Chapitre 3

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"Si je me retrouvais perdu au cœur d'une forêt ; qui me chercherait ? Si j'étais cerné par les loups qui viendrait à mon secours ? Mes parents ? Certainement pas, ils ont la tête remplie  par leur travail. Mes frères, je n'en ai aucun hélas. De la famille, ils sont à l'autre bout du pays. Mes amis, c'est comme s'ils n'étaient plus. Mes compagnons de jeu, ce ne sont que des pseudos en ligne. Moi-même ?... Dieu ?

Que de joyeuses pensées j'écris là à l'aube de cette nouvelle année. Il y en a qui se retournent dans leur lit d'impatience, moi j'épanche ma belle humeur... A quoi bon ?! Je suis juste seul après tout..."

"Jour de grand soleil, légère brise, vertes branches, chaleur parfumée"

Tout est d'abord nébuleux au-dessus de moi. Il me semble que je plane, «je suis juste seul... j'ai écrit ça, je m'en souviens". Peu à peu j'émerge, un bruit de feuilles sous mon corps m'interpelle, je suis en train d'être traîné. J'essaie de me tourner mais je ne produis qu'un plaintif craquement avant d'abandonner. Je n'ai aucune force.

- Ah ! t'es enfin réveillé !

Je reconnais la voix de celui qui m'a rattrapé lors de ma chute de l'arbre. Les évènements me reviennent, je regarde à droite, à gauche, aucun molosse, soupir de soulagement.

- Pourquoi t'as trainé sur cette branche ? L'aube était passée, les loups s'étaient barrés depuis un moment.

Je n'ai donc plus à craindre les monstres aux yeux rouges ?

- C'est quoi ces habits que tu portes ? J'en avais jamais vu, t'es du coin ?

"Étranges questions...". Je porte un tee-shirt bleu, un pantalon gris, mes baskets de ville, tout ce qu'il y a de plus normal. J'ouvre la bouche pour parler mais toussote à la place. Une pierre me rentre dans les côtes, la douleur me tire une plainte.

- Désolé pour le transport, j'avais rien d'autre sous la main que ce truc, je dors dessus parfois. J'ai pas de quoi te faire une potion de soin mais il y a des arbres-soigneurs dans le coin, leur écorce suffira.

Un trou de lumière m'éblouit, un chant d'oiseau passe à mes oreilles.

- J'suis moins doué qu'Esther pour ces choses-là, mais tu devrais te sentir mieux assez vite. On y est !

« Esther ? Je connais ce prénom ! »

Au-dessus de moi, je reconnais à ses fruits verts en boules d'épines un châtaigner.  Soudain, une silhouette bondit, agrippe avec une agilité déconcertante une branche et se hisse comme si ce n'était rien. Elle porte une armure souple en cuir, une épaulette en métal usée habille son côté gauche, l'ensemble est d'un noir griffé par les combats. Son adresse est incroyable. J'aperçois son visage, jeune ; sa peau, bardée de cicatrices. Accroupi quelques mètres au-dessus de moi, il découpe l'écorce avec un couteau, redescend. Nos regards se croisent une fraction de secondes, je frissonne. Une nuit de pleine lune habite ses yeux, ses cheveux bruns dansent au gré de ses gestes vifs. Arrivé en bas, il me tend bien l'écorce cinq secondes avant que je réagisse.

- Ça n'a pas bon goût mais mâche-la, ça va refermer les plaies.

Le goût est affreux et je peine à broyer l'écorce. J'avale ma salive, une étrange sensation chaude me parcourt, je me sens mieux. Je réitère, même sensation, je peux me redresser.

- Voilà qui est mieux non ? Allez, dépêche ! J'ai de la route à faire pour rejoindre Hiribur. T'arrives d'où ? Je connais pas de villages dans le coin.

Je fais "non" de la tête, mille questions me viennent.

- Qui êtes-vous ? Où sommes-nous ?

Il fronce les sourcils, récupère au sol une sorte de hache géante fusionnée avec une lance. Elle le dépasse d'une tête. Le manche comme la lame ont la même texture osseuse, la même couleur que son armure.  Une hallebarde surdimensionnée.

- Tu sais pas où on est ? C'est la Forêt des Lunes. Appelle-moi Mad, je suis Ghoulslayer.

Try Again !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant