Chapitre 31 : Le retour inattendu (époque : 2129) (2/3)

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L'infirmier prévient W. Andrews qu'il doit veiller à ne pas s'épuiser avant sa séance de kinésithérapie.

- S'épuiser, lui ? s'esclaffe L. Ballier. Ne savez-vous donc pas à qui vous vous adressez ? Vous n'avez pas un patient classique, oh non ! C'est le « Docteur » ! Le génie de son temps ! Si aucune science, ni physique ni historique n'est parvenu à le fatiguer, ce n'est pas une posture bipède qui le fera, pardi !

En voyant son vieil ami basculer en arrière et se rattraper in extremis au bord de son lit, le Professeur L. Ballier perd immédiatement le sourire.

- Ils m'ont dit que tu t'es raté. Bon sang Bill, que fais-tu ?

La détresse est flagrante dans la voix du Professeur.

- Être ou ne pas être, n'est-ce pas la question ?

- Te prends-tu pour un homme de lettres ? sourit-il. Nous sommes des physiciens. Les expériences de Schrödinger ont depuis longtemps boucler le bec à Shakespeare.

- Haha, les deux états en même temps... disons que je suis en plein dedans.

L. Ballier essuie ses lunettes avant de les replacer sur ses yeux ronds.

- N'importe quel état plutôt que le tiens maintenant !

Il s'assied sur une chaise à proximité et retire son élégante veste, ce qui laisse apparaitre son tatouage en forme de croix inversée en bas du cou.

- Toujours autant impliqué dans la résistance ? demande W. Andrews en relation avec la marque dont il reconnaît le signe de ce qui fut classé comme secte par le rapport gouvernemental.

- Oui, j'ai été nommé Président du Comité il y a quelques années.

- Le Chef de cette grande Famille, commente doucement le convalescent, dont l'origine comme la destination m'ont toujours échappées.

- Qu'importe. Tout ce qui lutte contre ces désastreux « progrès » aura mon assentiment.

William Andrews ne dit mot, mais adhère. Sans les « progrès » en question, il n'y aura pas ces guerres, ces écarts économiques renforcés, ces morts... et plus encore ce qu'il n'y aurait pas, il y aurait bien des choses, comme sa femme.

- Ton père aurait été fier de toi, Laurent.

- Savoir ce qui aurait rendu fier un homme qui a tout perdu est délicat, mais je l'espère.

- Nos pères étaient des hommes complexes.

- Ça... on ne peut leur retirer ! répond-il dans un rire accompagné des expirations de sa cigarette électronique.

- Je te conjure de m'excuser. Je sais que me voir ainsi, ayant intenté les équations du hasard envers ma propre vie... je mesure ce qui se réveille en toi Laurent et ce que ça te coûte.

Il vapote nerveusement en serrant la main de son ami, retenant à chaque inspiration l'écoulement de larmes qui se déversent à l'intérieur de son corps.

- Oui... à toi aussi mon Bill. Je me demande... comment produire cela ? en sachant que d'autres restent derrière nous, en devenant leur fantôme.

Les yeux clairs de William Andrews reflètent la lumière du soleil, et avec, l'expérience de la vie et de la mort. Son regard s'abaisse en direction de la vitre qui lui renvoie l'image d'un grand homme, maigre, aux yeux et joues creusés, l'image d'un autre « Docteur » qu'il reconnaît.

« Memento Mori » se murmure-t-il, en se tournant et faisant face au « Gardien », assis sur le lit d'à côté. « Faut-il tuer ce Gardien avant qu'il nous tue ? ».

- Sans doute que cela advient lorsqu'il n'y a plus rien derrière nous, ou que ce qui se présente est tellement substantiel qu'on ne s'attarde plus à ce qu'on y laisse.

- Si dans la poussière tu croises mère, tu lui demanderas. J'aimerais connaitre sa réponse.

- Si je la croise, je le lui demanderais. Dans l'écume de nos yeux éprouvés, la poussière devient bien plus que du sable.

- Toujours les mots pour mettre l'ambiance. Il regarde autour de lui et poursuit : En même temps, en ces lieux, l'ambiance positive n'est pas la bienvenue ! 

L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 2) [ShortList Watty22... -Edité-]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant