Chapitre 10

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Alors on est resté amis les semaines qui ont suivies. Mais on n'avait pas perdu notre complicité pour autant. Ça a même renforcé notre lien qui ne s'était établi qu'au début des vacances. Il me racontait tout, ou presque, ce qu'il avait vécu à la guerre. Ce dont il se souvient en tout cas, jusqu'à arriver au moment où ils ont dû lui couper le bras à cause d'un éclat d'obus. puis des gaz qui ont brûlé presque intégralement son dos. Il m'a aussi raconté de nouveau l'histoire de sa petite copine qu'il a rencontrée au front. Elle était infirmière. Et c'est elle qui l'avait soigné pour quasiment toutes ses blessures. Ils sont assez vite tombés amoureux et ont commencé à se voir de plus en plus souvent. Mais le camp ennemi avait pour habitude d'avoir des prisonniers... Elle s'est faite prendre plusieurs mois plus tard, lui laissant seulement une bague, marquant son absence à tout jamais. Ce n'est que plusieurs jours après qu'il a appris qu'elle s'était faite exécuté pour relation avec l'ennemi car elle avait des origines de l'Eoden-Orientale. Il a gardé la bague, celle que je porte autour du cou, un trésor perdu des ancêtres de sa petite amie. J'ai vraiment envie de lui redonner... Mais il m'a dit que ce n'était pas la peine, et qu'il fallait bien tourner la page tôt ou tard. Mais je porte ce souvenir tous les jours autour de mon cou. Je ne lui ai pas rendu, pas encore. On a aussi parlé de son passé, de l'avant guerre entre Kalagar et l'Eoden-Orientale, de sa famille, de sa mère et de sa sœur. Il n'a jamais connu son père, parti avant sa naissance... Et je me suis beaucoup questionné sur le fait qu'il ne retournait pas les voir. Il ne le sait pas vraiment non plus à ce que j'ai pu comprendre. Je pense qu'il a besoin de prendre du temps pour lui, de faire le point, de se retrouver avant de retrouver quiconque. Sa mère, Azèle, et sa sœur Claude sont toutes les deux très aimantes et étaient prêtes à tout pour ne pas qu'il parte. Mais il savait que sa famille avait besoin d'argent. Il s'est engagé, envoyait des lettres à sa famille et recevait les réponses quand il pouvait les lire. Il y en a une tonne dans son sac. En fait, elles sont toutes là. Quand il a ouvert son sac j'ai aussi pu voir des disques, des photos, des bijoux, des vêtements, des balles... Bref, des souvenirs que seul lui peut chérir. Sa mère a alors élevé ses deux enfants toute seule, à la force de ses bras, enchaînant plusieurs petits boulots. Quand Claude en a eu l'occasion, elle a commencé à faire du baby-sitting et à donner des cours particuliers à des enfants du quartier. Puis ça a été au tour de Joseph de faire de son mieux pour subvenir au besoin de sa famille, il a commencé comme ouvrier agricole, puis a fait un peu de mécanique avec le seul garagiste de son village, il a finit par être caissier dans une supérette avant d'être appelé au combat. Le jeune qu'il était a radicalement changé. Il m'a montré des photos de lui avec sa famille. J'ai eu plus de mal à croire qu'il avait les cheveux courts à l'époque plutôt que deux bras. Je me suis amusé ce jour-là à lui faire des tresses. Le lendemain il avait les cheveux bouclés et ça lui allait affreusement bien, j'étais jaloux, je voulais les mêmes boucles que lui plutôt que mes cheveux qui ne veulent jamais se laisser coiffer.

On a parlé de moi. Du lycée. Que c'était chiant et que plus personnes ne m'aimait là-bas. Mes amis ont découvert le pot aux roses : j'avais volé un magazine avec que des hommes comme modèles... Ça leur a mis la puce à l'oreille, ils ont fait une supposition et ont vu que beaucoup de choses ne collait pas. Ils ont fini par me rejeter et par me tabasser. J'ai fini avec trois côtes cassées, le nez en sang, un genou pété et tous les os de ma main gauche brisé. Donc ce que m'avait fait la brune de Léonie la dernière fois ne m'a pas vraiment atteint plus que ça, mis à part qu'elle a cassé mon nez une seconde fois. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. En fait, à la rentrée ça va être la première fois depuis plus de deux ans que je retourne au lycée. Sinon j'avais l'habitude d'avoir des cours à distance... Donc j'appréhende un peu cette rentrée. Tout le monde sera au courant de ma situation. Et je risque vraiment gros en allant là-bas. Mais ça ne s'est pas ébruité chez les adultes, les ados sont trop bornés pour raconter leurs vies à leurs parents... Et j'aimerais bien que ça reste comme ça. J'ai la chance aussi d'avoir des parents qui ne sont amis avec aucun autre parents d'élèves. Les rumeurs se font moindre de leur côté. Et j'apprécie ce côté de leur personnalité. Tout ce qu'ils aiment c'est leur argent. Au moins je n'ai jamais manqué de rien, sauf d'amour et d'affection de leur part. Heureusement que Ketya était là pour moi peu importe la situation. Je pense qu'elle me considère comme son deuxième fils, et moi je la considère comme la seule mère que je n'ai jamais eu.

Cet été làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant