Même pas couché et nous voilà déjà au lendemain. Vers sept heures du matin, au moment où régnait un silence de cimetière, que les cris de quelques oiseaux diurnes perturbaient par à-coups, je me réveillai, puis pris ma douche. Contrairement à mes habitudes, je ne pris point le petit déjeuner. Autant dire que j'étais toujours affecté par les tourments de mon séjour à Bagadadji. Je saluai tous les membres de la famille une dernière fois et tonton Drissa m'accompagna à la gare.
Aux premières lueurs du soleil à l'horizon, nous traversâmes la ville pour nous rendre à la gare. Là, la cohue et le vacarme étaient indescriptibles. D'une part, les bus SOTRAMA* (bus utilisés comme moyen de transport public au Mali), garés et artistiquement alignés. Ils n'attendaient que le signal de départ, et d'autre part, des vendeurs et vendeuses ambulants de toutes sortes de marchandises : petites viennoiseries, œufs durs, fruits, biscuits, pains ou encore des sachets et bidons d'eau et beaucoup d'autres articles. Ils déambulaient dans tous les sens et leur brouhaha ne laissait guère l'ouïe indifférente.
Tonton Drissa fit des douas, me remit quelques produits pour la famille au village et s'en alla aussitôt.
Je m'installai sur un petit banc juste à côté de l'entrée pour attendre mon départ mais je ne pus vraiment durer là-bas à cause de l'odeur fétide des caniveaux qui y persistait.Quelques minutes après, le chauffeur de notre bus vint annoncer le départ et chacun se précipita pour se rapprocher. Il fit l'appel, vérifia les tickets et chacun regagna sa place sur des sièges qui étaient sans doute loin d'être confortables. Nous étions cloîtrés comme des sardines dans des boîtes et spécialement moi, guignard que j'étais, je me retrouvai aux côtés d'un couple dont la masse énorme et informe ne passait guère inaperçue.
Quand tous les voyageurs furent installés, le chauffeur démarra la voiture qui émît un long cri enroué, prenant peu à peu de la vitesse et s'ébranlant dans la ville. Tout allait bien avant de sortir de Bamako où la route était nettement bonne. Je pris alors sur moi de contempler la ville une dernière fois.Les péripéties commencèrent lorsque nous dépassâmes le poste de péage de Kati* (ville du Mali) où la voiture commença à faire des mouvements bizarres et à vomir de la fumée telle une locomotive. À ce moment-là, je sentis réellement le poids de monsieur et madame Baleine.
À l'intérieur du bus il y avait de l'animation ! Les passagers parlaient de tout et de rien et à tout bout de champ. Comme d'habitude, ma curiosité qui me rongeait, me poussa à balader mes yeux un peu partout. Soudainement, mon regard se braqua sur l'apprenti-chauffeur, en train de faire du thé à l'intérieur du bus. Était-ce par ignorance ou par inconscience ? En effet, il vendait du thé aux passagers qui sont addicts à cette boisson. Lorsque je voulus intervenir, un homme robuste, me devança. Il lui demanda d'arrêter instamment cette maladresse et le menaça de le dénoncer au prochain poste de police. Pris de peur, l'apprenti éteignit aussitôt son gaz. En réalité, il ne savait vraiment pas ce que son acte pouvait engendrer comme dégât et c'est pour cela qu'il s'adonnait à cette pratique qui lui rapportait un peu d'argent. Comme on le dit bien, l'ignorance est le plus grand des maux.Après cet incident, toujours coincé, je me concentrai sur le paysage mais à vrai dire, mon esprit était complètement absorbé par une seule et unique chose : retrouver Kadi.
Tout à coup, le bus fit un bruit intense et le chauffeur freina sur-le-champ pour l'immobiliser. Il descendit avec son apprenti afin de situer le problème. Quelques instants après, nous sûmes que le moteur était en panne.
Tous les passagers furent priés de descendre. Nous attendîmes deux à trois bonnes heures dans la brousse. Je profitai alors de cette période d'attente pour aller me soulager. Comme on le fait souvent, je fonçai dans les broussailles et m'accroupis sous un arbre. Je n'eus même pas le temps de me préparer que je sentis tout soudainement comme une corde autour de mon cou, une corde bien différente des autres, bien molle et qui bougeait de surcroît. Je réalisai que c'était un serpent quand je vis sa tête. Pris de frayeur comme jamais, et sans chercher à savoir quel type de serpent c'était, je me mis à crier naturellement à gorge déployée. Plusieurs passagers accoururent promptement à mon secours mais, heureusement pour moi, l'animal s'était déjà cherché, me laissant indemne. Cela rassura tout le monde mais quant à moi, je restai bouche bée et traumatisé quelques instants, avant de retrouver mes esprits. « Un serpent s'entrelacer autour de mon cou sans pourtant rien me faire ? Un serpent ? Pourquoi ? »
Je restai esclave de ces questions jusqu'au moment où le chauffeur nous informa de la résolution de la panne.
Tous les passagers regagnèrent leur place, moi toujours mal à l'aise car coincé par la famille Baleine.Le petit serpent me fit oublier Kadi un instant mais je me dis au fond de moi, que s'il ne m'avait rien fait, c'était peut-être un présage de bon augure.
Je me résignai finalement, fuyant mes craintes et m'efforçant de ne penser qu'à contempler le spectacle qui se passait sous nos yeux. Tout semblait se précipiter vers nous. Entre des montagnes de toutes formes, étaient dispersés des arbres de toutes tailles et mon imagination ne chômait guère. Le voyage s'avéra fort plaisant pour moi malgré les quelques fâcheux contretemps.
Tout à coup, l'apprenti chauffeur annonça notre arrivée à Kita, ma ville natale, cette ville qui m'avait tant manqué.Abracadabrant fut mon accueil à la gare. Tout le village m'attendait, le sourire aux lèvres. Les plus petits se dépêchèrent de prendre mes bagages pour les ramener à ma maison.
En me voyant Kadi, qui était couverte de la tête au pied par un hidjab* (tenue recommandée aux femmes musulmanes) avec un enfant au dos, fondit en larmes et quitta la foule en sanglotant.
VOUS LISEZ
Le retour au bercail
Adventure"Le retour au bercail" retrace l'histoire d'un jeune garçon malien, du nom d'Adama, qui retourne dans son village natal après de longues années passées à l'étranger pour ses études. De son voyage de l'étranger, passant par Bamako et jusqu'à chez lui...