8. Lesso

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Je promène mon regard sur tous les objets qui ornent la pièce, les tableaux, les petites statues, les babioles et les diplômes encadrés qui siègent contre le mur. Le feu crépite dans la cheminée en face de ce qui semble être un séjour de taille réduite composé de deux petits canapés en face l'un de l'autre, séparés par une table basse en bois. L'endroit ressemble bien à son propriétaire. Je fixe avec attention un petit vase multicolor en verre soufflé et me concentre dessus. Il est vraiment magnifique. Je l'effleure de mes doigts et me plonge soudainement dans un souvenir lointain. Quelque part sur son éventail de couleurs se trouve une touche de bleu sarcelle semblable à celle du grand vase que Sylvano avait lancé dans ma direction ce jour où je n'avais pas su lui répondre à une question qui m'échappe présentement. Cet homme savait même rendre l'art abominable et chargé de mauvais souvenirs.

—Vous croyez que vous êtes cool mais en vrai vous êtes mal élevé. La couleur exigée était le noir, souffla une voix grave derrière moi.

Je me retourne pour lui faire face et je lui souris légèrement. Il me regarde avec minutie, avisant mon costume rouge bordeaux du regard.

—Je ne suis pas cool je suis un Don de la mafia, dis-je. Et à ma décharge, j'ai passé la nuit avec votre fille, je n'ai pas eu le temps d'aller chercher un costume noir.

Il me dévisage un moment avant que nous n'éclations de rire.

—Je suis heureux de te voir Alessandro, me dit-il en s'approchant pour me faire une accolade.

—Moi de même mon cher Zaïd, lui dis-je en lui rendant le geste.

—Ta réplique n'aurait eu de sens que si j'avais une fille.

Il dit cela en allant vers le bar pour remplir deux verres de scotch.

—Oh mais vu le nombre de femmes que tu t'es tapé, ça se pourrait, je lui réponds en prenant le verre qu'il me tend.

Je le vois froncer légèrement les sourcils, songeur, avant qu'il ne poursuive.

—Si tu trouvais ma fille avant moi, tu coucherais avec elle ?

Je rigole.

—Si tu me pose la question c'est que tu as déjà une partie de la réponse, lui dis-je en lui faisant un clin d'œil mesquin.

—Tu es un sale porc, déclare Zaïd.

—Merci. J'apprécie. Mais je crois que si tu la trouves, tu coucheras avec elle sans savoir que c'est ta fille, lui dis-je.

—Tu crois vraiment que je peux me taper une femme si jeune qu'elle pourrait être ma fille ?

— Je crois que si tu me pose la question alors tu as déjà une partie de la réponse.

Il lève presque les yeux au ciel, exaspéré par la répétition de ma réponse. Puis il me sourit. Je peux voir sur son visage qu'il est heureux de me voir.

Zaïd et moi sommes amis. Je l'ai rencontré lorsque je faisais mes études à l'université. Il était en troisième année lorsque je n'étais qu'en première. Nous nous sommes rencontrés lorsqu'il est venu me faire la peau parce que j'avais brûlé son petit frère au bras et que je lui avais cassé le nez. Zaïd m'a presque détaché la mâchoire ce soir-là. Il était connu dans toute l'université pour être un mec dangereux et moi j'avais frappé son frère. Après m'avoir rué de coups, il m'a soigné et m'a dit que j'avais mérité son respect parce que ça se voyait que je n'avais pas peur de lui. Son petit-frère n'a plus jamais pu me supporter mais Zaïd et moi sommes devenus amis malgré qu'il soit plus vieux que moi de près de dix ans.
Des années plus tard, il avait fini brillement ses études et avait une belle carrière à la douane saoudienne. Lorsqu'il m'a appelé un jour et qu'il m'a raconté qu'il manquait d'adrénaline et d'action dans sa vie, j'en ai fièrement fait un malfrat avec un carnet d'adresse long comme le cou d'une girafe.

Les seigneurs de Malte Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant