Les seigneurs de Malte Tome 2

Prologue 2.

🎧
Bird set free
Sia
***

Clipped wings
I was a broken thing
Had a voice but i could not sing
***

Alessandro se réveilla et la pièce était peu éclairée. Il lui fallut quelques minutes avant qu'il ne se souvienne de tout. Il repoussa la couverture sous laquelle il transpirait à grosses gouttes. Il souffla tout l'air qu'il ne croyait ne plus jamais sentir dans ses poumons. Il avait failli mourir. Cette fois Sylvano avait presque réussi à le tuer. Il suffisait qu'il cligne des yeux pour que l'espace d'un instant, il puisse se revoir au fond de ce puit dans lequel les hommes de son père l'avaient précipité. Il se leva difficilement de son lit, se dirigea vers la salle de bain et il se regarda dans le miroir. Il se fixa pendant si longtemps qu'il crut voir les fragments de sa personne brisée dans ses yeux. Les larmes lui montèrent et il pleura de tristesse et de colère. Pourquoi diable pleurait-il à chaque fois ? Y avait-il encore quelque chose à pleurer ? Pourquoi Sylvano était-il si cruel ? Quel genre d'humain battait ses fils, les malmenait, les insultait et les précipitait dans un puit en pleine nuit ? De quelle bonne cause se servait-il comme prétexte pour être le diable en personne ? De plus, Alessandro n'avait aucune idée d'où provenait Ricardo avant qu'il ne vienne le trouver dans ce puit. Il avait disparu pendant plus d'une journée. Mais enfin, que se passait-il ici ? Était-ce à cet endroit précis que le créateur testait des versions bêta de l'enfer ?

Alessandro essuya ses larmes vulgairement et retourna dans la chambre en tentant de ravaler ses derniers sanglots. Il se sentait comme une faible petite chose brisée. C'était ce que Sylvano faisait : il brisait ses fils. Il leur privait même de la plus petite imagination d'un monde autre que celui-ci. Il effaçait ce qui pouvait les pousser à s'aventurer sur le terrain de la rêverie et de l'espoir. Tout ce qu'ils connaissent c'était la mort et la violence, se demandant où était réellement la menace, à l'extérieur ou tout simplement entre ces murs. Alessandro avait la sensation d'avoir passé plus de temps à combattre le brisement de son père plutôt que de combattre de vrais ennemis. Le danger était réel et Alessandro l'avait vu et affronté trop de fois déjà. Il avait déjà vu et subi beaucoup plus que certaines personnes durant toute leur vie. Il s'en réjouissait pour eux. Chaque jour en enfer ressemblait à une éternité douloureuse dont on devait abandonner l'espoir de la voir se terminer.

Il prit place au bord du lit et respira un bon coup. Il remarqua un verre d'eau posé sur la table de chevet et en dessous, ce qui semblait être un petit mot. Il se saisit de la petite feuille de papier et la lut :

"Je vais en finir, ce soir. Si jamais je ne reviens pas, tu sais bien tout ce qu'il faut que tu fasse pour te sortir d'ici mais je te promets de revenir te chercher.

Din"

Alessandro lâcha le papier alors qu'un cri s'enterrait dans sa gorge. Son sang ne fit qu'un tour. En finir avec quoi exactement ? Depuis combien de temps était-il parti ? Il se souvint que Ricardo était près de lui lorsqu'il s'était endormi.

Ricardo ne peut pas commettre pareille folie ! Il faut l'en empêcher !

Alessandro fut secoué par de tels spasmes qu'il ne parvenait plus à réfléchir. Il n'était plus qu'un ensemble d'instincts primitifs sur pied. Il entra dans la salle à manger et trouva une vitrine avec des armes. Il brisa la vitre pour prendre un revolver qu'il démonta pièce par pièce afin de pouvoir mettre les pièces détachées dans ses poches. Il deux autres dont un autre qu'il chargea entièrement avant de lui mettre un silencieux. Une fois cette opération terminée, il sortit dans le couloir d'un pas lent mais déterminé à ne pas laisser son frère se faire tuer ou encore se faire repérer ce qui n'allait mener qu'à le faire tuer. Hors de question de le laisser se battre seul contre leur monstre commun. S'il fallait périr, ils périraient ensemble et lors de la même bataille.