Petit ami et compagnie 3 - Partie 1

Chapitre 7 partie 2 : Souvenirs rouges

— Tout ne sera qu'interprétation. Peut-être ai-je mal évalué la situation. Peut-être que mes souvenirs sont biaisés car je n'étais qu'une ado et qu'indirectement, j'avais déjà choisi mon camp, commencé-je en fixant le tapis face à moi.

Mais le fait est que je vais parler. Pour la première fois après plusieurs séances, je vais confier à Arthus la totalité de mon plus sombre secret.

Alors qu'il doit se dire que j'avance enfin, moi, ce à quoi je pense en premier, c'est que je vais me faire happer par les souvenirs et que je ne sais pas si je survivrais à cette tempête noire. Ou rouge devrais-je dire...

— Ma mère a toujours été du genre à être jalouse. Elle n'avait pas confiance en elle. Alors elle doutait tout le temps de mon père. Et mon père ne faisait rien pour arranger les choses. C'était un dragueur. Il aimait l'alcool, les femmes et les bagarres. Ceci dit, ma mère était un peu ainsi aussi. Enfin, elle aimait l'alcool, les hommes et les disputes.

Tandis que je mets des mots sur ce que j'observais quand j'étais enfant, je sens le monde d'autrefois me rattraper. C'est comme si j'en étais à nouveau prisonnière. La peur, la douleur et le dégoût m'envahissent.

— Le soir où ma mère a eu vent de l'intention de notre père de partir, elle est devenue folle. Pas mal de monde lui avait déjà dit qu'elle était cocue. Je pense qu'au fond d'elle, elle le savait déjà. Puis sûrement se disait-elle qu'en faisant pareil de son côté, ça effaçait cette infidélité. Ou bien qu'ils étaient à égalité. Mais je ne pense pas qu'elle avait imaginé qu'il la quitterait. Que ce soit pour une autre ou tout simplement parce que ça ne pouvait plus durer ainsi.

Une première larme coule sur ma joue et je l'essuie du revers de la main.

Je revois nos parents s'engueulant. J'entends mon père dire qu'il est prisonnier avec elle. Puis Alexeï, qui a toujours été proche de notre mère, lui répond d'aller se faire foutre.

Pour ma part, malgré l'infidélité de notre père, j'étais le plus souvent fourrée avec lui car notre mère ressentait ce besoin d'être aimée par les hommes et que je n'en étais pas un, contrairement à Alexeï. Alors évidemment, parce qu'elle me délaissait, je m'étais tournée vers mon autre parent. Et contrairement à notre mère, notre père ne faisait pas de préférence. Il avait beau avoir pas mal de défauts, il ne m'oubliait jamais, lui.

— Je pense qu'apprendre de la bouche de son mari qu'il souhaitait divorcer malgré notre présence à Alexeï et moi, ça lui a fait péter un câble. Notre père était resté pour ses enfants, mais désormais qu'on était adolescents, il voulait fuir. Il ne comptait pas nous abandonner nous, ses progénitures. Mais notre mère si. Car ils n'étaient plus heureux. Et même si je pense qu'au fond, ils s'aimaient encore un peu ou bien qu'ils avaient encore une sorte de lien qui les réunissait, le mal qu'ils se faisaient était trop grand pour continuer sur cette voie.

Mes sens sont réveillés et hantés par le passé. Je ressens l'odeur particulière de ce qui état autrefois notre maison. J'entends à nouveau les cris de mes parents. C'est comme si la vibration du plafond causée par la canne du voisin du dessus qui s'énerve pouvait à nouveau se sentir.

— Les voisins n'en pouvaient plus. Alexeï et moi non plus. Et je crois que notre mère non plus. Alors lorsqu'elle a attrapé ce couteau, j'étais en train de regarder par la fenêtre, car j'avais peur que les flics débarquent. Mais Alexeï lui, a tout vu et quand il a crié, j'ai tourné la tête.

Un frisson me gagne tandis que l'image principale de mon cauchemar apparait dans mon esprit. Rouge. Rouge comme le sang. Du sang partout. Sur le sol. Sur mes mains. Sur son cou.

— Le coup a été franc. C'était comme si notre mère avait fait ça toute sa vie. Pourtant, dans son regard, on voyait que ce n'était pas le cas. Mais sur le moment, je m'en foutais d'elle. Parce que tout ce que je vouais, c'était notre père dont les yeux s'étaient écarquillés et qui se tenait le cou.