Prologue

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Le 25 décembre 2016

S'il y a bien quelque chose que j'ai appris de ma famille, c'est de ne jamais trop se dévoiler. Car c'est ainsi que nous donnons la possibilité aux autres de nous détruire. Et Dieu sait combien il y a de personnes malsaines sur Terre qui ne vivent que pour pourrir la vie des autres.

Alors voilà, durant la majeure partie de mon existence, j'ai vécu cachée derrière une carapace, celle de la femme dont rien ne pouvait l'atteindre. Durant la majeure partie de mon existence, j'ai imité ceux que j'ai souhaité oublier en quittant la Russie : ma famille, mon plus grand conflit jusqu'à ce jour. Durant la majeure partie de mon existence, je me suis protégée du monde extérieur et des émotions que celui-ci peut entraîner, jusqu'à ce qu'il arrive : Tae Woo.

Je me souviens, comme s'il s'agissait de la veille, de la première fois où j'ai aperçu mon bel anesthésiste. Je bossais pour le service obstétrique de l'hôpital d'Ottawa depuis quelques années déjà et alors que je discutais avec Annabelle, Zoey et Madison (des amies du boulot), il est entré dans la salle.

Tout d'un coup, ça a été comme si l'air avait quitté mes poumons, mes mains sont devenues moites et mon cerveau a décidé de planter. Encore maintenant, lorsque cela m'arrive, je suis perdue parmi toutes ces sensations. Il faut dire que contrairement aux deux romantiques que sont Annabelle et Zoey, je n'ai jamais cru au coup de foudre. Coup de mon cul ouais, quelles foutaises !

Jamais je n'avais craqué sur les asiatiques jusqu'à ce jour. Tae Woo était grand certes, mais il m'en fallait bien plus pour être séduite. OK, sa chevelure brune, sa voix et l'air froid qu'il affichait sur son visage pouvaient être attractifs. Mais de là à envahir mes pensées chaque fois que je le croisais... C'était comme si on venait de me dire que l'impossible était possible ou bien que le Père Noël existait et la petite souris aussi pour couronner le tout.

Pourtant, après des années de lutte mentale, il a fallu me rendre à l'évidence : moi, Irina Presnyakov, la femme la plus indépendante d'Ottawa (enfin peut-être, je ne connais pas toutes les femmes de la ville quand même) en pince pour l'imperturbable Tae Woo que tout le monde nomme Thomas.

Et c'est pour cette raison qu'en cette soirée de décembre, j'ai décidé d'arrêter de tourner en rond. Vous savez aussi bien que moi qu'échanger des simples "bonjour" ne feront jamais avancer les choses. Eh bien oui, soyons honnêtes, c'est la meilleure technique pour finir dans la friendzone.

Alors que l'éclairage de la salle nous éblouit après une séance intimiste frôlant l'érotisme, je me dis qu'il est temps de montrer ma paire de boules cachée et de foncer. Mon assurance gonflée à bloc grâce à mon pseudo discours dans mon esprit, à mes collègues de boulot qui ont bougé avec moi sur cette piste de danse et surtout, à l'aise dans la robe moulante que j'ai piquée chez Isaac (mon meilleur ami, promis je vous en parle prochainement), je quitte le bar et me dirige vers la foule en délire.

David, notre interne en obstétrique, a mis le feu avec son strip-tease et désormais que les gens sont occupés à crier à Annabelle de boire le verre d'anniversaire (celui de notre psychologue de travail qui part à la retraite), je me fraie un passage parmi les fêtards. La pauvre, vu comment Arthus charge ses verres, mon amie va finir par terre après la première gorgée. Bref, ce n'est pas le sujet.

Durant mon ascension, même si mes yeux sont rivés sur ma cible, je dois me décaler pour éviter quelques groupes un peu trop alcoolisés. Ce n'est pas le moment de causer un accident. 

C'est une fois face à Tae Woo qui, un verre à la main, discute avec un collègue, que je laisse parler la lionne qui sommeille en moi, comme dit si bien Isaac. De ma main droite, j'attrape la cravate du brun pour attirer son visage vers moi. Ses yeux plongent dans les miens et j'y perçois tellement de surprise que je songe durant une seconde à annuler mon plan. La noirceur de ses pupilles n'est pas qu'un air ce soir, l'incompréhension semble véritablement avoir assombri ses belles iris.

Petit ami et compagnie 3 - Partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant