Le soir où tout a basculé - Partie 1

270 20 13
                                    

Une fois arrivé dans la concession familiale, je partis aussitôt prendre un bain, un bain aussi revigorant que relaxant. L'odeur du savon m'enveloppait, un effet vivifiant se dégageant par mes pores, me soulageait amplement.
Mais toujours est-il que je ne cessai de ressasser tout ce qui m'était arrivé tout au long. Je rassemblai tous les morceaux en puzzle. Chaque instant -me dis-je au tréfonds de moi-même-, peut être décisif. Mon destin en dépendait et cela allait de soi.

Après ce débarbouillage, je rejoignis mes aînés qui m'attendaient pour le dîner. Je cachai bien mon jeu. Personne n'avait cerné ma cachoterie ou du moins personne ne m'en avait parlé. Je ne pus vraiment manger à ma faim car l'appétit n'était pas au rendez-vous.

Il était dix neuf heures, exactement dix neuf heures quarante minutes -indiquait la petite montre noire que je portais sur mon poignet- quand j'ai fini de manger. Je m'en rappelle bien et je pense que je m'en rappellerai toujours car durant cette soirée, je devais parler en tête à tête avec Kadi, chose que je n'avais plus fait depuis belle lurette. La soirée, cette fameuse soirée devait commencer à vingt heures.

À grands pas je courus m'apprêter, me parer tout heureux, le sourire aux lèvres car je devais voir ce soir Kadi. Oui je devais voir Kadi! Mais pour être honnête, je fus subitement embarrassé. Pourquoi? A cause de mes deux côtés qui se chamaillaient -comme toujours- en moi :
Le côté pessimiste chuchota à mon oreillette gauche : Pourquoi te fais-tu chier à faire tout ça pour au final être déçu. Les signes le montrent tous sans exception. Ouvre tes yeux bon sang!
C'est alors en voulant céder que mon côté le plus optimiste surgit à son tour, exclamant dans mon oreillette droite : Je ne te savais pas aussi couard! Certes les signes aiguillent certains codes sur ton avenir mais ce n'est pas en restant ici à te morfondre que tu parviendras à les déchiffrer. Sois réaliste et va assumer ton destin avec témérité!
Je n'avais besoin que de ça. Je regardai ma montre, il était déjà dix-neuf heures cinquante minutes. Il ne me restait plus que dix minutes pour être prêt. J'augmentai alors de vitesse.

Mon accoutrement de ce soir-là, oui de ce soir-là était simple, vraiment simple car ça c'est Kadi qui le voulait, elle aimait la simplicité. Je portais une chemise bleu ciel braillée dans un pantalon noir, la même montre jadis au poignet, le tout accompagné d'un mocassin noir que j'avais ramené de mon voyage et dont la brillance se faisait remarquer même dans le noir. Je me parfumais bien, très bien même car ça c'est Kadi qui le voulait, elle aimait bien les bonnes odeurs.
Frais et dispos, me sentai-je en me regardant au petit miroir accroché au mur de ma chambre ! Paré à affronter mon destin, me dis-je en soupirant !

De quelques pas, je rejoignis mes acolytes -Bouba le fils du chef de village, le plus costaud mais pas le plus vif en esprit; Mamadou, notre botaniste, le fameux «tomatier» et enfin Adama, mon alter ego-, qui m'attendaient -eux aussi bien parés- devant l'entrée de ma maisonnée. Nous nous ébranlâmes jusqu'à la grande place du village où tout le monde était déjà en place sous la lumière propulsée par quatre lampadaires situés aux quatre recoins de ladite place.
Nous formions un grand cercle de danse, laquelle était fermée par le DJ et son arsenal composé d'un ordinateur, posée sur sa table de mixage, de micros, de hauts parleurs et tout le nécessaire pour bien animer un show. Le nôtre était animé par DJ Sa, «le serpent». Qui au village pouvait prétendre ne pas connaître DJ Sa, cet incontournable DJ qui faisait danser même les plus timides. Il faisait des tournées de villages en villages, de villes en villes. Autant dire qu'il s'épanouissait bien dans son métier.

Merde j'allais oublier! Heureusement que je m'en suis rappelé, heureusement... Alors c'est quoi ce show ? On l'appelle chez nous -au Mali- le «balani show». C'est une soirée dansante à ciel ouvert, d'accès gratuits et animée par un DJ comme jadis.
Le procédé est simple : un groupe de jeunes fait appel à un DJ qui déploie son arsenal dans la rue, sur un terrain ou une grande place, en l'occurrence notre cas. C'est fou ce show : pas besoin d'autorisation auprès des autorités et les voisins sont de gré ou de force privés de leur quiétude. C'est vraiment fou ce show : l'ambiance est au zénith du début jusqu'à la fin. Les jeunes garçons déploient toutes leurs énergies pour des danses battles* (confrontation de danse ou d'acrobaties entre différents groupes); quant aux jeunes filles, elles rivalisent sur des pas de danse de Shakira ou encore de Rihanna.
Je m'emballe là! Bref fermons cette parenthèse...
Où en étions-nous déjà!? Oui à notre arrivée...

Le retour au bercailOù les histoires vivent. Découvrez maintenant