Petit ami et compagnie 3 - Partie 1

Chapitre 3 : Dernière séance de l'année

Le 30 décembre

— Bonsoir Irina.

La voix chaleureuse d'Arthus m'accueille déjà alors que je viens à peine de toquer à sa porte.

Autrefois, nos consultations avaient lieu à son cabinet, lorsqu'il n'avait pas de séance à l'hôpital. Mais désormais qu'il est à la retraite, il a fallu dire adieu à son cabinet et bonjour à son logement. Parce que légalement, le psychologue doit se reposer et qu'il ne doit donc plus pratiquer. Seulement vu que lui et moi sommes amis (enfin aussi amis qu'un professionnel peut l'être avec sa patiente), il m'a proposé de braver les interdits.

— Bonsoir Arthus, réponds-je.

Avec le froid de décembre, ma buée valse sous mes yeux, si bien que le vieil homme ne tarde pas à m'inviter à entrer. Dans un sourire poli, je le remercie et passe la porte. Bien vite, la chaleur de l'habitat me donne l'impression de revivre.

— Comment vas-tu aujourd'hui ?

En parfait gentleman, il prend mon manteau et me fait signe de le suivre dans le couloir. Mes yeux se posent rapidement sur la tapisserie vieillot, puis je me dirige vers une petite arche.

— Disons qu'il y a eu pire et meilleur aussi, avoué-je.

Je traverse le salon qu'Arthus me fait signe d'emprunter et finis par prendre place dans un vieux fauteuil auprès de la cheminée.

N'est-ce pas le meilleur endroit au monde ? Bon, peut-être pas le meilleur mais en ce moment, c'est mon préféré.

— Comment vont les cauchemars ?

Je prends sur moi avant de répondre. Car je veux être sincère mais ne veux pas pour autant tomber dans le pathos.

— Eh bien, c'est pas la meilleure période alors...

Personne parmi mes amies ne sait que je suis suivie par Arthus depuis des années. Je n'ai jamais réussi à le leur dire qu'à cause de soucis personnels j'avais ressenti le besoin de parler à un professionnel à la barbe quasiment blanche.

Isaac est au courant par contre. Isaac sait tout de moi de toute façon.

— Tu as reçu des nouvelles d'Alexeï ?

Je fais un signe négatif de la tête. Je ne m'attendais pas à ce qu'Arthus parle aussi vite de lui. Mais je crois que lui non plus n'est pas du genre à tourner autour du pot, surtout avec une patience comme moi.

— Tu aurais aimé en recevoir ? continue-t-il en me regardant avec attention.

C'est parfois difficile de ne pas détester son psy. Car même s'il nous aide à aller mieux et qu'il fait tout cela pour notre bien, il fait ressurgir très souvent des émotions que l'on aurait aimé oublier à tout jamais.

— Je ne sais pas. D'un côté, il est ma seule famille. Mais il foire tellement tout que chaque fois que je le vois, les souvenirs remontent et je crois que je le hais.

Ma déclaration me perturbe. Mais Arthus n'a pas l'air de l'être.

— Tu comptes demander de ses nouvelles lorsque la date d'anniversaire va arriver ?

Il était évident qu'il allait parler de ça.  Le temps passe et bientôt, cette date tant redoutée va s'afficher sur l'écran de mon portable et je ne pourrais plus fuir les émotions qui m'accableront.

— L'année a été compliquée, éludé-je à moitié. Et le peu de fois où j'ai eu de ses nouvelles, c'était pour me demander de le sortir de cellule. Alors je crois que je préfère passer ce dur moment seule, parce que de toute façon, il ne me sera d'aucune aide.