Chapitre 3

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Stiles lève un bras pour se passer une main sur le visage. Il est dans l'obscurité, il est au chaud. Mais il se sent mal. Son estomac se révulse lorsque son esprit revient complètement à lui. Il se rappelle vaguement le lycée, l'autre type, ses copains. Il papillonne des yeux mais c'est le noir complet qui l'entoure, il ne voit rien.
L'odeur pourtant, n'est pas de celles qu'il connait. Il y a quelque chose de nouveau, quelque chose qui ne lui dit rien du tout.

- Vas-y doucement.

Stiles écarquille les yeux, cherche l'origine de la voix. Lorsqu'une lumière s'allume dans la pièce, il referme brutalement les yeux, aveuglé. Les muscles de son visage lui sont si douloureux qu'il ne peut retenir un gémissement. Le pire, c'est d'avoir été secouru par cet homme-là en particulier.

- Tu n'as aucun instinct de conservation, toi.

Il essaie à nouveau d'ouvrir ses paupières. La douleur lui irradie les tempes, les pommettes, et même les mâchoires. Il voudrait s'enterrer, disparaître. Ne pas devoir assumer la honte qui le submerge. Derek l'a toujours vu comme un frêle moineau incapable de voler. Aujourd'hui, son avis doit être encore pire.

- Quand on ne fait pas le poids, la meilleure tactique, c'est la fuite.

Stiles l'entend, l'écoute, mais ne comprend pourquoi il lui donne ces conseils. Et puis, il le sait, tout ça. Seulement lui, il n'est pas capable de ça. Il ne peut pas s'écraser. Il préfère encore prendre des coups. Mieux vaut mourir debout, que vivre à genoux.

- Je pense qu'il t'a cassé le nez. Pour le reste, je suppose que tu va survivre. Mais ton père ne te reconnaîtra pas tout de suite.
- Où est-ce qu'on est ?

C'est une sorte de grognement qui lui sort de la gorge. Il ne sait même pas si Derek a compris. Personne ne l'a jamais aidé, pourquoi aujourd'hui les choses ont-elles changé ? Il voudrait comprendre, savoir ce que cet idiot de loup-garou a gagné à lui porter secours.

- Dans ma chambre. J'ai cru qu'il allait te tuer, cette fois. Pourquoi tu l'as frappé ?

"Cette fois" ? Stiles serre les mâchoires une fraction de seconde : la douleur le fait cesser aussitôt. Bon sang, il ne sait pas à quoi il ressemble mais ça ne doit pas être beau à voir.
Quand à Derek ... Comment ça, "cette fois" ? Est-ce qu'il a été témoin d'un autre passage à tabac ? Si c'est le cas, pourquoi ne pas l'avoir aidé avant ?
Stiles n'aime pas ce qu'il ressent à cet instant. Mélange de ressentiment et de reconnaissance involontaire. Derek a vu ce qu'il subissait et n'est pas intervenu avant, alors qu'il en avait les capacités.

- Écoute, je peux calmer ta douleur mais pas guérir tes blessures. Tu dois aller à l'hôpital.

Calmer sa douleur ? Stiles sursaute lorsque l'une de ses mains est prise dans un étau chaud et confortable. Sa souffrance semble s'échapper peu à peu de son corps, le forçant à un soupire de soulagement qu'il ne parvient pas à réprimer. Il voudrait retirer sa main mais n'en n'a pas la force. Alors il profite le plus discrètement possible de ce bien-être que Derek lui procure.
Bon sang, son père va le tuer pour s'être mis dans pareille situation. D'habitude, les crétins de son lycée ne le frappent jamais au visage. Il a pu cacher toutes leurs altercations à son père et ses amis. Aujourd'hui le challenge lui semble bien grand, et lui est trop fatigué pour chercher à se cacher.

- Tu ... T'es ...

Les mots sont trop lourds, dans sa gorge. Il a même du mal à déglutir, pourtant il ne lui semble pas avoir pris un coup ailleurs qu'au visage. Peut-être est-ce simplement lié à son cri de rage ? Ca lui semble peu probable mais il ne se souvient pas exactement de ce qui s'est passé, alors pourquoi pas ?

- Je peux au moins faire ça pour toi.

Stiles voudrait écarquiller les yeux mais encore une fois, la douleur anéantit toute sa volonté. Il se laisse aller contre l'oreiller, toujours allongé alors que Derek tient fermement sa main dans la sienne. Il prend sa douleur, Stiles le sait. Scott a déjà fait ça, pour des animaux de la clinique vétérinaire.
Stiles trouvait ça cool, il ignorait que c'était aussi possible de le faire avec des êtres humains. Il déglutit malgré la douleur et profite de l'accalmie dans son corps, pour se forcer à quelques mots.

- Je ne comprends pas. Pourquoi tu m'as aidé ?
- Je n'ai jamais su comprendre tes idées bizarres. J'ai cru que tu menais une sorte d'expérience sociale, ou que c'était peut-être ta façon de t'entraîner pour devenir moins inutile.

Est-ce pour cette raison, qu'il ne l'a pas aidé avant aujourd'hui ? La théorie, aussi crétine soit-elle, tient debout. Et puis les autres fois, Stiles s'en sortait plutôt bien. Il ne se battait pas, bien-sûr. Il se faisait massacrer, même. Mais jamais il n'avait été écrabouillé comme aujourd'hui. Faut dire qu'il n'avait jamais cherché à frapper Donovan, se contentant de subir sagement le harcèlement et la violence.

- Je les ai entendu menacer de raconter vos secrets. Pourquoi tu subis tout ça ? Il suffirait d'une intervention de Scott pour les calmer définitivement.

Pour qu'il rende leurs suspicions bien réelles, qu'ils se retrouvent assaillis par les médias et ensuite, des scientifiques timbrés qui les enfermeront dans des cages comme des rats de laboratoire ? Plutôt mourir que sacrifier l'intégrité de ses amis.
Mais Stiles n'est pas capable de faire jouer suffisamment ses cordes vocales pour expliquer ses motivations à se faire tabasser régulièrement depuis des semaines. Il ne laisse échapper qu'un grognement douloureux en détournant les yeux, essayant par la même occasion de retirer sa main prisonnière. Derek la serre un peu plus et la rapproche de lui, la posant sur sa cuisse sans cesser son manège.
Stiles ne peut pas prétendre qu'il n'apprécie pas la démarche. Les douleurs dans son visage s'estompent peu à peu et il n'irait pas faire l'affront de dire qu'il aime souffrir. Mais quand même ...

- On est vraiment chez toi ?
- Où voudrais-tu qu'on soit ?

Enfin, sa main est libérée de l'étau qui la maintenait. Stiles la ramène sur son ventre dans un geste lent et pose son oeil valide sur son hôte. Il voit un peu mieux son visage, malgré sa vision réduite par les coups qu'il a reçu. Derek se lève du lit, s'éloigne de quelques pas.

- J'aurais dû intervenir plus tôt, mais tu as toujours des plans complètement absurdes et je n'avais pas envie de faire foirer l'un d'eux en pensant t'aider.
- Toi, m'aider ?
- Stiles, je ne suis pas aussi salaud que tu le crois.
- Laisse-moi rire.

Derek est ce genre de gars qui frappe ses bêtas pour asseoir sa domination sur eux. Stiles est persuadé que blessé, il s'isolerait dans une grotte et interdirait à Isaac, Erica et Boyd de l'approcher jusqu'à ce qu'il guérisse, par peur de subir une mutinerie. Et c'est probablement ce qu'il mériterait.
Mais pourquoi lui être venu en aide, alors qu'ils se côtoient uniquement à cause des loups-garous autour desquels chacun gravite ? Le cerveau de Stiles carbure à plein régime pour canaliser la douleur tout en appréhendant les évènements qui se profilent. Il voudrait pouvoir deviner les choses avant qu'elles n'arrivent, mais il ne peut qu'analyser au fur et à mesure qu'elles se présentent.

- Je suis là, maintenant. Je vais t'aider.
- Je n'ai pas besoin de ton aide, Derek.
- Ce n'est pas par plaisir, si ça peut te réconforter. Scott tient à toi, et j'ai besoin de notre alliance tant que ma meute est aussi faible.

Stiles s'assied dans le lit, sur un large matelas qui pourrait probablement accueillir aisément deux personnes. Il appuie son dos sur la tête de lit et observe tant bien que mal cet étrange loup qui fait les cent pas devant lui.
Ca ne peut pas être Derek, il ne peut pas le croire. Cet homme-là n'est pas celui qu'il a connu quelques années auparavant, et avec lequel il se bat sans cesse. Pourtant, quelque chose dans l'attitude du loup, pousse Stiles à espérer autre chose de sa part, cette fois.

[Sterek] Instinct de survieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant