Myssandra : le retour d'une future reine

Racines

Aujourd'hui, n'ayant pas cours mais ne souhaitant pas m'aventurer dehors, j'avais décidé de me replonger dans l'histoire de Matylia. Je rêvai besoin d'une pause, de me changer les idées et de m'éloigner un peu de Matthieu, qui paraissait douloureusement omniprésent ces derniers temps. 

Après un solide petit-déjeuner, je me rendis dans la grande bibliothèque de l'aile Est, afin de récupérer quelques livres. J'était accompagné de Nolan, un rouquin malicieux qui s'amusait à enquiquiner Ilian, mon second garde et ami de Lorenzo.

De retour dans ma chambre, je me plongeai avec plaisir dans l'histoire de mes ancêtres.

Matylia était un petit pays, approximativement de la taille du Luxembourg mais bien plus au sud. 

Coincé entre la France et l'Italie, mon royaume possédait quand même un petit bout de la côte méditerranéenne. Un véritable morceau de paradis, à mon humble avis.

Politiquement, cependant, cela n'avait pas toujours été aussi paradisiaque.

L'ancêtre dont je portais le nom, Alexa Stillwell - mon arrière, arrière grand-mère - a vécu le règne le plus sanglant de notre histoire. Elle a été la première et dernière femme à hériter du royaume, ses héritiers ayant eu la « chance » d'enfanter des garçons.

Le royaume de Matylia était en effet toujours dirigé par le premier né mâle, les princesses ne comptant que pour former des alliances maritales, tradition stupide que l'on retrouvait dans de nombreux pays, à l'époque.

Jusqu'au roi Guillaume Stillwell, dont la femme, Catherine, n'avait eu qu'une fille avant de mourir en couches. Fou amoureux, ce dernier ne s'était jamais remarié, et avait dû faire abroger cette loi stupide pour que sa fille puisse transmettre l'héritage Stillwell.

Il y a plus de cent trente-six ans, cette décision n'avait bien évidemment pas du tout plu au peuple, et le roi fut assassiné au cours d'un guet-apens réalisé par ses propres conseillers. Alexa se retrouva donc couronnée dans ces circonstances extrêmes, obligée de gérer un pays à feu et à sang à l'âge de seize ans seulement, tout en vivant le deuil de son père, son unique famille.

On ne retrouve que peu d'informations sur le début de son règne, si ce n'est qu'elle épousa en toute discrétion un duc et échappa de peu à plusieurs tentatives d'assassinat - notamment un empoisonnement de la part d'une de ses femmes de chambres, qui lui coûta son premier enfant.

Quatre ans plus tard, elle accoucha de jumeaux, deux garçons : Julius et Marin. Elle mena le pays d'une main de fer, mais dû faire face à des menaces extérieures - la France et l'Italie en quête de territoires - comme à des menaces internes, ne la laissant jamais vraiment en paix. Fine stratège, elle réussit cependant à sortir son épingle du jeu pendant un certain temps.

Puis sa chance commença à tourner. Son mari, le prince consort mourut dans un accident de charrette alors qu'il était accompagné de leur dernier né, Tiberius.

Elle-même périt l'année suivante dans un terrible incendie - dont l'origine n'a jamais été élucidée - laissant derrière elle deux petits orphelins de onze ans.

Le peuple, satisfait d'avoir à nouveau des héritiers mâles au pouvoir, se calma peu à peu, et seulement quelques fauteurs de trouble furent arrêtés.

Mais c'est à partir de ce moment que les armes ont commencé à être fortement contrôlées. Julius et Marin, fortement marqués par leur enfance chaotique, y veillèrent.

Ensuite, le monde continua de tourner et tout le monde oublia Alexa.

C'était comme si la vie de cette jeune reine ne comptait pas, comme si elle pouvait être effacée aussi facilement.