Elatio

Les Yeux D'Un Autre

《Niichan ?》

Kido tourna la tête vers la source de la voix, et croisa le regard pétillant de sa soeur. Elle s'approchait, habillée pour sortir, et lui offrait ce grand sourire, si beau que son visage ne suffisait pas à le contenir : c'est simple, elle rayonnait. Le garçon ne retint pas un sourire attendris.

《Tu sors ?》demanda-t-il gentiment.

《Oui, les filles et moi on va au karaoké. Tu veux venir ?》

《Non merci. Père veut que je suive sa réunion ce soir.》

《Ah oui... cette histoire de gestion de l'entreprise...》soupira la jeune fille.《Papa n'est pas gentil de t'infliger ça. Tu as le temps d'apprendre avant de reprendre sa boîte !》

《Si ça peut le rassurer, ça me va. Je comprends qu'il s'inquiète, je ne suis pas aussi doué que lui.》

《Arrête avec ça. Tu es l'homme le plus brillant et le plus doué que je connaisse.》

《Tu en connais beaucoup ?》se moqua le grand frère.

《Ahahah... va savoir.》

La brunette lui sourit tendrement et déposa un baiser sur sa joue en le quittant. Il salua de la main jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans les escaliers, et la porta finalement à son noeud de cravate pour le remettre : comme chaque trimestre depuis quelques années, son père tenait une réunion de stratégie commerciale avec ses principaux adjoints, et il en profitait souvent pour l'y convier. Kido n'arrivait pas à y trouver d'intérêt, mais il gardait le silence, vis à vis de son père, décidé à paraître sous son meilleur jour pour lui et ses associés ; après tout, comme son père le lui répétait souvent non sans mépris, tout ça lui appartiendrait un jour. Il approcha de la salle de réunion où son père se tenait sûrement déjà.

《Yuuto-kun.》

Le garçon reconnut la voix grave qui l'avait interpellé et fit volte face vers sa source : un des proches conseillers de son père, et l'un de ses plus vieux amis au sein de l'entreprise, marchait vers lui d'un pas de maître.

《Ça fait longtemps dis-moi.》sourit l'homme sous son air placide et impénétrable.《Tu travailles dur à l'école non ?》

《Oui. Je ne me contente que de l'excellence.》

《Ahahah, tel père tel fils. Du moment que tu aimes ça, c'est une bonne chose ; la culture du travail est un atout dans un milieu comme le nôtre.》

Kido réfléchit à cela : le problème, avec tout ce qui s'était passé récemment, c'était qu'il n'était plus sûr d'aimer ça. Le plaisir d'être au dessus des autres scolairement n'avait rien d'aussi exaltant que faire le funambule sur les toits, ou mieux encore, d'embrasser Fudo. Il marqua un temps mort dans sa réflexion ; embrasser Fudo, cet acte d'interdit déliquescent, cette indescence à fleur de lèvres, Kido se sentait à la fois coupable d'un crime terrible et victime d'un plaisir insurmontable. Il s'était déjà dit qu'il n'aurait pas dû commencer, mais comme une dose d'héroïne injectée dans ses veines directement, une fois avait suffis à l'exaltation, et irrémédiablement l'addiction. Et comme une drogue, il devait obtenir toujours plus de cette sensation coupable d'incendie, de ce plaisir défendu pour être rassasié.

《Et les amours ? Ton père est du genre solitaire, il n'aime pas s'intéresser à la vie privée des gens, mais c'est important aussi, à ton âge, d'avoir une petite amie.》poursuivit justement l'homme, alors qu'ils remontaient le couloir vers la fameuse salle de réunion.

《Rien de particulier, je m'investie beaucoup dans mes études.》mentit-il sans trop de peine.

《Vraiment ? Tu tiens vraiment de ton père ! Toujours d'une ambition et d'une volonté de fer.》