Les seigneurs de Malte Tome 2

5. May

L'organisation a vraiment prévue une putain de villa pour notre séjour à Moscou. Elle est belle et bien aménagée mais je n'ai pas vraiment le temps d'apprécier le mobilier et l'architecture. De toutes manières, je ne resterai pas ici la plupart du temps. Cet endroit sera comme un quartier général tandis que j'aurai probablement une ou deux autres adresses.

J'ai passé les deux derniers jours à faire du sport, du yoga et à assister à des réunions avec mon équipe tout en évitant de casser la gueule de Cassandra vingt-quatre fois par jour, donc une fois par heure. Je sais bien qu'elle aurait voulu y aller à ma place et comme je sais qu'elle n'aurait pas hésité une seconde à coucher avec cet homme le premier soir, il aurait peut-être été plus judicieux que ce soit elle plutôt que moi.

A part le sexe, je ne vois aucun autre moyen rapide de faire plier la volonté d'un homme. On peut citer l'argent et le pouvoir mais il possède déjà tout ce qu'il désire. L'amour n'est pas une option : les mafieux ne font pas dans ce genre-là. Et moi non plus d'ailleurs. Je risque ma peau dans une mission suicide et je ne sais même pas comment opérer. Je ne sais pas si je vais devoir passer énormément de temps avec lui, je ne sais pas si je dois me faire passer pour quelqu'un d'autre dans le sens de changer ma personnalité, je ne sais pas si je vais devoir faire comme s'il me plaît... Je sais par contre que je devrais maîtriser mes excès de colère et ma propension à la violence. Cet homme doit sûrement être un grand sadique qui pense que tout lui appartient et je dois l'empêcher de rejoindre l'autre monde avec un coup pieds bien placé.

Je me sèche les cheveux et me prépare car je vais le rencontrer dans quelques heures. Il a rendez-vous dans un restaurant, notre informateur nous l'a signalé.

J'enferme ma tignasse dans un chignon désintéressé, enfile des lunettes juste pour le fun et prends mon sac.

Je regarde mes faux papiers d'identité et sourit face à l'ironie d'Anita. Je m'appelle Magenta et mes proches m'appellent May ou Mayji et étrangement, sur mon faux permis de conduire mon nom est Mayzie. Si ce n'est pas ridicule.

C'est beaucoup trop évident mais bon, le côté créatif des faux prénoms ne fait pas partie de mes obligations.

J'ai l'impression de m'apprêter à jouer dans une comédie musicale pour adolescents. Mais c'est le boulot.

A nous deux Sir Maltese. Rien de personnel. Ce n'est que du business.

***

Je suis installée à une table dans ledit restaurant et l'homme devrait apparaître dans pas longtemps. Il existe une salle de réunion complètement insonorisée au bout du couloir après la porte arrière et je sais qu'il y est. Il est en réunion avec Illiev et des hommes de Cayson. L'un gère un trafic de pétrole et l'autre revend des services de piratage informatique. Qu'est-ce-que l'un a à voir l'autre ? L'illicite. Je suis curieuse de savoir ce qu'ils mijotent mais en réalité je ne pense pas que ce soit vraiment important. Des réunions de malfrats à Moscou c'est comme le rendez-vous chez le dentiste tous les trois mois : tout ce qu'il y a de plus ordinaire.

L'endroit est entouré par des murs en baies vitrées si bien que toute la lumière du jour rentre dans la pièce. J'observe les rayons de l'astre de lumière qui se reflètent sur les couverts placés harmonieusement sur les tables. Je me perds dans mes pensées et les différentes odeurs de mets qui envahissent l'air détendent mes muscles. Mon angoisse a laissé place à une rage de vaincre. J'ai hâte d'en finir et de retourner récolter les lauriers. Il est onze heures tapantes sur ma montre lorsque j'y jette un coup œil. Je commande un second café en attendant que cet homme sorte de là. Comment suis-je censé l'aborder ? Je n'y ai pas vraiment pensé. Lorsque je le verrai je vais décider. J'ai confiance en mon instinct.