Chapitre 10

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Cette nuit, je n'ai pas bien dormi, les images de mon corps immobile, comme cloué, dans le noir repassaient en boucle et en boucle. Et les larmes ont tellement coulés que mes draps doivent avoir un goût salé. « Ne t'en fais pas d'être différente, je le suis moi aussi. », je me suis rappelée de ces mots, car les mots ne s'effacent pas, aussi beaux qu'ils soient. Je comprends mieux maintenant, mais je ne pense pas que le fait qu'il n'arrive pas à contenir ses pulsions fasse de lui quelqu'un de différent. Je pense plutôt que c'est un pauvre type, un tourmenté dont je dois m'éloigner. Ma mère fût surprise, que je l'appelle aussi tard pour lui annoncer ça comme ça. Elle à fait les 250 kilomètres qui séparent New York et Harrisburg, ce qui équivaut à trois heures de route. Elle a senti que c'était grave, si grave qu'elle n'avait d'autre choix de s'empresser de venir me chercher. Jeremy a dit à papa que quelque chose m'était arrivé, et mon père a assez mal réagi. Mais je ne lui ai rien dis, appart le fait que j'ai choisi de partir. « T'as dis que tu ne nous retiendrais pas, non? » Lui ai-je rappelé. Mais j'ai demandé à Jeremy de rester ici, malgré tout. S'il venait, papa serait alors tout seul et ça ne ferait qu'empirer les choses. Lorsque ma mère est arrivée, elle m'a évidemment questionné sur la raison de mon choix mais je ne lui ai rien dis, à elle non plus. Enfaite, je ne comptait le dire à personne. Et s'ils disaient que c'était de ma faute? Et s'ils ne me croyaient pas? Je ne dirais pas un mot.

Alors que mes yeux étaient fermés, j'ai ressenti une main me toucher le bras et j'ai sursauté de manière agressive. Ma mère - qui voulait me signaler que nous étions arrivés - a alors compris. Elle m'a regardé d'un air abattu l'instant de quelques secondes et nous somme rentrés. J'ai déposé mes affaires et nous sommes allés manger. À table, elle a enfin amorcé le sujet :

- Sophy, qui t'as fais ça? Me demanda t-elle d'un ton compatissant.

Je n'ai rien dis.

- Sophy je suis ta mère, je dois t'aider à traverser ça, alors tu dois me dire qui t'as fais ça et me raconter ce qu'il s'est passé.

Mais je ne voulais pas en parler, ça m'a coupé l'appétit. J'ai quitté la table silencieusement et je suis allée dans la chambre qui était maintenant la mienne. Là où je pourrai être triste comme je le veux, à 250 kilomètres de ma tristesse habituelle. Mais la différence c'est que maintenant je n'ai plus besoin d'inventer de quelconques scénarios, il suffit que je ferme les yeux et les larmes viennent seule. Le Docteur Brown dit toujours que la peur ne se dresse pas sur le chemin de ceux qui ont espoir. J'aimerais avoir espoir qu'un jour, je puisse redevenir celle que j'étais, celle que j'ai été, mais je ne serai plus jamais la même. Et en parlant du Docteur Brown, je ne le reverrai plus jamais. Je ne veux pas reprendre les thérapies que je suivais ici, plus jamais. Je suis parti en laissant derrière toute ma vie et toute une partie de moi, qu'on m'a volé, et même si ce n'était qu'une partie, j'ai l'impression d'avoir tout perdu, je n'ai plus rien, je ne ressens plus rien.

Alors que je me réfugiais dans la désolation, je senti mon indispensable vibrer. C'était Julianna (July) qui m'appelait à l'heure du dîner pour me demander où j'étais.

- Ouais, non attend c'est c'que j'fais, gardez la place. Entendis-je sa voix, loin de son micro dire aux autres.

- Allô ? Sophy, t'es où ?

Ce fut la première fois que je souri, depuis hier. Un petit sourir, de rien du tout. Entendre sa voix fut pour moi comme une délivrance mais aussi une source de culpabilité. J'étais partie, en ne pensant qu'à moi.

