"Comme ça c'est toi qui a envoyé la lettre aux Snively ?
– Oui... Je devais bien faire ça pour Jo.
– Nous sommes une maison d'hôte, pas un moulin.
– Elles ne vont pas rester longtemps maman. Elles iront sûrement dormir à l'hôtel en plus de ça...
– Pourquoi t'être emmêler dans des histoires qui ne te concernent pas ? Regarde le pauvre Snively. Il est complètement dépité. Il à l'air d'être retourné à la guerre.
– Je sais qu'il voulait revoir sa famille.
– Tu le connais à peine Justelien.
– Et toi tu ne le connais pas du tout. J'ai passé toutes mes vacances en sa compagnie, tandis que je ne vous ai vu que huit fois depuis le début de l'année papa et toi. Il a été plus présent pour moi durant toute ma vie que vous deux réunis."
Je ne la regarde pas. Je regarde la table qui se trouve sur la terrasse, installée pour les Snively. Effectivement, Jo n'a pas vraiment l'air dans son assiette, mais il ne s'est pas enfui, et il tient la main de sa grande sœur. Je n'entends pas tout, mais elles étaient inquiètes durant ces six derniers mois. Durant ces cinq dernières années en fait. Je prend la bague en rubis dans mes doigts, la frottant contre la peau de ma clavicule... Je suis tellement stressé, je ne sais même pas pourquoi. J'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal.
"Justelien ?
– Qu'y a-t-il ?
– La bague de Joseph Snively. Tu devais nous la donner il y a deux mois.
– Elle ne vous appartient pas.
– Il doit nous payer.
– Je l'ai accueilli comme il se doit. Cette bague me revient."
Carmaline ne dit rien de plus et s'en va. Je ne sais pas où, je ne sais pas pourquoi, mais elle s'en va. Ketya prend alors sa place à mes côtés.
"Tout va bien ?
– Je crois que j'ai un peu peur.
– Pour Joseph ?
– Je n'ai peut-être pas fait la chose à faire. Il doit sûrement me détester.
– Je suis sûre du contraire. Même si son visage ne le laisse pas paraître, il a quand même l'air heureux.
– Je l'ai déjà vu heureux... Il n'est pas comme ça quand il est heureux.
– Comment est-il alors ?
– Il est... Différent."
Un doux silence s'installe, laissant place aux gazouillis des oiseaux et aux bavardages de la famille Snively. Ils parlent, enfin, elles parlent et il répond. Elles disent tout ce qu'il s'est passé même si elles avaient déjà tout dit dans leurs lettres.
"Tu tiens beaucoup à Joseph, n'est-ce pas ?
– Oui... C'est un bon ami.
– Un ami seulement ?
– Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Jo est seulement mon ami."
Elle ne me répond pas mais je vois un geste de Jo qui me dit d'aller le rejoindre. Je tire mes manches sur mes bras, je prends une chaise et je m'installe à côté de lui.
"Merci Juste, d'avoir envoyé cette lettre."
Dit-il en me regardant, souriant. Il me présente à Azèle, sa mère, et Claude, sa sœur. Je me présente à mon tour et on commence à discuter, d'abord de Joseph et de son arrivée ici, puis de tout et de rien. La nuit arrive très vite, ainsi que le froid. On finit la conversation emmitouflés dans des pulls puis elles partent à l'hôtel pour la nuit, laissant Joseph avec moi à la maison, espérant qu'il ne s'enfuit pas. Tout mon stress est parti durant la conversation. Ces femmes sont vraiment des perles. Jo à beaucoup de chances de les avoir dans sa vie. En rentrant dans ma chambre, il m'explique alors qu'il avait horriblement peur de leurs réactions. Ca c'est beaucoup mieux passé que ce qu'il pensait.
"Je rentre Juste. Je rentre chez moi."
Et pour je ne sais quelle raison les larmes me montent aux yeux et ma gorge se sert. Je le prends dans mes bras sans rien dire. Les larmes ne cessent de couler et j'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter de battre. Il a été là pour moi. Je ne sais pas comment je vais vivre la suite de ma vie sans lui.
"Tu le savais Juste... C'est toi qui a envoyé la lettre... C'est toi qui a voulu que je retrouve ma famille... C'était inévitable.
– Je sais... Je ne pensais pas que ça allait faire aussi mal."
Je suis la cause de mon malheur. Mais il fallait bien que ça arrive. On aurait dû être séparés tôt ou tard. Si ça n'avait pas été lui, ça aurait été moi. Il passe sa main dans mes cheveux et je me sens toute suite mieux.
"Juste... Je voulais encore te remercier. Tu m'as permis de penser à autre chose. Je ne sais même plus où j'étais entre le moment où je suis parti de mon camp et le moment où je suis arrivé ici. Quand je t'ai vu, ma vision c'est comme éclairée. Je me suis tout de suite senti mieux en ta présence.
– C'est vrai ?
– Je ne mens pas pour ce genre de chose."
Je continue de le serrer dans mes bras et je n'ai aucune envie de le lâcher. J'ai l'impression qu'il peut s'évaporer à tout moment si je ne suis plus en contact avec lui... Mais je sais que je finis par m'endormir car le lendemain c'est dans mon lit que je me réveille, mais toujours dans ses bras. Je ne l'ai pas lâché de la nuit. Je me suis retrouvé avec plusieurs bleus à cause de ses gestes brusques la nuit. Le matin se fait très silencieux. Je l'aide à faire ses sacs, ranger ses vêtements... Et puis on entend la voiture de sa mère arriver. Il prend son sac, met sa veste sur son épaule et descend... Sa mère et sa sœur l'attendent dans l'entrée. Mes parents ne sont même pas là pour dire au revoir. Seule Ketya est présente, faisant comme si elle devait nettoyer la table. Les larmes me montent une nouvelle fois. Je sais que je n'ai pas forcément plus de chose à dire, mais j'aimerais tellement pouvoir dire quelques mots. Il pose son sac et me prend dans ses bras, une dernière fois. Il m'embrasse sur le front et reprend son sac.
"Ne pleure pas, je t'en prie, Juste.
– C'est compliqué.
– On s'enverra des lettres. Tu as déjà mon adresse. Envoie moi la première lettre, je te répondrais."
Il ouvre son sac et me tend un livre.
"Le collectionneur de baisers ?
– Tu as détruit tous tes bouquins... Prends celui-ci. Je sais que tu l'aimes beaucoup.
– J'ai déjà ta bague je ne vais pas en plus...
– Ce n'était pas une recommandation. Je te le donne. Tu n'as pas le choix."
Je prend alors la couverture bleu entre mes doigts, caresse les bords cornés et admire les pages jaunies.
"Merci Jo..."
Dis-je avant de le voir partir dans la voiture de sa mère et de sa sœur. Ketya s'approche de moi et regarde le livre entre mes mains.
"Le début d'une nouvelle collection ?
– J'ai l'impression."
Même si je connais le livre par coeur, je me prends à l'ouvrir à la toute première page. Un mot est scotché.
Je ne t'oublierais pas. Ces deux mois ont été les plus merveilleux depuis bien des années. Prends soin de toi. On s'écrit. Je t'embrasse.
Jo
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Cet été là
أدب المراهقينCet été là, je l'ai rencontré. Et cet été, là je me suis enfin compris.