Pour arriver au domicile de mon oncle, à deux cents mètres de la gare, nous fîmes juste quelques minutes avec sa mobylette jakarta.
Oncle Drissa, le frère puîné de ma mère, est un gentil bel homme court de taille et de teint légèrement noir avec une énorme calvitie au milieu de sa tête lui donnant un charme particulier.
Enseignant de fonction, il n'est pas loquace mais très rigoriste en tout ce qui concerne les études.
Il vit modestement avec sa petite famille à Bamako, plus précisément à Bagadadji, un quartier où j'ai résidé avant de m'envoler pour l'étranger.
Sa femme Setou de teint clair et de taille moyenne avait une masse éléphantesque. Ce qui ne m'étonne guère car sans mentir, son régime alimentaire était loin d'être équilibré, le seul moment où sa bouche était au repos était quand elle dormait. Son fils aîné Zoumana, de sobriquet Zou a le même âge que moi. Zou est le sosie de mon oncle mais sans calvitie. Ses deux filles jumelles Kadidia et Binta se ressemblent comme une paire de chaussures. Contrairement à leur mère Setou, les jumelles étaient maigres et grandes de taille.À notre arrivée, toute la famille accourût pour m'accueillir. Après les salamaleks et les échanges avec la maisonnée, je fus installé dans la chambre de Zou, notre tiè so* (littéralement maison d'homme en bambara). Alors commença une franche et fraternelle causerie. Nous parlâmes de tout et de rien, du doux et de l'aigre. Je lui racontai tout ce que je fis durant mes années passées à l'étranger. Lui aussi fit pareil en me dévoilant tout ce qui s'était passé en mon absence. Nous avions tellement de choses à nous dire que nous ne vîmes pas le temps passer.
Soudain, tante Setou nous appela pour le déjeuner. Contrairement au village où les hommes mangent ensemble, les femmes aussi, ici nous étions tous entourés autour du même plat.
Chacun se lava les mains en commençant par tonton Drissa puis tantie Setou et ensuite nous autres.* (En fait généralement en Afrique et en particulier au Mali, ça se passe ainsi avant de commencer un repas et toujours suivant un ordre décroissant d'âge).
Tout le monde s'installa alors sur la natte en tissu autour du plat. Tonton Drissa prononça : « Bismillah »* (une formule dans la religion musulmane qui signifie "au nom d'Allah" et invoquée pour chasser le satan. Elle est aussi utilisée comme formule de salutation ou de bienvenue) et commença. Nous autres fîmes pareil et le suivîmes.* (Toujours est-il que c'est le même principe qu'expliqué ci-haut, toujours en suivant le même ordre).Au cours du repas, les jumelles commencèrent à me bombarder de questions. (Au village il est strictement interdit de parler lorsqu'on mange, cela est considéré comme un manque de respect à la nourriture).
- Binta: Grand frère, c'était comment ton voyage ? Tu n'es pas trop fatigué, j'espère.
- Moi: Si, si, mais ça va, je suis bien arrivé Dieu merci. Je me reposerai après et ça devrait aller.
- Kadidia: Grand frère, tu étais bien au Sénégal non ?
- Moi: Oui petite sœur, en effet.
- Kadidia : Tu faisais quoi comme études ? Papa m'a dit que tu avais eu une bourse d'études. C'est chouette ça !
- Moi : Oui effectivement, frangine. Quand j'eus mon Diplôme d'Etudes Fondamentales (DEF), tonton Drissa me proposa de venir ici vu qu'il n'y a pas de lycée au village. Ainsi, j'ai fait le même lycée que Zoumana. Et après le baccalauréat, une bourse m'a été octroyée par le gouvernement pour poursuivre mes études au Sénégal où je fis de la médecine.
- Tantie Setou : Adama est fatigué. Laissez-le profiter du repas, il n'arrive même plus à manger avec vos questions incessantes.
J'eus alors le temps de vraiment savourer le plat de tantie Setou. Quant à tonton Drissa et Zoumana, les deux virils de la maison, ils ne parlaient point. Cela sûrement à cause de l'onctuosité et de la palatabilité du repas de tantie Setou. Il faut dire que tantie Setou n'avait pas du tout perdu la main, un cuistot en herbe. Sans avoir fait de la chimie, elle savait combiner les ingrédients en sa manière, mettre la quantité exacte qu'il fallait pour offrir un plat amplement succulent et cela tout le temps.
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Le retour au bercail
Aventura"Le retour au bercail" retrace l'histoire d'un jeune garçon malien, du nom d'Adama, qui retourne dans son village natal après de longues années passées à l'étranger pour ses études. De son voyage de l'étranger, passant par Bamako et jusqu'à chez lui...