- Sophy ?

Je pleurais, de petites larmes, de rien du tout. je ne sais pas vraiment pourquoi. July qui entendit mes gémissements, compris que quelque chose n'allait pas. Elle savait que je pleurais souvent, mais par je ne sais quel moyen, elle su voir ma peine à travers ma voix.

- Sophy ? Qu'est-ce qu'il ne va pas ?? Dis-telle, d'un air paniqué.

- Il... Il m'a, dis-je en gémissant entre chaque mot.

Puis, le déluge. Mes petites larmes de rien du tout se sont transformées en un océan impétueux, rempli d'amertume.

- Il ?? Qui ?? Ton père ?? Non... Anthony ???

Je ne lui ai pas confirmé, je n'en ai pas eu besoin.

- Qu'est-ce qu'il t'as fais ?? Sophy, attend moi je viens te voir maintenant.

Elle fut bouche bée lorsque je lui ai dis que nous étions à 250 km l'une de l'autre, et que je ne comptais pas revenir. Ce qui m'effrayait le plus dans le fait de lui dire, c'était qu'elle se sente coupable, car c'est elle qui m'a encouragé à y aller et à croire au supplice que représente l'amour. Mais j'ai finis par lui dire, et elle a fondue en larme alors que des dizaines d'adolescents aux regards méprisants allaient et venaient à ses deux côtés, en plein milieu du couloir. Mais July n'est pas du genre à se soucier de ce genre de choses, elle ne pleure pas souvent, mais quand elle pleure, elle n'a pas besoin d'être dans sa chambre. Mais ceci étant dis, July a dit que ce n'était pas de ma faute et que je ne devrais pas en rester là, qu'il fallait qu'il paie pour ses actes. Je n'avais jamais vu la chose comme ça, pour moi, il était dénoué de sens de penser que je devrais chercher à le faire payer. Je n'arrivais même pas à m'enlever de la tête l'idée que c'était peut-être moi qui l'ai cherché, en ayant de trop grandes expectatives, je ne souhaitais que m'éloigner, fuir. Mais maintenant, que devrais-je faire ? July m'a dit de prendre mon temps, tout le temps qu'il me faudra, et de revenir pour en découdre. Alors c'est ce que je ferai, mais je ne sais pas si j'en serai capable, je ne sais pas si je suis assez forte pour me battre. Mais elle m'a aussi dit que je devais impérativement en parler à ma famille car ils devaient savoir et qu'ils m'aideraient à traverser cette impasse. Je suis encore moins confiante à cette idée, mais je le ferai, je trouverai le courage de le faire.

J'ai dis que ce ne serait pas une histoire dépressive, et je ne changerai pas mon point. Peut-être est-ce parce que je veux fuir la réalité des événements, parce que je ne pense pas que c'en soit une ou tout simplement parce que je ne veux pas donner raison à Jeremy. Et en parlant de lui, je me demande comment est-ce qu'il vit mon départ. Il ne voulait pas que je parte, pas seule. Et surtout, il était très énervé que je ne partage pas ce que j'ai vécu avec lui. « Tu vas partir comme ça ? En me laissant, sans rien me dire ? ». Il a aussi dit que j'étais égoïste - comme lorsqu'il voulait aussi être personnage principal - et il n'a pas tort. Mais la raison majeure pour laquelle je ne veux pas que Jeremy l'apprenne, c'est que je ne peux pas prédire ce qu'il fera ensuite, en connaissance du coupable et de son geste. Mais une chose est sûre, c'est qu'il ne resterait pas les bras croisés, à attendre que justice soit faite. Jeremy, lui est du genre à agir sans trop réfléchir, comme avec les cup cake, mais là on ne parle pas de gâteaux. Il ferait sûrement quelque chose de regrettable et malencontreux, je ne veux pas que ça arrive, mais je finirai par lui dire. En attendant, je dois réfléchir à ce que je dois faire maintenant, pour aller mieux, pour ne plus y penser dès que je repose mes paupières. Pour le reste, je vais prendre mon temps, tout le temps qu'il me faudra.

Jours de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant