Les seigneurs de Malte Tome 2

7. Lesso

Je descends de ma voiture lentement, finissant ma conversation téléphonique avec mon frère. Apparemment Ruggero et Kamirel font leurs dents donc ils pleurent tout le temps et ils le rendent complètement cinglé. Je pouvais entendre le manque de sommeil dans sa voix et c'était hilarant. Ricardo a horreur du bruit alors l'imaginer dans une maison où sa progéniture pleure à chaque heure, ça ne peut que qu'égayer ma journée.

Quand les gens disent que les enfants grandissent trop vite, c'est vrai. Ces deux-là sont à peine nés et ils rendent déjà leur père dingue. Avant que l'on ait eu le temps de dire ouf ils seront déjà à l'université. Ils éveillent en moi un sentiment différent. J'ai l'impression d'avoir des gens à protéger. Je suis heureux de les avoir comme neveux.

Nous devions aussi faire le point sur quelques détails avec les affaires. En ce qui concerne ce qu'il se passe ici en Russie, je ne donne que les détails qui me semblent importants et mes frères ont toute confiance en moi pour gérer la situation. J'apprécie énormément la considération et l'indépendance qui me sont accordées. Ils savent que quand je suis sur un coup, je le mène à bien quoi qu'il arrive. Il peut y avoir deux ou trois dérapages, quelques parties de jambes en l'air en passant mais j'arrive toujours à mes fins. Je suis un aventurier méthodique et mon objectif ne m'échappe que très rarement.

Je pose doucement le pied au sol et d'un geste élégant, je reboutonne ma veste. L'air est légèrement moins froid aujourd'hui que les derniers jours. Je m'avance vers le bâtiment qui ressemble à un énorme trapèze esthétiquement disproportionné. Je prends le temps d'admirer la construction avant de m'avancer vers le hall, mes chaussures à semelles rouges émettant un petit bruit au contact du gravier sur l'allée. Je ne doute pas que j'aurai pu exercer n'importe quel métier de mon choix. J'ai choisi la gestion du patrimoine et les finances mais j'aurai très bien pu être ingénieur ou architecte. Ces types font des trucs de dingue et parfois je me demande s'ils sont vraiment si doués que cela ou alors s'ils s'aident de psychotropes pour imaginer toutes ces formes délirantes de bâtiments. Ils méritent mon respect.

J'arrive dans le hall où je m'annonce au réceptionniste qui me fournit mon pass et m'ouvre la porte vers une espèce de salle de transition qui débouche sur plusieurs couloirs. Je suis les indications qui m'ont été données et je finis par atterrir dans une salle très spacieuse, décorée soigneusement. Il y a une scène à l'avant et des tables dressées.

J'ai été convié à cet événement par un vieil ami de la famille. C'est une vente d'œuvres d'art. Certaines d'entre elles seront même vendues aux enchères. Je sais que plusieurs haut placés de la chaîne criminelle seront présents car ce genre d'événements sont parfaits pour faire des échanges illicites. Le bâtiment est assez grand pour couvrir un certain nombre de transactions discrètes et sans laisser aucune trace. Je le sais parce que ma famille possède plusieurs propriétés comme celle-ci. Et ça rapporte un max de blé.

Je suis venu ici pour rencontrer quelques personnes, serrer quelques mains mais aussi parce que je fais partie des artistes qui vendent leurs œuvres ce soir. Cela me plaît de vendre mes tableaux et que l'argent aille dans divers œuvres de charité. Bien évidemment, le crime n'est pas exclu dans cet endroit mais moi je le fais réellement parce que je le veux alors que certains se servent de ce genre de ventes pour simplement blanchir de l'argent et éviter la traçabilité de leurs business.

Moi j'aime l'art. J'aime dessiner et peindre depuis que je suis petit. J'ai déjà vendu plus d'une centaine d'œuvres et j'en ai encore une bonne quantité pour les accrocher sur des centaines de murs. Je suis comme un dessinateur compulsif. A l'époque, ça a été la seule chose que je parvenais à faire pour laisser mon âme s'exprimer. Je n'ai jamais vraiment eu la touche pour communiquer sur mes émotions mais sur une toile... Sur une toile je suis l'homme le plus bavard du monde.