Cet après-midi-là, nous nous retrouvâmes à côté de ce même piano, dans ce bâtiment où j'aimais beaucoup jouer.
L'acoustique de la pièce était subjuguant.
J'aimais entendre ce son, et j'aimais contrôler la mélodie que je produisais. C'était comme si j'étais maître de la musique.
Je me recoiffai, en proie à une angoisse infernale. Qu'allait-il se passer ? Je me le demandais bien.
Sans un mot (car j'étais encore très timide), je l'invitai à s'asseoir à mes côtés sur le siège du piano. Je l'observai d'un regard discret. Qu'elle était belle... Elle portait un pull gris, et un jean bleu. Rien de plus banal, mais ses légers bijoux dorés qui ornaient son cou et ses mains rendaient sa silhouette unique. L'or dans ses cheveux contrastaient avec le fond sombre de la pièce. Elle avait l'air d'un ange, et pauvre de moi si j'osais dire qu'elle n'en était pas un.
J'aimai tout de suite sa façon de poser ses yeux sur les objets, futilement, comme si elle accordait de l'importance à chaque petite chose qu'elle apercevait du coin de l'œil.
C'était une amoureuse des détails, et cela se reconnaissait entre mille et une façons. Je savais voir ça, et j'étais fier d'avoir réussi à le découvrir en elle. Elle avait cet éclat dans les pupilles qui m'interpellait ; elle avait le plus beau de tous les regards que j'avais croisés. Et j'aurais pu m'y plonger pendant l'éternité, sans jamais me lasser.
Elle tourna son visage vers moi d'un mouvement gracieux et me sourit. Ses yeux clairs formaient un croissant de lune lorsque ses lèvres s'étiraient. Je ne pus m'empêcher d'admirer encore une fois sa beauté.
Cela se voyait qu'elle avait une âme douce, une âme folle, une âme précieuse.
J'espérais que je n'avais pas trop l'air fatigué ou abasourdi. J'espérais que mes yeux n'étaient pas soulignés de ces cercles pourpres, devenus indispensables à mon quotidien.
Je savais que je ressemblais peut-être à un mort-vivant, mais j'espérais qu'elle n'y prêterait pas attention.
Sans un mot, je commençais à jouer.
Doucement, j'entamais cette mélodie que j'avais souvent l'habitude de jouer. J'aimais beaucoup Erik Satie, et je connaissais plusieurs de ses morceaux par cœur. Parfois je m'amusais aussi à créer des paroles, et à les ajouter par-dessus les notes. Mais je ne le fis pas cette fois-ci. Je ne savais pas si j'avais peur qu'elle me juge, ou si j'avais moi-même peur d'être écouté. Je pense que c'était un peu des deux à la fois. Je ne nierai pas le fait que j'étais surpris qu'elle ait aimé ce que je jouais. C'était la première fois que quelqu'un me complimentait autant...
Je fus vite porté par la musique, et je fermais les yeux.
Le morceau se finit.
Je rouvris les yeux, et je me tournai vers elle.
Elle pleurait.
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L'homme au piano
Roman d'amourC'était une amoureuse des détails. Elle avait cet éclat dans les pupilles qui m'interpellait ; elle avait le plus beau de tous les regards que j'avais croisés. Et j'aurais pu m'y plonger pendant l'éternité, sans me lasser.