ROMAIN y YANIS

Je déteste le russe.

Je n'arrive pas à déchiffrer l'expression de son visage. Un grand silence s'est installé entre nous, Yanis ne parle et je n'ose même pas revenir sur ma phrase, par peur de m'enfoncer encore plus. Nos yeux se regardent, se cherchent encore un bon moment. Je suis prêt à briser ce contact visuel qui commence de plus en plus à me gêner lorsque sa voix s'élève doucement. Elle m'interpelle et on continue de laisser nos regards se perdre sur nos visages, un tout petit peu.

— ... T'es sûr ?

Son ton est hésitant, lui aussi a peur de faire une connerie j'pense. D'un hochement de tête, je lui réponds. Et puis... Tout se passe très vite, comme je l'espérais au fond de moi. Je n'arrive pas à bien décrire ce que je ressens à cet instant précis. De la peur, certes, mais cette peur est mélangée avec de l'envie, envie que je n'arrive pas vraiment à contrôler depuis qu'on s'est retrouvé dans son skatepark. Je ne me pose pas plus de question et mon visage se rapproche dangereusement du sien.

Je n'ai jamais ressenti Yanis aussi proche de moi. Tout me semble très différent, j'ai l'impression qu'on se redécouvre un peu. Mes yeux ne se ferment pas, les siens non plus. Mon nez se frôle contre son jumeau, je le pousse légèrement. Sous mon geste, un rire s'échappe de sa gorge. Puis il redevient sérieux, cette expression indescriptible prône sur son visage.

— Et toi, t'es sûr ?

Yanis ne me répond pas tout de suite, ni même à la seconde qui suit. Il a déjà pressé ses lèvres contre les miennes et je me retiens de lâcher un hoquet de surprise. Une de mes mains s'appuie par terre, contre le béton sur lequel nous sommes assis. Mon dos se laisse tomber sur le grillage derrière moi, faisant timidement grincer ce dernier. Je ne réfléchis plus, bien trop concentré sur la sensation de sa bouche contre la mienne, sa jumelle. Maladroitement, il se recule de mon visage et le bronzé vient scruter sans plus attendre l'expression de mon visage, comme pour vérifier si tout est OK pour moi.. Mais oui, ça l'est. Alors, je le rapproche de nouveau vers moi. Mes doigts attrapent la manche de la veste qu'il porte, le faisant comprendre de ne pas s'éloigner. Nos fronts se rencontrent et ses boucles chatouillent ma peau.

Je brise ma promesse.

— Encore une fois...?

Ma voix se transforme en un simple soupir lorsqu'il recommence. Cette fois-ci, j'ai le temps de répondre à son étreinte et nos bouches s'humidifient un peu plus. J'crois que mon maquillage d'Halloween est fichu mais je m'en fiche pas mal, mes pensées étant tout droit dirigées vers le garçon en face de moi. Ses lèvres goûtent la bière et j'imagine que les miennes également. Ça me va, j'ai peut-être un peu envie de les mordre mais je me retiens. Je sens ses doigts rejoindre les miens, ceux qui sont glacés contre le sol. Il les frôlent un peu avant de les laisser à côté, nos visages se reculant peu à peu. Nos étreintes sont rapides et tout se déroule d'une vitesse... Je mets du temps à récupérer mes esprits, encore dans le flou. Je ne sais pas quoi penser. Yanis me regarde et peut-être qu'il est dans le même état que moi actuellement. Qu'est ce qu'on vient de faire ?

D'un mouvement, je me redresse contre ce grillage, ma tête se détournant de la sienne. Mes doigts se glissent dans mes cheveux, le regard posé droit devant. Et mince. J'entends son toussotement et je fais de même, ne sachant comment me comporter.

— Hum... Je... Désolé si c'était un peu naze...

À ses paroles, un maigre sourire s'affiche sur mes lèvres. Je crois que j'avais envie de l'entendre dire quelque chose par rapport à tout ça, juste pour briser ce moment quelque peu gênant. Lorsque mes yeux se posent sur son visage, je ne peux m'empêcher de le trouver adorable. Littéralement, je ne peux pas dire le contraire. Malgré la pénombre, je peux voir cette expression gênée qui le rend comme il est. Je froisse les poches de ma veste afin de trouver mon paquet de clope, en glissant une entre mes lèvres encore mouillées.