Contes des Deux Princes [corrigés]

🧵 3 - Blanche Neige

Blanche Neige, conte recueilli par les frères Grimm en 1812.

I - Le vœu de la reine

Il était une fois, dans l'empire Klaeder, le royaume de Sieben qui se trouvait à l'est, de l'autre côté de la grande forêt qui le séparait du royaume d'Aerten. Vingt ans plus tôt, alors que l'impératrice Anja s'apprêtait à accoucher du prince Erling et que la reine d'Aerten attendait elle-aussi un enfant, la souveraine de Sieben vit son ventre s'arrondir. On était alors en hiver et il neigeait depuis plusieurs jours sur le royaume. Ce matin-là, la reine se trouvait dans le jardin, chaudement emmitouflée, et profitait de la fraîcheur tout en brodant un délicat motif sur une petite couverture destinée à son enfant. Un oiseau s'envola soudain, ce qui la fit sursauter, et elle se piqua le doigt avec son aiguille. Une goutte de sang tomba sur la neige immaculée, formant un contraste si vif que la reine en fut séduite.

- Comme j'aimerais que mon enfant ait les lèvres rouges comme le sang et le teint blanc comme la neige ! Je voudrais que ses cheveux soient noirs comme ce corbeau qui vient de s'envoler, et que ses yeux aient la couleur de ce ciel sans nuage.

Il faut savoir que le sang d'une mère porte une magie très puissante, qui s'empara du vœu de la reine. Quelques semaines plus tard, lorsqu'elle mit au monde son enfant, il était blanc comme la neige, avec de grands yeux limpides comme un matin d'hiver. Enchantée, la reine décida de le prénommer Neige, ce qui lui allait merveilleusement bien.

Le petit prince grandit dans l'amour de ses parents et devint un jeune garçon dont la gentillesse et le courage adoucissaient l'étrange beauté. Ses cheveux d'un noir de jais étaient souvent tressés de fleurs et ses lèvres rouges comme le sang souriaient presque toujours. Le peuple tout entier l'adorait, avec raison. Hélas, alors qu'il n'avait que douze ans, une terrible chute de cheval priva Sieben de sa reine, et Neige de sa mère. Le roi, surtout, fut inconsolable et faillit en perdre la raison. En proie à un terrible chagrin, il se laissa persuader par la sœur de son épouse qui se proposait de l'aider à élever Neige. Cette femme était d'une jalousie épouvantable et avait toujours envié ce que sa sœur avait, mais sans jamais le montrer. En ces temps de deuil, elle sut si bien persuader le roi que celui-ci accepta de lui confier le destin de Neige, sans réaliser ce qu'il faisait.

Au cours des deux années qui suivirent, l'intrigante s'attacha à sécuriser sa place au château. Tant et si bien que, lorsque Neige fêta ses douze ans, elle était sur le point d'obtenir le titre d'héritière du trône. En effet, si jamais le roi venait à mourir, elle était la suivante sur la liste de succession puisque le prince était trop jeune pour régner. Revenu de son chagrin, le roi faisait de son mieux pour élever Neige avec amour et faire de lui un prince qui deviendrait un grand souverain. Et dans l'ombre, sa belle-sœur complotait pour parvenir à prendre sa place.

Ce fut l'affaire de pas grand-chose, un malheureux hasard qui fit basculer le destin du royaume. On était en hiver et le roi prit froid, comme cela arrive à tout le monde. Malade, il fut alité pendant quelques jours et la méchante princesse en profita. Sous couvert de le soigner, elle l'empoisonna si bien qu'il finit par en mourir. Les médecins employèrent des mots compliqués pour désigner le mal qui l'avait emporté, sans jamais se mettre réellement d'accord sur leur diagnostic, mais cela ne changeait rien au chagrin de Neige qui se retrouvait orphelin, et du royaume livré aux désirs d'une femme cruelle et orgueilleuse.

En vérité, cette histoire aurait pu être beaucoup plus tragique pour les habitants de Sieben s'il n'y avait eu le jeune prince. Les caprices de la nouvelle reine commencèrent à vider les caisses du trésor royal mais Neige, du haut de ses douze ans, fit de son mieux pour compenser de son côté. Sur son lit de mort, son père lui avait fait jurer de protéger le royaume, et il comptait bien respecter ce serment en attendant de prendre sa place sur le trône.