IX - Amertume (1/2)

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Le thé tiède, il fixait le vide avec amertume.
Cela n'avait étrangement rien à voir avec celle qui persistait au fond de sa gorge à cause de sa boisson qui avait trop infusé. À observer ce liquide presque noir, on devinait déjà un goût ragoûtant, trop prononcé. Lui qui, pourtant, dosait à la perfection et à la température près chacune de ses boissons aromatique, il l'avait comme oublié durant de longues minutes.
L'échec tournant en boucle dans sa tête était bien plus intense que le goût horriblement amer de son thé. Il le sirotait avec lenteur. Chaque gorgée était un supplice.
Long et tortueux. Il s'écoulait avec lenteur dans la trachée comme le pire des poisons qui soit. Il laissait à son passage une sensation désagréable.
À chaque fois qu'il portait la tasse à ses lèvres, il espérait que cela lui soit fatal. L'idée lui semblait déjà bien plus alléchante plutôt que d'accepter d'avoir vu son rêve voler en éclat devant ses yeux, massacré par un foutu jury qui n'avait rien pipé à ce qu'il disait. Il n'avait pas pu expliquer grand chose en fait, maintenant qu'il y pensait.

Putain.

Vraiment ? Il était réellement en train de vivre ça ?
Ça lui semblait irréel, il nageait en plein cauchemar.
Merde ! Il aurait juré péter un câble, foutre des tartes à l'autre cruche et ses petits airs maniérés et supérieurs, lorsqu'elle avait démonté peu à peu tout son travail. Pourtant, il avait la désagréable impression de n'avoir rien fait, rien dit, pour ensuite s'en aller en traînant des pieds, pour se terrer dans un bar miteux. Assis, las sur sa chaise il était juste bon à tirer une tête de six mètres de long, en laissant dépérir ce thé bon marché et dégueulasse, qu'il avait payé bien trop cher.
La pire de ses hontes était qu'il n'osait même plus répondre à son téléphone, alors qu'il le sentait vibrer dans sa poche depuis de longues minutes. Tout le monde, ses amis, sa mère son oncle, savaient à quelle heure il terminait et c'était il y a bien longtemps déjà, ils attendaient tous de ses nouvelles. Cela comptait sans doute autant pour eux que pour lui. Il aurait aimé en rire si seulement il en avait eu le coeur. Mais répondre pour leur dire quoi de toute façon ? Il avait trop peur de leur réaction, peur de la déception qui se grefferait à leurs voix douces, peu à peu écorchées de tristesse. Elles se voudraient rassurantes, compatissante et sans doute essaieraient ils de le consoler à leur manière ? De façon certes maladroite et pleine d'une empathie qu'il ne désirait pas. Livaï le savait, cette intonation qu'il redoutait tant se grefferait dans son coeur comme un véritable poignard. Son esprit était trop amoché pour le supporter, c'était juste que... il ne voulait pas les décevoir, voilà tout. Déjà, se décevoir lui même était suffisamment lourd à supporter. Son égo en avait prit un sérieux coup,  et maintenant il se devait de ravaler son orgueil pour enfin admettre ce qu'il reniait avec tant d'ardeur. Et avant de pouvoir affronter ça avec un peu d'assurance, il avait juste besoin de temps pour digérer cette journée éprouvante aussi difficilement qu'il le pouvait. Il prendrait son temps, même si cela devait revenir à disparaître une semaine entière, partir dans un autre pays pour tout recommencer, se faire oublier, et peut être revenir un beau jour, quand il ne sentirai plus si honteux.

Non... Il se ravisa immédiatement de cette pensée foireuse. La fuite n'était pas la solution, et cela ne lui ressemblait de toute façon pas de prendre la poudre d'escampette à la moindre contrariété. Bien qu'il admettait y avoir songé, juste un instant. Mais avec une chose qui lui tenait tant à coeur, c'était définitivement assez différent de tout ce qu'il avait pu connaître jusqu'ici, lui à qui le succès avait toujours souri. C'était un combattant, un véritable guerrier qui se battait jusqu'au bout dans tout ce qu'il entreprenait, et son travail acharné et consciencieux avait souvent porté ses fruits. Alors pourquoi ? Pourquoi là, maintenant il avait foiré ce putain d'oral pour entrer dans cette école qui le faisait baver depuis qu'il savait tenir un crayon ?!

Merde quoi! Il avait fait passé ses travaux avant tout, y consacrant des nuits blanches, luttant contre ses yeux se couvrant de sommeil lorsque l'insomnie l'avait enfin quitté. Il s'était acharné encore et encore, recouvrant des pages entières d'idées et de concepts plus originaux les uns que les autres, jusqu'à parfois en oublier de manger lorsque ce n'était pas sa mère qui le rappelait à l'ordre. Putain, ça faisait des mois qu'il n'avait pas vu certain de ses amis tant il était obnubilé par la qualité de ses rendus et de ses connaissances pour cet examen ! Et pour le peu qu'il avait vu et bien... Il se demandait quand est ce qu'il avait été de bonne humeur ou avait eu l'esprit tranquille par rapport à toute la pression qu'il se mettait.
La réponse lui paraissait évidente : pas une fois.

Shingeki No Kyojin : Recueil OS | Livaï x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant