CHAPITRE 45

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BELLE

— Permission de récupérer ma dague, caporal-chef ?

Le regard perdu sur la cour d'entraînement qui s'étandait sous la large fenêtre contre laquelle Livaï était appuyé, il ne se retourna pas lorsque j'entrai dans la pièce. Le bataillon avait enfin passé la porte, et il attendait, impatient, que tous rejoignent leur quartier pour les assaillir de questions.

— Refusée.

Tranchant. Sec.

Je ne pouvais pas négocier.

Mon geste l'avait blessé. J'avais été prête à en finir, égoïstement, sans penser une seconde à ce qu'il aurait pu ressentir. Et il m'en voulait. En réalité, même si l'envie de mourir avait prit le dessus sur mon besoin de vivre pour rester près de lui, je savais, à ce moment là, que jamais je ne pourrais m'ôter la vie aussi facilement. Ce geste avait été symbolique, plus qu'autre chose. J'avais ressentis la nécessité de me faire du mal, un besoin urgent de meurtrir ce ventre qui avait probablement tué mon enfant.

Jamais je n'avais voulu le blesser lui.

— Je... hésitais-je en approchant de la fenêtre qui se trouvait à côté de la sienne, ça n'arrivera plus.

Il soupira, et décolla enfin son regard des soldats qui s'affairaient à accompagner les blessés en priorité à l'intérieur. Ses pupilles bleues se posèrent sur moi, détaillant ma silhouette de haut en bas, s'attardant quelques secondes sur mon ventre couvert du pull qu'il m'avait passé la veille.

— Comment pourrais-je en être certain ? Demanda-t-il en posant sa main sur mon ventre.

J'eus un léger spasme, encore douloureuse, même à travers les bandages qui entouraient mon abdomen.

Je déposais ma main sur la sienne et je savais que jamais nos mains ne se réuniraient ici pour ressentir les coups d'un fœtus, car jamais plus, je ne porterais la vie.

— Parce que savoir que je suis responsable de sa mort est la pire chose qu'il aurait pu arriver, et que je ne serai pas confrontée à plus douloureux que cela.

Il soupira, et retira sa main. Comme lassé de devoir supporter mes épisodes dépressifs, il reporta de nouveau son attention sur la cour.
Mon corps se sentait subitement vide de sa présence, en manque de cette main chaude qui s'était posé sur mon ventre. Nous étions tout près, l'un de l'autre, et pourtant il avait imposé une importante distance entre nous.

À quel point m'en voulait-il ?

— Nick est juste un putain de connard qui essaye de te déstabiliser, dit-il après quelques minutes de silence. Il me faisait dos, et ne prit pas la peine de se retourner pour me parler. Je ne sais pas combien de fois je vais devoir te répéter que tu n'es pas responsable de la mort de notre fils. Je crois... que je ne sais plus quoi faire pour que tu m'écoutes.

J'inspirai doucement, pour tenter de contenir l'eau salée qui s'amassait sous mes paupières. Je mordis ma joue intérieure, et pris une position plus droite afin de chasser la tristesse qui fit lentement son bout de chemin vers mon coeur déjà émietté.

Si mon meilleur ami ne me comprenait plus, à quoi pourrais-je me raccrocher pour ne pas ne noyer ? Pour ne pas sombrer au fond de cette eau rougit par le sang de tous les gens dont j'avais causé la mort ? De toutes ces personnes qui auraient pu vivre si elles n'avaient pas croisé mon chemin.

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