Les seigneurs de Malte Tome 2

9. May

La fraîcheur de la nuit m'accompagne, étant témoin de plusieurs de mes soupirs. Un pas devant l'autre, je suis perdue dans mes pensées lorsque je marche doucement pour rentrer chez moi. J'ai renvoyé la voiture et j'ai décidé de rentrer à pied car j'avais besoin de me vider la tête et la fraîcheur du vent qui me frappe au visage alors que je tente de mettre mes idées à plat me fait réaliser que c'était une excellente idée.

J'étais dans un bar avec Riven. Nous avons pris quelques verres et nous avons ri ensemble avant qu'il ne m'explique que je devais trouver un moyen d'accélérer les choses avec Alessandro Maltese car Anita commencerait déjà à s'impatienter et faire pression. C'est sûrement parce que je n'ai pas pris un seul de ses appels depuis une semaine. Je me doutais bien qu'elle allait commencer à jouer les casse-pieds alors que ce n'est pas elle qui est venue. Ce n'est pas elle qui risque sa peau en se frottant à un type dangereux.

Lorsque Riven me l'a dit, j'ai senti l'expression de mon visage changer. Je suppose qu'il savait ce que ça me ferait et que c'est certainement pour cette raison qu'il a attendu le moment qui lui semblait plus propice pour me le dire. Mais j'ai l'impression que mon expression après cette annonce était peut-être un peu plus poussée que je ne le ressentais réellement puisqu'il m'a demandé si tout allait bien. J'ai répondu que oui, sans conviction. Qu'allais-je lui dire ? Je ne sais pas puisque je ne sais pas encore ce que je dois me dire à moi-même. C'est bien pour ça que je suis en train de marcher, pour trouver quelque chose à me dire.

Des images de mon dîner avec Alessandro me reviennent à l'esprit. C'était amusant. Je n'ai presque pas eu besoin de jouer un rôle. C'est étrange mais j'ai tout simplement eu l'impression que mon caractère naturel était celui qui lui allait le mieux. Ce type est d'une personnalité haute en couleur et il semble ne penser qu'avec son pénis. Il semble néanmoins sombre et redoutable. De plus, il est attirant et j'ai constaté que je ne le laisse pas complètement indifférent. Puis-je me permettre de divaguer un instant sur ses talents d'amant avant de m'admonester scrupuleusement ? Je suis seule avec mes pensées et le voile de la nuit m'entoure alors je crois que je peux me le permettre. Je peux me parler franchement. Il est très séduisant et au premier abord on pourrait croire qu'il n'a pas de suite dans les idées mais je vois bien que c'est ce qu'il veut faire croire. Ce serait comme une sorte de carapace contre le monde extérieur. Etant un mafieux, c'est tout à son honneur d'être un maniaque du contrôle et de choisir de quelle manière il souhaite se présenter au monde.

Le fait de me dire qu'il cache une personnalité peut-être plus sensible et moins marionnettiste pousse ma curiosité et de ce fait, je sens germer en moi, lentement mais sûrement, un élan vers lui que je devine pas très utile pour ma mission.

Peut-être que les choses auraient été beaucoup plus simples s'il ne s'agissait pas de lui. Si c'était l'autre homme, son frère, qui était venu. C'était lui que je m'attendais à rencontrer ici et non pas Alessandro le dangereux séducteur. Ou alors, je n'aurai tout simplement pas dû accepter cette mission. J'aurai dû faire confiance à mon instinct qui me suppliait presque de ne pas venir. Tout le monde disait que ce n'était rien mais ce n'est pas rien. Je ne peux pas être attirée par l'objet de ma mission.

Je souffle alors que j'entends une voiture rouler à mes côtés. Je me tourne vers celle-ci alors que je vois la glace s'abaisser.

Bordel...

Ce n'est vraiment pas le moment ! Ai-je envie de hurler à l'univers.

—Je ne pensais pas que vous étiez fan des balades nocturnes, me dit-il alors avec ce sourire en coin qui ferait gagner des milliards en chiffre d'affaires à Colgate.

—Je ne pensais pas que vous étiez un de ces pervers qui poursuivent les jeunes femmes sans défense, lui dis-je alors.

Comme je l'avais prévu, il me fait suivre. C'est certain. Et je suis sûre qu'il ne s'en cachera pas.