Chapitre 2 {𝘗𝘢𝘳𝘵𝘪𝘦 𝘜𝘯𝘦}

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« Une cuillère pour maman... »

Ma fille ouvrit sa petite bouche aussi grand qu'elle le pouvait et j'y engouffrai une cuillerée de sa purée. Alors que j'essuyais ses joues, mon téléphone se mit à sonner. Je le saisis rapidement, le portant à mon oreille en même temps que je donnais une deuxième portion de purée à mon bébé.

« Allô ? »

« Hey la sœur ! »

Un large sourire se dessina sur mon visage.

« Coucou Bryan. Comment ça se passe dans le Colorado ? »

« Bien écoute ! Et toi dans la Grosse Pomme, pas trop dure la vie ?

« Disons que je me débrouille. »

Un soupir retentît à l'autre bout du combiné.

« Je pense toujours que tu devrais en parler à ce type qui t'a mise en cloque. »

« Bryan ! » criai-je, furieuse.

Ma fille me regarda avec des yeux larmoyants. Je la pris doucement dans mes bras, calant mon téléphone entre mon épaule et mon oreille.

« Je suis désolée ma puce, c'est rien ne t'inquiète pas... » Tout en lui donnant sa tétine, je reportai mon attention sur mon frère. « Premièrement : je t'ai déjà dis que je ne pouvais pas le faire. Il me détesterait non seulement parce que je ne lui ai pas dis, mais aussi parce qu'on se connait à peine. Deuxièmement : je déteste que tu parles de cette manière de ma fille. Elle n'est pas un problème dans ma vie, contrairement à ce que tu insinues. Et, troisièmement : on ne dit pas "mettre en cloque", c'est très vulgaire. »

« Phoebe... » souffla-t-il.

« Non Bryan. James avait raison, tu n'es qu'un gosse. »

Sur ces mots, je raccrochai sèchement. Un soupir triste dépassa la barrière de mes lèvres, j'embrassai la joue de mon bébé. Autrefois j'étais extrêmement proche de mon frère, grâce au fait qu'il était le plus jeune avant moi. Nous n'avions que trois ans d'écart, donc nous passions la majorité de notre temps à jouer ensembles autrefois. Seulement, il a été le seul à ne pas vraiment accepter le fait que je tombe enceinte. Sans doute car cela creusait un fossé entre nous. Mes autres frères avaient tous trouvé un travail et commencé une vie adulte, tandis que lui et moi continuions soit nos études soit nos voyages. Le fait que Dylan "me mette en cloque" comme il disait, m'avait faite devenir beaucoup plus raisonnable. Il n'avait pas compris ma décision de garder ma fille. Résultat, depuis sa naissance, nous nous disputions sans arrêt pour un oui ou pour un non. D'après lui, mon bébé était seulement quelque chose d'encombrant qui m'empêchait de vivre pleinement ma vie. Il ne comprenait pas à quel point elle était précieuse pour moi. C'était ma princesse, mon ange, mon trésor, jamais de la vie je ne reviendrais en arrière, même pour un milliard de dollars.

Je couchai ma fille dans son lit afin qu'elle puisse faire sa sieste, puis entreprît de nettoyer un tant soit peu mon appartement. Je comprenais à présent pourquoi ma mère était si maniaque lorsque j'étais enfant ; depuis que j'avais eu mon bébé j'avais toujours peur qu'elle ne tombe malade, alors je passais mon temps à nettoyer. J'avais même appris à cuisiner moi-même ses purées bio plutôt que de prendre des petits pots tous faits afin d'éviter la moindre intoxication alimentaire. Du grand n'importe quoi, dirait Bryan. Légèrement excessif, déclarerait Aaron. Un peu étrange, commenterait James. Pas trop surprenant venant d'une future médecin, lancerait Logan. Totalement normal, répliquerait ma mère. Oui, ma famille avait toujours des avis mitigés concernant ma personne.

Au bout de deux heures à passer ma maison au chiffon et à l'eau de javel du sol au plafond, ma fille se réveilla enfin, je la changeai et l'installai dans sa poussette. J'avais décidé d'aller faire mes courses au supermarché en face de la Columbia University car il était plus grand que celui au coin de ma rue. Et comme c'était proche de chez moi, autant faire le trajet à pieds et en profiter pour promener un peu mon bébé. J'arrivai assez rapidement là-bas. Commençant à parcourir les rayons, je cochais au fur et à mesure les choses que j'avais notées sur ma liste de courses. Il n'y avait pas trop de monde, la plupart des gens étaient chez eux ou en ville pour regarder le match de football d'aujourd'hui. Cela me permettait de circuler tranquillement entre les allées. Ma fille prononçait tout un tas de paroles indescriptibles qui me faisaient pouffer, agitant en même temps ses petits bras au-dessus de sa tête.

Je réfléchissais à ce que j'allais lui préparer cette semaine, consultant les fruits et légumes disposés devant moi par ordre de prix. Je remplis un sachet de pommes rouges, suivis d'un second avec des kiwis. Les oranges étaient trop acides pour elle, je préférais prendre des fruits aux saveurs douces. J'allais rabattre mon choix final sur un petit ravier de poires quand j'entendis mon bébé se mettre à rire joyeusement. Je me retournai vivement, intriguée par cet enthousiasme soudain, quand j'aperçus une silhouette penchée au-dessus de sa poussette. Des cheveux bruns foncés, un grin de beauté visible sur sa joue gauche et un petit nez en trompette. Le sang s'évacua totalement de mon visage lorsqu'une vision de cette même personne penchée sur moi lors d'une soirée bien alcoolisée me revint en mémoire. Je déglutis difficilement et m'approchai.

« Oh salut Phoebe ! » me sourit-il en se redressant.

Il se souvenait donc de mon prénom ?

« Hum, s-salut. » balbutiai-je. « Qu'est-ce que tu fais dans le coin ? »

« Tyler, le président de ma fraternité, m'a demandé d'aller acheter des bières pour le match de ce soir. » Il me désigna le carton de Heineken qu'il tenait dans sa main droite. « Et toi ? Tu es baby-sitter ? » interrogea-t-il avec un regard attendri en direction de ma fille.

« Non, je... C-c'est ma fille. »

Mes mains moites tremblaient, je devais ressembler à une feuille d'automne.

« Ta fille ? » Il avait l'air franchement surpris, mais pas méchamment, juste étonné. « Elle a quel âge ? »

« Neuf mois. » souris-je timidement.

J'espérais que l'angoisse ne se lisait pas sur mon visage. Il y avait peu de chances pour qu'il fasse le calcul dans sa tête pour arriver à la date où nous avions couchés ensembles, mais j'avais tellement peur qu'il ne comprenne qu'un millon de scénario se déroulaient à cet instant même dans ma tête. Satanée imagination.

« Elle est très mignonne en tout cas. Et son père ? »

Ses yeux noisettes se plongèrent dans les miens, me faisant pâlir et rougir en même temps. Mon visage devait être vraiment étrange face à lui.

« I-il ne sait pas qu'il a une fille. En fait... C'était un accident. »

Les remords m'accablèrent aussitôt que j'eus prononcé cette phrase. Elle était tout sauf un accident, du moins je n'aimais pas qu'elle soit considérée comme telle.

« Hum, je ne te juge pas. » répondit-il avec un haussement d'épaules. « Ça ne doit pas être facile pour toi de tout gérer toute seule... »

« Ma mère m'aide beaucoup, mais j'ai énormément à apprendre. Disons que je m'améliore. »

Je tripotais nerveusement ma liste de courses alors qu'il me souriait. Seigneur, je me souvenais à présent pourquoi j'avais craqué avec lui le soir de cette fameuse soirée. Lui et ses fossettes étaient terriblement mignons. Il se pencha à nouveau sur mon bébé, la gratifiant d'un beau sourire.

« Je suis content pour toi en tout cas. Et elle s'appelle comment ? »

« Camélia. »

Camélia O'Brien.

Sa fille. Son portrait craché.

 Son portrait craché

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Young Flower - Dylan O'Brien [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant