CHAPITRE 5

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Les mains posées sur mon ventre arrondi, j'admirais les petits sursauts que ma peau effectuait à chaque coup que ce bébé envoyait. Il était toujours très agité en fin de journée, comme s'il avait besoin de se défouler un peu avant de se rendormir pour la nuit.

J'adorais cette sensation. Ces mouvements de pieds et de mains qui me prouvaient qu'il était toujours là, en vie, et bientôt prêt à pointer le bout de son nez. D'après le docteur Jaeger, j'étais très certainement entrée dans mon neuvième mois de grossesse et il passerait me voir une fois par semaine, pour être certain d'être présent lors de l'accouchement. Il m'avait sauvé la vie, notre vie. Sans lui, je serais certainement morte et mon bébé aussi. Et il avait décidé de me suivre jusqu'au bout, pour m'aider à mener cette grossesse à bien.

J'allais mieux, physiquement parlant. Grâce à l'argent que mes coéquipiers avaient laissé, j'avais eu largement de quoi survivre ces derniers mois. J'avais repris du poids, même si la maigreur était en encore présente. Les antibiotiques avaient été efficaces et la maladie qui m'avait touchée avait comme disparue, du jour au lendemain.

Psychologiquement parlant, j'allais mal. Très mal. Livaï n'était jamais revenu, et sa probable mort me bouffait le cœur, un peu plus chaque jour. J'enchaînais les crises de panique dès que j'y pensais, apeuré par la vie qui m'attendait, sans lui. Je ne savais pas respirer lorsqu'il n'était pas là, je ne savais plus penser correctement, et mon mental flanchait. Certes, l'arrivée de cet enfant était une bénédiction et il serait à jamais une partie de celui que j'aimerais pour toujours. Mais je n'arrivais pas à envisager mon futur sans Livaï. Plus rien n'avait de goût, mon existence entière était devenue fade et grise et j'espérais pouvoir raviver ces couleurs lors de la naissance de ce petit cœur.

Je passais mes journées à découper des morceaux de tissus dans les vêtements de mon époux disparu pour en faire des pyjamas. Savoir qu'il porterait les vêtements de son père me rendait heureuse, et j'étais certaine que Livaï, l'aurait été lui aussi.

J'étais certaine que ce petit bébé m'entendait, alors j'essayais de lui parler le plus possible de son papa, de lui raconter la façon dont il m'avait sauvé la vie, de notre mariage express dans ce bâtiment pourri ou il nous avait simplement demandé de signer un bout de papier qu'on avait même pas pu lire car ni lui, ni moi n'avions jamais eut la chance d'apprendre. Nous avions eut du mal à tenir la plume et je rigolais de bon cœur en y repensant.

Après avoir terminé un énième pyjamas, et plutôt fière du résultat, je me levais péniblement, alourdis par cet énorme ventre qui prenait toute la place. Dans la chambre, je rangeais le minuscule vêtement dans notre armoire, prêt à être porté par l'être qui avait certainement finis par s'endormir, puisque je ne le sentais plus remuer. Six mois s'étaient écoulés depuis son départ, et pourtant son odeur subsistait partout dans cette pièce que l'on partageait depuis trois ans déjà. À chaque fois que j'ouvrais un tiroir, l'amande douce et cette petite touche de thé noir envahissait mes narines, me replongeant dans tous les souvenirs que je partageais avec lui.
Quelques larmes dévalèrent mes joues, incapable de contenir la peine qui m'envahissait en me repassant les images de notre premier baiser.

- FLASHBACK -

- Livaï ? L'interpellais-je alors que je pliais le linge sale avant de le mettre dans la panière.
- Hmm ? Répondit-il simplement, sans lever la tête de la baignoire qu'il frottait énergiquement.

Le tissus qu'il avait attaché dans ses cheveux bougeait au gré de ses gestes, et je me laissais aller à la contemplation, consciente qu'il ne se rendrait compte de rien, la tête plongée dans la céramique blanche.

- Pourquoi tu tiens absolument à ce que je plies le linge sale ?

J'avais horreur de faire ça. J'y voyais aucune utilité puisque de toute manière il serait déplié et malmené lors du nettoyage.

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