Chapitre 5

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Je n'arrive pas à y croire. Je n'arrive pas à y croire. Il lit le même genre de lecture que moi. Et il me l'a dit. Mais est-ce que lui pensait comme moi ? Est-ce qu'il pensait que je ne l'avais pas lu ? Si ça se trouve lui aussi a lu L'amour au masculin comme moi j'ai lu Le collectionneur de baisers. Il a sûrement deviné, il doit sûrement savoir. Ou alors je me fais des films et il n'a jamais lu mon livre, il ne sait pas ce que c'est, et ne le saura jamais. Le titre en dit un peu sur l'histoire mais si on ne s'intéresse pas à ce genre de chose on ne peut pas savoir. Mais lui... lui. C'est lui. C'est un soldat, un homme, qui aime la romance, qui aime ce genre de romance. Comment est-ce que c'est possible ? Je pense qu'il ne l'a pas fini... non, ce n'est pas possible. Il vient de le commencer, et il l'a trouvé dans un rayon au hasard, je ne vois que cette solution. Il doit penser que c'est un livre sur un homme qui aime séduire les femmes... je ne vois que cette solution, sinon il ne l'aurait jamais prit. Pas lui. Je ne pense pas. Il a vécu la guerre, pourquoi lire ce genre d'histoire ? Je suis sûr qu'il arrêtera de lire au bout de la page 20... premier baiser entre deux hommes. En fait, c'était ma première lecture de ce genre. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, je savais juste que je n'avais pas le droit d'aller dans ce rayon. Alors j'ai piqué le livre, et j'ai tout lu en une nuit... Une des meilleures nuits de ma vie. Elle m'a terriblement... éclairée sur certaines choses que je ne pensais même pas réel. Et lui est en train de lire ce livre. Je ne sais pas si je dois trouver ça extraordinaire ou complètement flippant. Les deux je crois.

Il faut que j'arrête d'y penser, sinon ça va me torturer le reste de la nuit. Franchement.... Pour ce qui me reste de nuit. Le jour se lève dans à peine deux heures. Je ne sais pas ce que je dois faire de cette information. En tout cas, il ne faut pas que je la dévoile. Ce ne sont pas des choses qui se disent... J'aimerais savoir où est-ce qu'il en est. Juste pour savoir si ce livre l'a effrayé ou s' il est vraiment intéressé par ce sujet. Après, il n'est sûrement pas comme moi. Peut-être que c'est juste les histoires d'amour qui l'intéresse, pas les personnages. J'émet un doute, mais je préfère ne pas trop me torturer l'esprit...

Mais... qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? Je me mets sur mon bureau, prend une feuille et un stylo et lui marque un petit mot : "Où en es-tu rendu dans le livre ?". Il comprendras. J'ouvre ma porte et glisse le mot sous la sienne avant de retourner dans mon lit et d'essayer de dormir un peu...

Personne ne me réveille. Je me réveille seul avec la lumière du jour qui traverse les lattes de mes volets... Et le bruit des sonnettes de vélos juste dans la rue.

Ketya n'est pas venu, elle a sûrement ses raisons, mais je m'inquiète un peu quand même. Je regarde l'heure sur mon réveil : 15h46 ! Mais, comment est-ce que j'ai pu dormir aussi longtemps ? Pourquoi est-ce que Ketya n'est pas venu me lever ? Si mes parents l'apprennent je vais me faire tuer !

Je me lève, prends la première chemise qui me vient, le short d'hier, mes tongs et descends. Je cherche Ketya partout et finit par la trouver dans le second salon.

"Ketya ! Pourquoi ne m'as-tu pas levé ? Il est presque quatre heures ! Je n'ai jamais autant dormi ! C'est toi qui me lève normalement !

- Eh, oh. Doucement mon grand. Je ne t'ai pas levé car on me l'a demandé."

Dit-elle en continuant de faire la poussière.

"Quoi ? Mais qui te l'a demandé ? Mes parents n'auraient jamais fait ça.

- Et quelle importance ? Tu aurais fait quelque chose de ta journée de toute façon ?"

Et je me tais... Elle a raison. Je n'aurais pas fait grand chose de ma journée. Mais là j'ai la confirmation que je n'ai effectivement rien fait des trois quart de ma journée. Je ne me suis jamais levé aussi tard... Je n'ai pas pris mon petit-déjeuner, je n'ai pas pris mon déjeuner et mon ventre crie famine. Je décide de tourner les talons, annonçant la victoire pour Ketya, et vais dans la salle à manger pour prendre quelques gâteaux. Il n'y a personne à la maison, les filles ont l'air d'être sorties, mes parents sont sûrement partis se tromper l'un l'autre, et je me retrouve seul avec Ketya. Ce qui ne me gêne pas, mais la maison est extrêmement silencieuse. Il faut bien que je fasse quelque chose de ma journée... Je ne vais pas ne rien faire du temps qu'il me reste. Je prend alors la radio, et retourne dans ma chambre. Je vois bien qu'il fait beau et chaud dehors, mais je suis bien dans ma grotte de livres et de rêves interdits il n'y a que là que je peux être moi-même.

J'allume la radio, met la première chaîne de musique et reprend un livre que j'ai lu un milliard de fois. Mais, juste avant d'ouvrir la première page, je vois un mot, à côté de ma porte, au pied de mon lit, que je n'ai pas du remarqué tout à l'heure. Je le prends et regarde. C'est mon mot, avec une réponse : Je suis rendu a la fin. J'aime beaucoup.

Des frissons me parcourent le dos, les bras, les jambes, la nuque, la tête... Bref, partout. Il sait. C'est sûr qu'il sait. Il a deviné je ne sais pas comment, mais il sait et je ne sais pas du tout quoi faire. Je regarde pour la millième fois ce mot, regardant chaque lettre écrite par sa main droite. Des lettres sales, en pattes de mouche, avec une faute, sans accent sur le a, et une jolie courbe pour le f que j'apprécie beaucoup.

Est-ce que je lui réponds sur ce bout de papier ? Qu'est-ce que j'ai à dire de toute façon ? Il aime le livre, je crois que c'est le seul point important de cette journée. La musique qui passe à l'air de tambouriner dans mes oreilles. Je ne sais pas s'il est encore dans sa chambre. Est-ce que lui aussi a dormi jusqu'à si tard ? Je mets le papier dans ma poche et remarque que j'ai toujours la bague en rubis dans cette poche. Je n'y faisais même plus attention. Je prends à ce qui ressemble à une ficelle en cuire et l'accroche autour de mon cou. Je suis sûr de ne pas la perdre comme ça. Finalement je décide d'aller toquer à sa porte, mais pas de réponse. J'entends pourtant de la musique, que je n'avais pas entendu tout à l'heure. La musique est aussi forte que la mienne qui tape dans ma chambre. Je m'autorise alors à ouvrir la porte, mais je la referme tout de suite, m'engouffrant une nouvelle fois dans ma chambre, dans mon lit, sous la couette même s'il fait 28°C. Je viens de voir quelque chose que je n'étais pas censé voir. Je n'aurais jamais dû entrer. Les parents devraient mettre des verrous aux portes des hôtes ! Comment est-ce que je vais m'enlever cette image de la tête ?

Elle était... A quatre pattes, sur le lit, devant lui. Elle était... Au niveau de son bassin et... Oh mon dieu. Il m'a vu, il m'a regardé le temps d'une seconde ! Ça c'est passé si vite. Je l'ai vu, une main dans les cheveux de la fille... et puis il m'a vu, m'a regardé, m'a dévisagé et ne s'est pas arrêté. Ils doivent sûrement continuer en ce moment ! Je n'arrive toujours pas à y croire. Mais qu'est-ce que je viens de voir bon sang ! Si je pouvais je m'arracherai les yeux, ou j'irais avaler de la javel pour mourir lentement ! Mais comment... Mais... J'en peux plus. Il est juste à côté en train de... faire ça, et moi je suis là comme un guignol. Il faut que je parte, et que je ne revienne jamais. J'avais déjà imaginé des scènes comme ça, mais tout était dans ma tête, tout était beaucoup plus doux, plus romantique. Pas aussi bestiale. Mais qu'est-ce que je raconte ? Je ne vais pas m'amuser à analyser leurs ébats quand même ! Je prends mon livre, ma radio et sort. Mes pas me mènent un peu partout dans la ville... Mais je décide de m'arrêter plus loin, à la rivière. Je m'écarte de la population, laissant les autres de mon âge s'amuser à se pousser dans l'eau ou à s'enlever les caleçons pour rire. Je m'écarte jusqu'à juste entendre ma radio et plus leurs jacassements... Mais j'ai toujours les bruits de la blondasse qui tournent en boucle dans ma tête. Je mets la radio encore plus fort et essaie de me plonger dans mon livre... 

Cet été làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant