Tous les jours il porte une salopette : colorée, sombre, large ou encore près du corps, mais il porte une salopette. En été un tee-shirt, en hiver un pull en laine. Quand il te croise, c'est à peine si il te regarde, tu vois bien que son corps voudrait fuir. Il reste silencieux, mais ses gestes s'expriment à sa place. Bien sûr qu'il a peur de toi, de qui d'autre sinon ? Et plus encore, il se souvient de tout, il n'a rien oublié. Chaque seconde qu'il a passé avec toi tourne en boucle dans son crâne, jusqu'à lui en donner des migraines.
Juste après le sport, Bruno a la fâcheuse habitude de rester prendre une douche dans les vestiaires. Il attend d'être seul, il est pudique. Il a horreur de se mettre nu devant le reste des garçons de sa classe. Mais cette fois-là, l'eau à un goût amère et sonne différemment. Il n'a pas assez de savon, alors pestant de sa voix grésillante, il se rince rapidement et s'enveloppe dans sa serviette. Il a à peine le temps d'enfiler son pull et le bas de sa salopette que tu déboules de nulle part. Il te regarde t'appuyer contre l'un des casiers.
- Tu m'as fait peur ! Qu'est-ce que tu veux ? Il demande.
Tu t'avances vers lui, d'un pas téméraire. Il recule.
- Qu'est-ce qu'il y a Veïg ?
Tu te jette sur ses lèvres. Il te pousse en arrière, la respiration saccadée. Tu souris face à ton gibier.
- Qu'est-ce qui te prend ? Ça va pas !
- Quoi ? Tu joues les dures ? Tu lui ris au nez. Tu dois être en manque avec le peu de prétendant qui défile chez toi.
- C'est pas drôle Veïg, ce n'est pas un jeu !
- Mais je ne joue pas.
Tu te places devant la porte, contre toi il n'a aucune chance.
- Laisse moi partir Veïg ! Écartes-toi !
- Tu n'as aucun sens du partage. Mais je vais t'apprendre.
- Quoi ?
À peine a-t-il posé sa question, tu t'agrippes à son cou et tu le fais tomber sur le carrelage. Il gigote sous tes mains, il hurle comme un goret. Il te griffe même au visage, et parvient à se défaire du poids de ton corps. Il rampe sur le sol, s'enfuit à quatre pattes. Tu ne l'aimes que d'avantage. Il finit par se relever sur ses jambes et sortir du vestiaire en courant. Il prend le chemin du gymnase. À cette heure, il est vide. Bruno n'a aucune endurance, il est bien trop maigre pour être sportif, tu le rattrapes sans peine. Tu balances ton poing sur sa tempe. Il tombe tout de suite. Il s'écroule. Il commence à pleurer, tu peux sentir sa transpiration, son souffle hors d'haleine. Tu commences même à voir du sang sortir de l’entaille qu'il s'est fait au front dans sa chute. Il n'en est que plus beau, tu l'embrasses. Tu l'entends gémir. Il n'arrive pas à se débattre. Chacun de ses mouvements font monter en toi un désir palpable, qui t'excite. Tu le retournes sur le ventre. Tu tires ses cheveux en arrière pour forcer son visage à rester immobile, pendant que tu
retires son pantalon et son caleçon. Il hurle encore, sa voix s'affaisse à cause de brûlures à la gorge. Mais personne ne peut l'entendre se plaindre. Tu reluques ses cheveux teints en blancs. Tu observes sa peau se hérisser et ses yeux se pétrifier lorsque tu le pénètres.Après ça, tu es fatigué. Ton excitation redescend. Tu le délaisses sur le sol, le bas de son corps encore dénudé. Tu fermes la braguette de ton jean et titubes jusqu'à la porte de sortie. Tu as besoin de reprendre tes forces, la chasse est une activité difficile, qui demande un certain savoir-faire. Bruno reste inerte, la joue gauche plaquée contre le lino du terrain de basket, une larme dévalant de son œil. Son regard se perd à travers le mur d'en face. Sa bouche laisse échapper une faible respiration. Comme sortit d'un état de fièvre, le front bouillonnant et les tempes vertigineuses, il puise dans ses dernières ressources pour se relever. Une goutte de son sang tâche le par-terre. Un état de choc lui renvoi une sensation de flottement, de planement au dessus de tout. Il est pris de vertige, de déséquilibre. Ses oreilles bourdonnent de manière excessive et le désorientent. Quand il sort enfin dehors, ses affaires à la main, et respire de l'air frais, il se promet de ne jamais parler de ces quelques minutes. Pour les autres, il aura pris une longue douche. La vérité ne ferait que confirmer ce qu'il a vécu. Il s'appelait Bruno quand il a passé pour la première fois la porte du lycée, il s'appelait toujours Bruno quand tu l'as arraché à son innocence. Aujourd'hui il s'appelle Bruno, le jeune homme qui par ta faute, est amoché de partout. Alors il s'appelle Bruno lorsqu'il décide de se taire.

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Il s'appelait Bruno
Genel KurguTous les jours il porte une salopette : colorée, sombre, large ou encore près du corps, mais il porte une salopette. En été un tee-shirt, en hiver un pull en laine. Toutes les nuits il rêve de toi, de tes mains contre sa peau, de tes phalanges contr...