Prologue : Ordre Des Choses

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《Hey, toi là-bas !》

Sa vie était une chose dont il se serait bien passé.

《Ouais, c'est à toi que je parle !》

Il était persuadé que le monde était une sorte de blague. Que rire était un pouvoir suprême, qui faisait que cette phrase rodée prenait tout son sens : il y a ceux qui rient, et ceux dont on rit. Un monde de types aux sourires blancs et d'autres aux yeux cernés de noir. Un vaste échiquier, et des pièces, qui tombaient, les unes après les autres.

Il attendait son tour, comme tout le monde.

Honneur aux blancs.

《Tu sais sur quelle pelouse tu viens de marcher, là ?》

Il ne répondit pas. Ce sourire carnassier, il le connaissait, et ne l'aimait pas. Il faisait affaire à un simple pion cette fois, mais il se méfiait tout de même : on pouvait mettre un Roi échec et mat avec un de ces simples petits pions. Ces gars sont limités, mais pas incapables.

《C'est la pelouse de mes potes et moi, ok, face de bite ?》

C'était stupide. Il n'y avait pas d'écriteau qui indique que cet endroit appartienne à qui que ce soit. Il ne disait jamais rien. Il préférait se taire, parce que lorsqu'il parlait, c'était encore pire. Ces stupides hyènes n'aimaient pas réfléchir apparemment.

《Oh. Je te parle, espèce de nerd.》poursuivait l'autre.

Un petit pion vicelard.

Son interlocuteur l'aggripa brusquement par le col de sa chemise et le poussa hors de la pelouse en crachant de mépris. Il l'insulta encore une fois ou deux, décida de laisser tomber lorsqu'il remarqua que le concerné ne disait toujours rien. Ses amis, sous l'arbre, l'appelaient.

《Ouais, ouais, j'arrive ! Ce binoclard n'est pas seulement miope, il est aussi sourd-muet !》

Sa plaisanterie fit rire son groupe alors qu'il le rejoignait, et un plissement amer gagna les lèvres de Kido. Rire. Il reprit son chemin, contournant la pelouse cette fois, les poings serrés autour de la lanière de son sac de cours. Il rejoignit les bâtiments.

《Tu devrais arrêter avec ces lunettes. C'est pour ça que tous ces types te brutalise.》

《Ça ne changerait rien.》

Sakuma fit la moue en entendant sa réponse et soupira, accoudé à sa table. Il se redressa, s'étira, se plaignit de son mauvais caractère : Genda sourit un peu, saisit amicalement l'épaule du premier et plaisanta sur le fait que Kido sans lunettes, ce n'était plus vraiment Kido. Et le blanc riait, affectueusement.

Le lycée était un endroit plein de haine, de jalousie, de rage et d'envie. Comme toute bonne simulation de structure sociale qui se respecte, il y avait des règles, des rôles et une hiérarchie stupide. Lorsqu'on était faible, il valait mieux se faire petit.

C'est là qu'était le problème de Kido.

Il n'était pas faible. Il était riche et fier, comme les autres carnivores de cet endroit. Comment s'était-il retrouvé si bas dans la chaìne alimentaire alors qu'il avait tout des grands carnassiers ? Il garda le silence, encore et toujours, Sakuma et Genda discutaient paresseusement, évoquant les dernières rumeurs, les dernières nouvelles, lorsque la porte de la classe s'ouvrit sur un groupe de garçons. Ils riaient fort. L'un d'eux tira en arrière la chaise d'un type qui n'avait rien demandé, le fit tomber en expulsant, toujours, un rire de hyène du fond de sa gorge déployée. Le gars était tombé dans un cri sourd, se plia sur lui-même, mal en point, et respecta la règle numéro un du loser : marche à l'ombre et tais-toi.

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