CHAPITRE 34

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Assis derrière son bureau, une chemise entièrement déboutonnée sur le dos, dévoilant sa plastique parfaite et dont je raffolais, Livaï avait les yeux rivés sur des documents, les sourcils froncés. Une bonne odeur de thé et de gâteau parvint jusqu'à mes narines, et je fermais les paupières pour inspirer profondément, et me délecter de ses douces effluves qui m'avaient tirée du sommeil.

— Déjà réveillée ? Demanda-t-il, ses pupilles froides posées sur mon corps presque nu, enveloppé dans une épaisse couverture à plumes.
— Hmm, répondis-je en m'étirant, dévoilant ma poitrine parsemée de frissons, que me vaut l'honneur d'avoir la permission de petit déjeuner dans notre chambre ?

Il fuit soudainement mon regard, comme si cette petite attention cachait, en réalité, quelque chose de moins bien agréable. Il referma le dossier sur lequel il planchait, débarrassa le pupitre de toutes les autres feuilles qui le jonchait, et tira le plateau, jusque là placé au bord, au centre de la surface en bois. Il contourna ensuite son bureau, et fit glisser les manches de sa chemise pour s'en défaire.

— Couvre toi, il fait frais.

Il m'enveloppa dans les tissus qui venaient de quitter sa peau, et referma les premiers boutons pour emprisonner sa chaleur corporelle contre moi.

— Alors ? Insistais-je en prenant la main qu'il me tendait pour m'aider à me lever.
— On commence les expériences aujourd'hui.

Je fis la moue, et soupirais exagérément pour lui montrer mon mécontentement. Assise face au large fauteuil en cuir qui lui servait de trône lorsqu'il prenait place derrière son bureau, je croquai dans le gâteau à l'orange qu'il avait apporté jusqu'ici. Si Livaï me permettait de manger dans la chambre, alors qu'il avait horreur de ça et que j'étais capable physiquement et mentalement de me joindre aux autres au sein du réfectoire, c'était simplement pour acheter ma bonne humeur.

Évidemment, ça n'avait pas fonctionné.

— Fais un effort, ça ne durera que quelques heures, tenta-t-il de me convaincre en posant ses paumes sur mes épaules.
— Quelques heures, répétais-je la bouche pleine en postillonnant des petits morceaux de gâteaux sur le bois, puis on devra réitérer demain, et après demain, et...
— Ferme là. Tu termines ta putain de bouche et après tu parles.

Il me contourna, récupéra un chiffon dans le tiroir du bureau et nettoya le bazar que ma cavité buccale avait engendré.

— C'est dégueulasse, Belle, sérieusement, me réprimanda Livaï en arborant ce regard de papa fâché, t'as quel âge pour parler la bouche pleine ?

Je riais doucement derrière ma main, tandis que ce petit remontage de bretelles me rappelait cette époque où je n'étais qu'une petite fille, et lui un adolescent qui ne cessait de me reprendre sur les règles d'hygiènes.

— Ça te fais rire en plus ? S'indigna la fée du logis, les poings posés sur ses hanches, tu mérites vraiment de récurer le château entier toute seule. Tu sais que j'ai horreur qu'on me manque de respect.
— Je riais pas pour ça, petit lutin, le taquinais-je en pinçant sa joue entre mon pouce et mon index, je me souvenais juste de toutes ces fois où tu m'as réprimandée, quand j'étais petite.

Il sourit franchement, et déposa son pouce sur le coin de ma lèvre pour retirer une miette. Son regard s'était adouci, et une petite étincelle de mélancolie y brillait.

— Je donnerais tout pour revivre ces moments. On avait même pas conscience qu'on était heureux. Je veux dire, vraiment heureux.

Sa main remonta doucement vers ma joue, qu'il emprisonna au creux de sa paume. Son sourire éclatant se transforma rapidement en une moue triste, celle qui avait toujours le don de faire louper des battements à mon palpitant, tant le voir dans cet état me rendait triste, moi aussi.

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