Chapitre 4

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Le temps est passé, vite. Très vite. Ça doit bien faire une semaine que le dernier pensionnaire est arrivé. J'en discute avec Ketya le matin, quand je la vois. C'est un drôle de personnage, mais il n'a pas l'air méchant. Il se lève aux aurores, se couche très tard, peut rester des heures dans sa chambre et ensuite des heures dehors. On ne sait pas ce qu'il fabrique, on ne sait pas ce qu'il fait là. On suppose qu'il a besoin de repos après tout ça, après toute cette misère et ces atrocités. Être ici doit sûrement le dépayser. Et je n'ai pas envie de lui rendre la vie pénible ici.

Un soir, ou plutôt une nuit, j'entends sa porte se fermer assez lentement. Il est minuit, et j'étais en train de relire un livre piqué à la bibliothèque. Je ne l'ai pas vu aujourd'hui, alors pourquoi est-ce qu'il sort à cette heure-ci ? Qu'est-ce qu'il trafique ? Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas parlé en plus. Je décide alors de fermer mon livre et d'ouvrir ma porte. La mission : suivre le blondin vient de s'enclencher dans mon esprit. J'espère ne pas faire trop de bruit... Je mets mes sandales et une veste. Mon caleçon et mon t-shirt me font office de pyjama. J'espère juste que personne ne regarde par la fenêtre à cette heure-ci. Je le suis alors discrètement pendant au moins trente minutes. Il marche. Il marche et il marche encore. Si ça se trouve je suis juste un somnambule. Puis nous voilà à la rivière. La lune est complète, on y voit comme en plein jour, elle se reflète sur l'eau... Ça faisait longtemps que je n'étais pas venu à la rivière.

Je me cache derrière le plus gros arbre et l'observe. Est-ce qu'il vend de la drogue ? Est-ce qu'il fait partie d'une secte ? Il ne m'a pas paru plus bizarre que ça... Juste un type revenant de la guerre. Il enlève son t-shirt troué, lui servant très certainement de pyjama, il enlève ses chaussures, ses chaussettes, son...son short. L'air a beau être frais, j'ai l'impression que mes joues sont en train de bouillir. Je ne devrais pas regarder ça, je devrais partir. Cette scène est réelle, je ne l'imagine pas, elle n'est pas dans un des livres de la section fiction amoureuse ou érotisme. Je devrais partir et m'éloigner. Mais si je pars il me verra et je devrais justifier ma présence... Je ne sais pas pourquoi j'ai été si curieux. Je voulais juste savoir où il allait, pas le voir se mettre... dans son plus simple appareil. Je ne respire même plus, je me suis transformé en ombre, mais je ne peux m'empêcher de regarder. Il enlève finalement son caleçon. Et je me dis que j'ai une certaine chance qu'il soit dos à moi. Et bizarrement, mon regard ne se pose pas sur son postérieur... du moins pas autant de temps que je l'aurais cru. Mon regard se pose dans son dos. Son dos brûlé. Les trois quart de son dos ont une grande brûlure, rejoignant l'arrière de son bras gauche. Bras gauche qu'il enlève d'ailleurs.

Je n'ai même pas remarqué ça. Je l'ai si peu observé ? Ca aurait été mal de l'observer plus que nécessaire. Il a une croix, entre les omoplates. Une croix toute distordu et discontinue à cause de la cicatrice. Et le reste de son bras... Ça a l'air tellement douloureux.

Il finit par mettre un pied dans l'eau qui doit être gelée, puis y plonge le reste de son corps. Un corps d'Apollon, tout droit sorti de l'Olympe. J'ai l'impression qu'il a des abdos sur ses abdos. Comme si c'était possible ! Il plonge, fait des brasses, nage... Comme s'il avait l'habitude, comme un rituel. Peut-être qu'il passe ses journées à la rivière. C'est sûrement pour ça qu'on ne le voit pas pendant plusieurs heures durant la journée. Il nage. Il nage avec un seul bras et il ne coule pas. Je n'arrive même pas à aller plus loin que là où j'ai pied.

Je me rends compte que je peux potentiellement partir et rejoindre mon lit. Faire comme si de rien ne s'était jamais passé. Faire comme si je ne ne l'avais pas vu dans sa tenue la plus intime. Je ne pense pas que beaucoup de personne l'ait vu comme ça, encore moins un homme... Certainement pas moi. Je vais donc pour partir entre les arbres mais au même instant...

"Justelien."

Je l'entends sortir de l'eau. Je suis dos à lui, je ne peux pas le voir. Si seulement il ne m'avait pas vu ! Je n'aurais jamais dû venir ! Est-ce que je joue aux somnambules ? Est-ce que je pars en courant ?

Cet été làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant