
— Même avec cette doudoune ? je rajoute alors tandis qu'il plonge ses mains dans les poches de sa grosse veste.

Il ne peut s'empêcher de me lancer un regard de travers mais c'est sans succès car il ne tient pas longtemps son expression dégoûtée. Je sais que c'est moi qui le met dans cet état, et je sais aussi que même s'il crève de froid actuellement, il est content d'être avec moi. Si ce n'était pas le cas, il ne m'aurait certainement pas suivi, quand je suis monté dans ce bus.

— Romain... J'ai faim, insiste-t-il comme un enfant de 5 ans.
— Mais, je cherche. En te regardant. Mais je cherche quand même.

Son rire amusé se perd entre les bruits ambiants. Je n'ai plus l'autorisation ou bien ? Quant bien même je ne l'avais pas, c'est pas comme si je pouvais m'en empêcher. Je sens Yanis me regarder un court instant ensuite, un peu gêné. Ça me fait rire intérieurement. Il est trop. Trop.

ROMAIN y YANISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant